Quels albums jeunesse pour questionner les normes genrées ?

Mercredi 30 mars, j’ai assisté à la librairie le monte en l’air à la rencontre “Quels albums jeunesse pour questionner les normes genrées ? Etats des lieux et perspectives” avec Sarah Ghelam, chercheuse en littérature jeunesse, Isabelle Cambourakis, directrice de la collection « Sorcières », et Elsa Kedadouche, éditrice chez « On ne compte pas pour du beurre ». En voilà un petit compte-rendu. 

C’est Sarah Ghelam qui est à l’initiative de cette rencontre. Après un mémoire sur la Représentation des personnages enfantins non blancs dans les albums jeunesse publiés en France entre 2010 et 2020, elle travaille actuellement sur les albums qui questionnent les normes de genre. Elle englobe dans cette dénomination à la fois les albums qui subvertissent les normes genrées, mais aussi ceux qui représentent des désirs non normatifs. Elle a récemment travaillé à l’élaboration d’une liste la plus exhaustive possible de ces albums et est arrivée à une liste d’environ 220 albums, disponible ici

C’est suite à ce travail qu’elle a organisé cette rencontre “pour qu’on puisse mettre en avant la production existante oui, mais surtout pour qu’on puisse avoir un regard critique sur cette production, mettre en avant les nouvelles propositions éditoriales, et discuter de quels albums publier pour subvertir les normes.”

Elle a commencé par parler du matrimoine des albums jeunesses féministes. Dans les années 1970 des militantes montent des structures pour pouvoir s’éditer elles-mêmes et éditer des albums jeunesses féministes. C’est le cas de la collection du côté des petites filles ou du collectif pour un autre merveilleux qui aboutira à la création des éditions du sourire qui mord. Certains de ces titres seront réédités par la suite. On peut citer les albums d’Adela Turin réédités dans les années 90-2000 chez Actes Sud Junior, les rééditions des albums de Christian Bruel, dont l’histoire de Julie qui avait une ombre de garçon chez Thierry Magnier autour de 2012 ou les rééditions des premiers albums d’Agnès Rosenstiehl par la ville brûle. Certains de ces titres ont été en partie réécrits ou retraduits, pour d’autres c’est une réédition à l’identique.

(Pour aller plus loin sur cette période passionnante, vous pouvez aller lire l’article de Sarah Ghelam sur Adela Turin et la collection “du côté des petites filles” et mon article sur deux albums de cette collection ; mon article sur l’histoire de Julie qui avait une ombre de garçon et ses différentes éditions, le mémoire de Caroline Hoinville sur les albums pour enfants des maisons d’édition des femmes et le sourire qui mord et mon article sur le travail de réécriture des albums d’Agnès Rosenstiehl). 

Après cette période d’effervescence, on trouve des albums plus isolés dans les années 1980 et 90. Il faut citer la princesse Finemouche de Babette Cole (1986) par exemple, ou le papa qui avait dix enfants de Bénédicte Guettier (1997). Et en 2005 sont créées les éditions Talents Hauts qui a pour volonté affichée de lutter contre les stéréotypes sexistes. C’est cette maison d’édition qui est la plus représentée dans la liste élaborée par Sarah Ghelam, avec 45 titres. 

Comment, aujourd’hui, la collection Sorcière et les éditions on ne compte pas pour du beurre se positionnent par rapport à ce matrimoine ? Comment travaillent-elles et quels sont leurs choix ? 

comme un million de papillons noirsIsabelle Cambourakis est directrice de la collection Sorcières mais aussi institutrice en maternelle. Sa collection est à l’origine une collection d’essais destinés aux adultes, et dans laquelle il y a une réflexion sur le matrimoine, une volonté d’inscrire la collection dans une généalogie féministe. Elle a fait des recherches sur les luttes féministes des années 70, et en particulier sur l’écoféminisme et réédité (ou édité pour la première fois en français) des textes de ces années-là. Pour les titres jeunesse de la collection, les choses se sont faites différemment : ce n’est pas partie de la volonté de constituer un corpus mais cela a commencé par la proposition de Laura Nsafou de publier Comme un million de papillons noirs. Ce livre, après une première parution dans une petite maison d’édition associative (Bilibok), avait été refusé par de nombreux éditeurs jeunesse. Isabelle Cambourakis a décidé de l’éditer dans sa collection. Ainsi, en jeunesse, elle se demande plutôt “qu’est-ce qu’il faut éditer aujourd’hui ? qu’est-ce qui manque ?”. Et pour la collection Sorcière, le choix se porte sur des albums féministes mais aussi sur la question de la représentation des personnages non blancs. Avec pour objectif de les représenter aujourd’hui, ici, sans exotisation, en sortant des représentations stéréotypées du type Kirikou. 

En dehors de la collection Sorcière, les éditions Cambourakis éditaient déjà des albums jeunesse, essentiellement des traductions, beaucoup de pays du nord, ce qui apportait déjà une ouverture à d’autres formes de représentations, sans que ce soit une politique claire. Et il y a une porosité certaine entre la collection sorcière et le reste de la maison. Ainsi, la princesse et le poney de Kate Beaton (2015), s’il ne présente pas de discours antisexiste flagrant, propose des représentations qui sont une autre façon de passer le message. On peut aussi citer la série Carl et Elsa de Jenny Westin Verona et Jesus Verona qui met en scène des jeux d’enfants et bouscule les stéréotypes sans que ce soit le sujet. 

amoureuse de simoneChez On ne compte pas pour du beurre, la question du matrimoine intéresse mais dans un premier temps, l’objectif est plutôt de trouver les voix du présent. C’est une maison d’édition associative portée par un collectif dont les membres sont majoritairement lesbiennes et pour plusieurs d’entre elles racisées. Elles sont parties du constat que les représentations de lesbiennes étaient rares, ou alors que c’était LE thème de l’album. Elles ont souhaité faire des livres pour leurs enfants, avec ces représentations manquantes. Les représenter non pas dans des albums dont c’est le thème, mais dans des situations banales, des histoires. Les voir exister simplement. Par exemple dans leur album l’amoureuse de Simone d’Elsa Kedadouche et Amélie-Anne Calmo, le sujet n’est pas qu’elles soient noires ou lesbiennes, c’est juste un histoire d’amour. Les éditrices ont envie d’aller vers des créateurs et créatrices concernées, et de leur donner de la légitimité. Le fait que ce soit une activité bénévole, une association, leur donne de la liberté. 

Sarah Ghelam souligne alors que comme dans les années 70, il faut créer des espaces pour des albums qui ne peuvent pas exister ailleurs, qui ne sont pas publiés dans des maisons d’édition jeunesse plus classiques. 

Elle demande ensuite aux deux intervenantes leur avis sur la production éditoriale jeunesse existante. 

Isabelle Cambourakis dit qu’elle ne voit pas tout ce qui sort, mais elle trouve que ça change en ce moment. Qu’il y avait des manques sur certains sujets, et que ça s’améliore un peu. Mais elle constate une certaine uniformité dans la façon d’illustrer : illustrateurs et illustratrices sortent tous et toutes des mêmes écoles d’art, ce qui aboutit à une uniformisation du style des albums. Et il est difficile de trouver des albums qui sortent de cette esthétique. Les personnes qui les éditent sont issus des mêmes formations. C’est aussi une question de classe : tout ce monde vient d’un milieu bourgeois. Cela joue aussi sur les sujets abordés : les maisons de vacances à la campagne par exemple. C’est compliqué pour que ça bouge, il faut que ça évolue dans les structures éditoriales et les écoles d’art, qu’elles intègrent des profils différents. Cela induit aussi de réfléchir à notre regard de lectrices et de médiatrices du livre : on ne peut pas disqualifier certaines illustrations par biais de classe. En 2019, la revue des livres pour enfants a consacré un dossier à comme un million de papillons noirs de Laura Nsafou et Barbara Brun, le comité de lecture de la revue s’est interrogé sur les raisons pour lesquelles ils ne l’ont pas sélectionné et ce qui est ressorti ce sont les “illustrations, qui nous avaient semblé trop caricaturales”. Et effectivement il sort de cette esthétique de l’album jeunesse, il fait plus commercial. (le dossier “l’effet papillon noir” est disponible ici, et je vous recommande le reste du numéro intitulé “stéréotypes, fin de partie ?”). Mais dans les classes, il y a besoin de livres qui parlent à tous les enfants, pas seulement à ceux qui partagent les codes et les références de l’édition jeunesse. Elle cite l’article de Cécile Boulaire “des albums pour toutes les classes (sociales) ?” qui revient justement sur ces questions. Je l’ai trouvé passionnant, et je me permets de vous en donner deux extraits : 

les journalistes qui écrivent dans les magazines, les critiques littéraires, les universitaires qui s’intéressent aux livres pour enfants – les enseignants et les bibliothécaires qui les achètent, les libraires qui les mettent en avant, et allons-y, les artistes qui les créent et les éditeurs qui les publient, tous appartiennent au même milieu. Ils ont donc les mêmes attentes, les mêmes critères, ils sont dépaysés par les mêmes esthétiques, stimulés par les mêmes thématiques, touchés par les mêmes émotions. Ils partagent les mêmes idées, les mêmes valeurs. Je ne devrais pas dire « ils » : nous partageons goûts, valeurs et habitus sociaux.

“les enfants de milieu défavorisé ont des livres à la maison, mais ils ne les retrouvent pas dans le « coin lecture » de la classe de maternelle : ce ne sont pas les mêmes corpus valorisés à l’école et à la maison. Oui, les enfants dont les parents sont peu diplômés entendent des histoires à la maison, mais ce n’est malgré tout pas la même manière de raconter que celle qui se pratique à l’école ; cela ne construit pas le même profil d’enfant lecteur. Et au bout du compte, les différences perdurent, qui se traduiront souvent en inégalités de réussite.”

Elsa Kedadouche demande aux libraires s’ils ont des livres avec des familles homoparentales, ou un personnage LGBT. Et à ce sujet elle fait une différence entre Paris et la province. En dehors de Paris, peu de libraires peuvent répondre. Quand on lui répond, c’est souvent “ah oui j’ai un livre qui parle des différentes sortes de familles”. Ou depuis peu, on propose mes deux mamans de Bernadette Green et Anna Zobel (Talents hauts). Mais il est rare qu’une librairie propose plus de deux références, ou des histoires où l’homoparentalité n’est pas le sujet. 

Sarah Ghelam souligne que ces livres sont parfois absents par méconnaissance, Qu’ils ne sont pas toujours bien diffusé. D’où l’intérêt de diffuser la liste qu’elle a réalisé. Sur la représentation des enfants non blancs, elle constate qu’ils apparaissent le plus souvent dans trois types d’histoires : 

  • les albums sur la différence où un personnage blanc apprend à accepter des personnes différentes. L’enfant non blanc est un personnage secondaire, l’histoire n’est pas de son point de vue. Le racisme, la couleur de peau ne sont pas abordées, si l’enfant non blanc est différent, c’est en raison d’un trait de caractère ou d’une caractéristique autre.  
  • les albums qui baignent dans l’exotisation, à la Kirikou
  • les albums avec un personnage non blanc, sans que ça change quoi que ce soit à l’histoire, sans marquage culturel. 

demeure du cielPour elle, le premier album à proposer une histoire avec un enfant non blanc dont le sujet n’est pas le racisme, mais avec un marquage culturel clair (vêtements, recette de gâteau, etc), c’est la demeure du ciel de Laura Nsafou et Ogla Guillaud, publié justement dans la collection Sorcière chez Cambourakis, et donc pas dans une maison d’édition jeunesse traditionnelle. 

Elle cite la thèse de Julie Fette (“Gender in Contemporary French Children’s Literature: The Role of Talents Hauts”, Children’s Literature Association Quarterly, vol. 43 no. 3, 2018, p. 285-306) sur les éditions Talents Hauts qui démontre que la plupart de leurs albums suivent la même structure narrative : un personnage est coincé dans un système très sexiste, et rencontre un obstacle et réussit à le surmonter. Mais il n’y a pas de remise en cause fondamentale du système. Par exemple, dans Longs cheveux de Benjamin Lacombe, la chute est qu’une fille le trouve beau avec ses cheveux longs : on reste dans la norme hétérosexuelle, c’est l’approbation de cette petite fille qui “valide” la “différence”.

De plus, cela aboutit souvent à une dépréciation de ce qui est considéré comme féminin. Dans la princesse qui pue qui pète de Marie Tibi et Thierry Manès (Casterman, 2020), par exemple,  le rose, les licornes, les barrettes ou les cœurs sont dépréciés. Le “moi je ne suis pas une fille comme les autres” devient une collection de stéréotypes sur ce que sont d’habitudes les filles. De plus, ça aborde parfois les stéréotypes de genre, certes pour les dénoncer, avant même que les enfants aient conscience de leur existence. Elle est ainsi dubitative sur la création d’une collection pour les tout-petits chez Talents Hauts, “Badaboum, par terre les clichés” qui propose des albums tout cartonnés. D’après son expérience d’animatrice, elle trouve que les enfants ont vraiment intégré les stéréotypes sexistes en milieu de primaire et qu’il n’est pas forcément pertinent d’aborder le sujet avant. Elsa Kedadouche souligne que sa fille lève les yeux au ciel quand on lui présente un album qui déconstruit ouvertement les clichés et qu’il faut désormais aller plus loin. 

(je n’étais pas vraiment d’accord sur cette partie. J’ai trouvé dans mon entourage familial et professionnel que les normes de genres étaient imposées très tôt et violemment aux enfants et que beaucoup de stéréotypes étaient déjà intégrés dès l’école maternelle. Et si je suis d’accord qu’on ne peut pas se contenter d’albums que j’appelle “manifeste” qui déconstruisent ouvertement les clichés, je pense qu’ils ont leur importance pour pouvoir parler explicitement des choses, servir de support d’échange. Je pense que des tout-cartons qui déconstruisent les stéréotypes peuvent au moins faire réfléchir les adultes qui les lisent. Et si mes enfants lèvent aussi les yeux au ciel en me disant “on sait maman, tu nous l’a déjà dit 1000 fois” quand je leur dit que le rose c’est pas que pour les filles, pourtant j’ai vu qu’avant de faire quelque chose qui va contre les normes de genre, comme mettre des barrettes pour aller à l’école, mon fils va ressortir ces albums là, les relire, s’en servir de moyen de réassurance). 

je m'appelle JulieSarah Ghelam observe aussi la tendance de certains albums à ne présenter des personnages LGBT que comme chute de l’album. C’est le cas par exemple de Tourmaline de Davide Cali et Fatinha Ramos (Alice Jeunesse, 2021) : le chevalier est finalement une chevalière. Sur les questions LGBT, elle déplore aussi que les albums avec des personnages LGBT présentent souvent des expériences très douloureuses. Par exemple dans je suis Camille de Jean-Loup Felicioli, premier album jeunesse avec une héroïne trans, on sait dès le début de l’album que Camille a des souvenirs douloureux, et dans un passage elle envisage le suicide. Elle se réjouit donc particulièrement de la sortie l’album je m’appelle Julie de Caroline Fournier et Laurier the Fox le 27 mai aux éditions on ne compte pas pour du beurre, un album beau et joyeux, qui met en scène la joie d’être respectée dans son identité. Il manque encore d’albums comme celui-ci ou comme Julian au mariage de Jessica Love (Pastel, 2021) qui se déroule lors d’un mariage lesbien, sans que ce soit le sujet de l’album. 

Quand on les interroge, justement, sur ce qu’il manque encore, ce qu’il reste à faire et à proposer dans l’édition jeunesse, et sur leurs projets à venir, voilà leurs réponses : 

Hilda et la princesseIsabelle Cambourakis dit que toute une veine d’albums antisexistes présentent une héroïne qui se distingue, qui devient une femme avec plein de pouvoir, avec comme sous-texte “toi aussi tu peux devenir une femme de pouvoir” et qu’elle considère que ce sont des ouvrages capitalistes. Que sa collection ne dénonce pas seulement les normes de genre mais un système plus général, que la collection est aussi anticapitaliste, antiraciste. Que le but n’est pas de vivre bien dans le système. Elle attend une proposition d’un album anticapitaliste. Sarah Ghelam souligne que dans les romans ados, on trouve des personnages qui font preuve d’agentivité, c’est-à-dire de capacité à changer le monde, à changer les choses, et pas seulement à y trouver leur place “malgré” leur différence, comme par exemple Katniss dans Hunger games, mais que c’est rare dans l’album jeunesse. Elle trouve pourtant que ça pourrait être le cas dans Hilda et la princesse d’Eva Rust publié en 2019 dans la collection Sorcière : la petite sorcière va prendre les choses en main, délivrer la princesse et elles vont pouvoir finalement sortir du cadre. Isabelle Cambourakis dit qu’effectivement, si elle a choisi de le publier dans sa collection, c’est qu’au-delà de la remise en cause des stéréotypes sexistes, il y avait un côté Mimi Cracra qui lui plaisait, mais aussi un côté hors norme et antisystème. 

Elsa Kedadouche raconte qu’elle a fait face à des discriminations franches. Des marques de rejet en salon du livre devant l’amoureuse de Simone (Sarah Ghelam souligne que c’est la première fois depuis Camélia et Capucine d’Adela Turin et Nella Bosnia qu’on voit deux femmes amoureuses sur la couverture d’un album). Il y a eu aussi des interventions de parents contre l’intervention dans les écoles de la maison d’édition. Un moyen plus poli de rejet est de dire “on n’a pas le public pour ça”. Il faut donc continuer à lutter. La maison d’édition s’intéresse aussi à la fluidité de genre, la non binarité. Dans Léo là-haut de Melody Kedadouche et Adam Rosier, qui vient de paraître, est écrit en écriture inclusive. Afin que les enfants lecteurs puissent s’y projeter quelque soit leur genre. On peut aussi voir Léo comme un personnage non binaire. Un autre de leurs projets est la publication, à l’automne, d’un recueil de contes détournés écrits par Anne-Fleur Multon. On attend de voir s’ils permettent une sortie du système hétéro-patriarcal…

J’ai tenu à faire ce compte-rendu parce que j’ai trouvé que cette rencontre apportait des aspects différents de beaucoup de tables rondes et rencontres sur le sujet, en la replaçant d’avantage dans le matrimoine de l’édition jeunesse et en interrogeant les manques dans la production actuelle. J’ai particulièrement apprécié la référence d’Isabelle Cambourakis à l’article de Cécile Boulaire que j’ai trouvé vraiment important dans ma réflexion sur la littérature jeunesse de ces derniers mois. Et c’est toujours intéressant de voir les nuances et les différences entre une table ronde de bibliothécaire (en majorité en tout cas) et d’éditrices. Merci, donc, à Sarah Ghelam.

Les liens du moment (mars 2022)

Je les partage régulièrement sur twitter, mais j’aime aussi les réunir ici, en garder une trace, voilà les ressources que j’ai découvertes (plus ou moins) récemment et trouvées intéressantes.

Je vous encourage vivement à découvrir le blog Hypothèses « genre de l’édition – représentations en littérature jeunesse » de Sarah Ghelam. Après son mémoire sur la représentation des personnages enfantins non blancs dans les albums jeunesse publiés entre 2010 et 2020, elle travaille en ce moment sur les albums qui questionnent les normes genrées et a publié une liste de 220 albums, qui fait une excellente base de travail. Je vous recommande à nouveau son article sur Adela Turin et « du côté des petites filles ». Vous pouvez aussi la suivre sur twitter.

La Fill (Fédération interrégionale du livre et de la lecture) propose un dossier intitulé « l’égalité femmes-hommes dans la filière du livre : en route !« , publié à l’occasion du 8 mars. On y trouve, après une introduction de Christine Detrez, quelques chiffres sur la place des femmes dans les métiers du livre, un article sur le mot autrice, un sur la budgétisation sensible au genre en bibliothèque, etc. Une partie est centrée sur la jeunesse, avec une rencontre avec la sociologue Oriane Amalric, une rencontre avec l’éditrice de Biscotto, une rencontre avec l’auteur Gaël Aymon, un article sur le prix égalité jeunesse de la Charte et j’y parle de mon expérience de bibliothécaire.

Les élèves d’un collège et leur professeure documentaliste ont réalisé une exposition sur 50 femmes mémorables, 50 affiches accompagnées de ressources pédagogiques. Leur direction ayant refusé qu’elles soient exposées dans le collège comme prévu, la prof a mis à disposition sur son blog. Une ressources très riche à télécharger absolument et à utiliser, que ce soit le 8 mars ou non ! Profitez-en pour découvrir le reste de son blog, la bibliothèque volatile et son compte insatagram

Planète Diversité a essayé de recenser tous les albums jeunesse avec des représentations LGBTQIA+.

Du côté des podcasts, la série laisse parler les femmes sur France Culture, une série documentaire qui « donne la parole à une centaine de femmes de tous âges, de classes sociales diverses, à travers tout le territoire et qui interroge la place des femmes en 2021 ». Et en 2022 la série fais parler les hommes qui « sonde la parole masculine, au-delà des postures, des bras de fer et des blagues qui n’en sont pas ». L’épisode tourné dans une école primaire parisienne me touche tout spécialement car elle a été réalisée dans l’école de mes enfants et que je reconnais la voix de plusieurs des enfants qui s’y expriment. L’émission Barbatruc s’interroge sur ce qu’est une éducation féministe avec la toujours géniale Titiou Lecoq et le podcast « quoi de meuf » a consacré un épisode au recueil Le bel au bois dormant de Karrie Fransman et Jonathan Plackett, en faisant intervenir sa traductrice en français (je vous en reparle « bientôt », de ce bouquin, des contes, de la lutte contre les stéréotypes).

J’ai aussi noté dans les livres tout juste parus un nouvel album d’Elise Gravel, que vous connaissez forcément pour ses affiches. On en parle sur le site de l’éditeur et j’espère qu’il sera bien distribué en France.  le rose, le bleu et toi Gravel

Et j’avais beaucoup aimé les deux premiers tomes parus en 2017 et 2018, Anne-Fleur Multon a annoncé la sortie le 5 mai du 3e tome de la série « allo sorcières »un peu plus prêt des étoiles. A conseiller aux 9-12 ans. 

un peu plus près des étoiles

Bonne lecture, et n’hésitez pas à me faire part d’autres ressources ou lectures que vous avez trouvé intéressantes !

 

 

 

 

Deux albums des éditions des femmes

Hier, j’ai eu la chance de trouver d’occasion deux albums d’Adela Turin publiés aux éditions des femmes. 

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L’occasion de vous parler un peu de l’édition jeunesse militante des années 1970 et de vous présenter un peu en détail ces chouettes albums. 

Les années 1970 sont marquées par la création de maison d’éditions jeunesse novatrices, ouvertement militantes, avec un regard nouveau sur l’enfant.

IMG_2779On peut citer les éditions Harlin Quist et le travail de Françis Ruy-Vidal (qui dit « il n’y a pas de couleurs pour enfants, il y a les couleurs, il n’y a pas de graphisme pour enfants, il y a le graphisme qui est langage international immédiat. Il n’y a pas de littérature pour enfants, il y a la littérature »). Ils ont par exemple publié la raison des plus grands n’est pas toujours la meilleure d’Albert Cullum que vous pouvez découvrir ici

Histoire Julie ombre garçon Thierry MagnierOn peut citer les éditions du sourire qui mord, où a été publié le génial histoire de Julie qui avait une ombre de garçon de Christian Bruel, Anne Galland et Anne Bozellec. J’en ai parlé ici et j’en ai profité pour parler un peu de la maison d’édition. Certains de leurs albums ont été réédités dans les années 2012-2014 et sont toujours disponibles. J’ai une tendresse certaine pour ce que mangent les maitresses de Christian Bruel et Anne Bozellec. 

IMG_2755Et puis on peut citer la collection « du côté des petites filles » des éditions des femmes. Entre 1975 et 1982, une vingtaine d’albums ont été publiés dans cette collection dont le nom était inspiré du titre du livre d’Elena Gianini Belotti, livre féministe sur l’éducation des petites filles, et dont une partie est consacrée à la littérature enfantine. C’est la militante féministe, autrice et éditrice italienne, Adela Turin, qui est à l’origine de cette collection, en coédition avec sa maison d’édition italienne « dalla parte delle Bambine ». Sur Adela Turin, je vous conseille très vivement cet article de Sarah Ghelam qui parle de son rôle dans la collection « du côté des petites filles » mais aussi, ensuite, de son engagement dans l’association du même nom en 1994 qui a mené une des rares études chiffrées sur les représentation genrées dans les albums, dont vous trouverez une synthèse des résultats ici. Il est plein de nombreuses ressources passionnantes. Sur l’édition jeunesse dans les années 70, je vous conseille aussi ce mémoire de Caroline Hoinville

IMG_2780Revenons à la collection « du côté des petites filles ». Y sont publiés quelques autrices françaises, comme Flora et Benoîte Groult (Histoire de Fidèle, 1976), Anne Sylvestre (Séraphine aime oiseau, 1977) ou Agnès Rosenstiehl avec le génial les filles et le moins connu de la coiffure, son tout premier livre. Ils sont réédités par la ville brûle. On y trouve également des contes illustrés par Nicole Claveloux (illustratrice commune aux trois maisons d’édition dont j’ai parlé ici). 

Mais la majorité des livres publiés sont des textes d’Adela Turin. Ce sont des livres engagés, qui s’opposent ouvertement aux stéréotypes de genre. 

rose bonbonneLe premier livre publié, et probablement le plus connu, c’est Rose bonbonne (1975), illustré par Nella Bosnia. Chloé de Littérature enfantine en parle ici. Avec la même illustratrice, vont suivre Après le déluge (1975), Clémentine s’en va (1976), Les cinq femmes de Barbargent (1976), L’histoire vraie des Bonobos à lunettes (1976). Elle va aussi travailler avec Margherita Saccaro : histoire de sandwiches (1976), Le père Noël ne fait pas de cadeaux (1977), Salut, poupée ! (1978). Avec Letizia Galli (Jamèdlavie, 1977). Et enfin, avec Anna Motecroci pour Planète Mary : année 35 (2019 de l’ère chrétienne) (1980), son dernier albums aux éditions des femmes. Ses albums avec Nella Bosnia sont réédités chez Actes Sud autour de 2000, puis à nouveau au milieu des années 2010 pour Rose bonbon et l’histoire vraie des bonobos à lunettes, mais avec une nouvelle traduction et parfois un nouveau titre (Chloé a ainsi été déçue par la traduction de la fin de Rose bonbon). 

Et du coup, j’ai deux exemples d’albums à vous montrer ! Etant donné qu’ils ne sont plus édités depuis longtemps, je vais vous les raconter entièrement, et vous montrer de larges extraits. 

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Clémentine s’en va commence par une rencontre entre Arthur et Clémentine, deux tortues, et un mariage immédiat. 

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Clémentine a des projets et des rêves plein la tête : des rencontres, des voyages…  Mais bien vite, elle se retrouve coincée dans un coin près de l’étang. Arthur va seul chercher à manger pour « laisser Clémentine se reposer ». Elle s’ennuie. 

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Les propos d’Arthur deviennent dévalorisants, et ils vont l’être de plus en plus. Arthur trouve les idées de Clémentine ridicules. Il trouve qu’elle chante faux, qu’elle est trop dans la lune, qu’elle est ridicule quand elle veut peindre. Lui, il sait ce qui est bon pour elle. D’ailleurs, il lui fait des cadeaux. Pas ce qu’elle a demandé, non. Beaucoup mieux. 

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Clémentine, persuadée qu’Arthur a raison, lui qui est très intelligent, accepte tout de sa part. Peu à peu les cadeaux s’accumulent. Pour ne pas qu’elle les perde, Arthur lui demande de ses les attacher sur le dos. Et peu à peu, Clémentine se retrouve ensevelie sous les objets. Au sens propre. 

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Bientôt, elle n’arrive plus à bouger. « Arthur lui apportait ses repas, et tout fier, lui disait : « Que ferais-tu sans moi ? » « Oui, soupirait Clémentine, que ferais-je sans toi ? »

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Mais un jour, Clémentine se rend compte qu’elle peut sortir de sa maison. Laisser sa carapace et tout ce qui pèse dessus et aller se promener. Très vite, elle sort dès qu’Arthur a le dos tourné. Elle pense à ses promenades tout le temps. « Arthur trouvait sa femme de plus en plus bizarre et distraite, et la maison de plus en plus sale. »

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« Un jour, à son retour, Arthur trouva la maison vide ». Il est étonné, indigné et furieux. 

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L’album se termine sur un Arthur furieux contre son ingrate de femme, lui qui a tout fait pour elle, et une Clémentine sans doute heureuse, qui a pu voyager, jouer de la flute et faire de la peinture comme elle l’espérait. 

On retrouve bien les années 70 dans l’illustration où vert, bleu et orange prédominent. J’ai été un peu gênée par les accessoires très genrés des deux protagonistes (noeud sur la tête, collier de perles ou fleurs pour Clémentine, montre pour Arthur, qui m’ont évoqué cet article, mais au moins il y a un accessoire pour genrer le masculin). Je trouve l’image de Clémentine ensevelie sous les cadeaux, qui l’empêchent littéralement de bouger, très forte et marquante.

Tout l’album portant sur l’émancipation de Clémentine, je trouve le titre Clémentine s’en va bien plus adapté que celui choisi pour la réédition chez Actes Sud, Arthur et Clémentine, même si ce dernier est plus fidèle au titre italien. Je ne sais pas si, à part le choix du titre, il y a des changement entre la première et la seconde édition. 

 

Pour le second album, on quitte la fable animalière pour plonger dans la science fiction. 

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Dans Planète Mary, année 35 (2019 de l’ère chrétienne), une femme raconte à des enfants l’origine de son peuple. Jadis, il y a eu une catastrophe sur la Kerre. Elle est née dans une capsule qui tournait autour de Venus. Chaque famille vivait dans une petite capsule, isolée. Les pères partent tôt dans l’espace et reviennent tard, sans qu’on comprenne vraiment ce qu’ils y font.

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Pour faire des économies d’énergie, on construit une Cité Spatiale où tout le monde va vivre ensemble. 

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Quand la cité spatiale est achevée, tout le monde s’y installe. C’est la fête pour les enfants qui peuvent enfin se rencontrer et jouer ensemble. Les pères continuent à aller faire on ne sait quoi dans leur module toute la journée. La Cité Spatiale est organisée autour d’un « Grand Cerveau », sorte d’intelligence artificielle qui enseigne aux enfants (puis aux mères).

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Elles utilisent aussi un simulateur qui leur permet de faire découvrir à leurs enfants à quoi ressemblait la vie sur la terre. Peu à peu, les mères vont décider de chercher une nouvelle planète où vivre. « Elles discutaient des heures et des heures, écrivaient, faisaient des calculs »

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Elles finissent par trouver une planète où tout le monde peut vivre. Elles profitent de Noël, où les pères reviennent tous à la cité Spatiale (rappelons qu’ils continuent à faire on ne sait quoi dans leur module toute la journée), pour emmener tout le monde près de la nouvelle planète. 

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« Pour les papas, ce fut une surprise ; pour nous, les enfants, le vrai grand cadeau. Mais (et ça, nous ne nous y attendions pas !) ça n’enthousiasma pas tous les papas ! Peu à peu, quelques-uns reprirent leurs petits modules et leurs tournées dans l’espace, autour de Mary ». Les premières années, la vie est un peu dure parce qu’il faut découvrir cette nouvelle planète et comment l’habiter. « Pendant cette période là, le grand cerveau nous aida énormément. Certaines mamans étaient devenues expertes et l’avaient un peu modifié après l’amaryssage ; il devint ensuite la bibliothèque-école que vous connaissez. « 

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Si j’ai trouvé l’album moins fort que Clémentine s’en va, j’avoue un faible pour l’illustration SF rétro d’Anna Montecroci, et les combinaisons à épaulettes. Mais regardez ça :

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Voilà, je suis toujours à la recherche de certains albums de cette époque, promis si je les trouve je vous les montrerai !

Les femmes scientifiques dans la littérature jeunesse

Après les femmes artistes, j’avais envie de vous parler de femmes scientifiques.

Si on tape « dessin de scientifique » sur google, on trouvera quasiment uniquement des hommes. Encore plus si c’est un « professeur ».

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Alors apportons un peu de diversité dans les représentations. Proposons des femmes scientifiques dans les livres pour enfants, découvrons d’autres femmes que Marie Curie, toujours donnée en exemple, et souvent la seule femme dans des livres sur les sciences. Il y en a souvent quelques unes dans les livres de portraits de femmes, mais je vais me pencher ici sur les livres spécifiquement centrés sur les scientifiques. 

 

Les recueils :

inventrices et leurs inventionsInventrices-Inventions-1

  Les inventrices et leurs inventions d’Aitzibier Lopez et Luciano Lozano (éditions des éléphants, 2019).

Dans ce livre au format album accessible dès 5-6 ans, on trouve des portraits d’inventrices qui « ont révolutionné notre quotidien, en inventant une multitude d’objets devenus indispensables : couches jetables, lave-vaisselle, mais aussi essuie-glaces ou périscope… ». En se concentrant sur les inventions du quotidien, le choix des femmes qu’on y découvre est différent de la plupart des autres livres sur la question, cela apporte une variété bienvenue !

 

Capture d’écran 2021-05-31 à 10.21.53femmes de science poulpe fiction

Les femmes de sciences vues par une ado un peu vénère ! de Natacha Quentin (Poulpe Fiction, 2021)

La collection 100% bio de chez Poulpe fiction a pour projet de proposer des biographies dynamiques et facilement lisibles par les (pré)ados. Le 7e tome est consacré aux femmes scientifiques. « Excédée par les propos de Clément, son frère qui affirme que les femmes ne sont pas faites pour les sciences, Louise relate avec humour la vie de 25 grandes scientifiques : Marie Curie, Jocelyn Bell, Emilie du Châtelet, Rosalind Franklin ou encore Jane Goodall. » Le ton est moderne et accrocheur. A partir de 10 ans environ.  

 

femmes de scienceFemmes de science, à la rencontre de 14 chercheuses d’hier et d’aujourd’hui d’Annabelle Kremer-Lecointre (La Martinière Jeunesse, 2021)

Ce documentaire à destination des ados présente sous forme d’interview (souvent fictives) le parcours de femmes scientifiques. Il est richement illustré et plusieurs pages mettent en contexte les découvertes et la vie de ces chercheuses. Son intérêt principal est de présenter des figures historiques mais aussi des portraits de chercheuses françaises contemporaines.  A partir de 12-13 ans. 

 

women in science

mary anning women in science

Women in science, 50 fearless pioneers who change the world de Rachel Ignotofsky (Ten Speed, 2016)

Ce livre n’a malheureusement pas été traduit en français. D’habitude, je ne publie pas de livres en anglais, parce que je le lis très mal, et que j’ai déjà du mal à suivre la production éditoriale française, mais j’en ai entendu beaucoup de bien, en particulier de la part de Sophie en qui j’ai toute confiance sur le sujet. 

 

Enfin, ce n’est pas un livre mais une ressource intéressante pour les plus grand·es, lycéen·nes et étudiantes, le site de l’association femmes et sciences qui a pour objectif de « promouvoir et de valoriser les carrières scientifiques et techniques auprès des jeunes filles et des jeunes femmes, de promouvoir et de valoriser les femmes dans les carrières scientifiques et techniques » est très riche et propose entre autres une brochure avec « 40 femmes scientifiques remarquables du XVIIIe siècle à nos jours »

 

Marie Curie :

Comme Frida Kahlo pour les artistes, Marie Curie est LA femme scientifique qu’on trouve systématiquement mise en avant, parfois au détriment des autres. Elle est dans tous les livres sur les portraits de scientifiques ou presque, souvent la seule femme ou quasiment.

Extrait de Les femmes de sciences vues par une ado un peu vénère ! de Natacha Quentin

Extrait de Les femmes de sciences vues par une ado un peu vénère ! de Natacha Quentin

On trouve 44 notices à son nom en littérature jeunesse dans Electre, logiciel professionnel des libraires et bibliothécaires. Quand on peine souvent à trouver un ou deux livres sur d’autres femmes. Je vous propose donc une sélection par âge approximatif. 

Marie curie petite & grande

Marie Curie d’Isabel Sanchez Vegara et Frau Isa, collection petite & grande (Kimane, 2018). Cette collection, qui présente de nombreux portraits de femmes (on retrouvera Ada Lovelace un peu plus bas) se présente comme un album, accessible aux enfants dès 3-4 ans. Une grande douceur dans les illustrations pour une première approche. 

 

marie curie odyssées

Le génial podcast pour enfants « les odyssées » consacre pas moins de trois épisodes à Marie Curie ! C’est vivant, prenant et très chouette à écouter en famille. « Voici l’odyssée d’une des femmes les plus épatantes qu’ait connue l’histoire, si bien qu’elle a changé le monde grâce à ses incroyables découvertes scientifiques ! Tenez-vous prêts à pénétrer dans le laboratoire de Marie Curie où nous allons assister à de folles expériences. Marie ne veut qu’une chose : réaliser son rêve, devenir une femme de sciences ! »

Marie Curie Bayard

L’incroyable destin de Marie Curie, qui découvrit la radioactivité de Pascale Hédelin et Capucine (Bayard Jeunesse, 2018)

Cette collection propose des portraits de scientifiques dans un format « roman première lecture » à partir de 8 ans. On y trouve également quelques pages documentaires sur le contexte de l’époque et les découvertes scientifiques et leurs conséquences. 

Marie Curie grandes vies GallimardMarie Curie d’Isabel Thomas et Anke Weckmann, collection « les grandes vies » (Gallimard jeunesse, 2018)

Un documentaire petit format aux illustrations mignonnes, mais aux explications quand même assez pointues et complètes. J’y ai découvert beaucoup de choses quand je l’ai lu avec les enfants. A partir de 8-9 ans. 

 

marie curie belinLe journal de Marie Curie de Gertrude Dordor et Daphnée Collignon (Belin Jeunesse, 2020). Chez un éditeur pédagogique et scolaire, la vie de Marie Curie sous la forme d’un journal de bord, de son enfance en Pologne jusqu’à ses prix Nobel et son engagement pendant la Première Guerre mondiale. Un roman illustré indiqué à partir de 9 ans. 

 

 

Marie curie ceux qui ont dit non

Marie Curie, non au découragement d’Elisabeth Motsch, collection « ceux qui ont dit non » (Actes Sud Junior, 2016). 

Dans la chouette collection « ceux qui ont dit non » dont je parlais ici, un court roman biographique qui est centré sur sa lutte pour se faire une place dans le milieu scientifique, malgré les cabales et le dénigrement constant des milieux traditionnels. A partir de 12 ans environ. 

 

marie et bronia

Marie et Bronia de Natacha Henry (Albin Michel Jeunesse, 2017). Existe aussi au format poche (le livre de poche jeunesse, 2019) et en livre audio (Audiolib, 2019). « En Pologne, suite à la mort de leur mère, Marie Curie et sa soeur Bronia décident de tout faire pour aller à l’université afin de réaliser leurs rêves, devenir chimiste et médecin. Mais les femmes n’y étant pas admises, elles font alors un pacte : Bronia part la première faire des études de médecine à Paris et, une fois installée, fait venir Marie pour que celle-ci suive des études à son tour. » Ce roman ado, donc, accorde beaucoup de places aux années de formation et souligne l’importance du soutien familial de Marie Curie, son père et le lien avec sa soeur Bronia. La seconde prend autant de place que la première et c’est intéressant de découvrir cette femme médecin, engagée et militante. Cependant, j’ai trouvé qu’il accordait un peu trop d’importance aux histoires d’amour par rapport aux recherches scientifiques des deux femmes. A partir de 12-13 ans. 

Vous pouvez aussi retrouver la vie de Marie Curie en BD, chez Faton (Marie Curie, la scientifique aux deux prix Nobel de Céka et Yigaël) ou chez Bayard (Marie Curie en BD d’Agnieska Biskup et Sonia Leong), une petite biographie dans la collection quelle histoire qui a été adaptée en courte vidéo disponible sur youtube, un petit roman policier qui met en scène deux enfants qui viennent en aide à Marie Curie (Menaces sur le trésor de Marie Curie d’Emmanuelle Kecir-Lepetit, Le Pommier, 2017), une biographie romancée pour ados de Xavier-Laurent Petit (Marie Curie, elle a découvert l’énergie nucléaire, école des loisirs, 2016). Et enfin, elle prend une place importante dans le film d’animation Dilili à Paris de Michel Ocelot (2018), parmi d’autres femmes ayant réellement existé, où elle vient en aide à l’héroïne. 

 

Les portraits d’autres femmes scientifiques :

Marie Curie prend une place énorme. Elle a tendance à être l’arbre qui cache la forêt, donc il me tenait à coeur de mettre en avant d’autres scientifiques, dont beaucoup que j’ai découvertes moi-même grâce à ces ouvrages à destination de la jeunesse. 

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Ces affiches sont téléchargeables gratuitement sur le site d’Elise Gravel et la première existe aussi en version à colorier

 

Je vous les présente par ordre chronologique approximatif. 

Hypathie d’Alexandrie (entre 355 et 270-415), philosophe, astronome et mathématicienne

hypatiaHypatia d’Arnulf Zitelmann, (école des loisirs, 1991)

Roman biographique de la philosophe et mathématicienne de l’Antiquité tardive. A partir de 12 ans environ.

 

Emilie du Châtelet (1706-1749), femme de lettres, mathématicienne et physicienne

passions d'emilieLes passions d’Emilie, la marquise du châtelet, une femme d’exception d’Elisabeth Badinter et Jacqueline Duhême (Gallimard jeunesse, 2006, épuisé)

Un album à partir de 6 ans. 

J’ai hésité à le mettre parce qu’il est épuisé, mais je n’ai rien trouvé d’autre sur Emilie du Châtelet et j’avais envie qu’elle figure dans cette liste. Vous le trouverez sans doute en bibliothèque. 

Sophie Germain (1776-1831), mathématicienne

rien n'arrête sophie

Rien n’arrête Sophie, l’histoire de l’inébranlable mathématicienne Sophie Germain de Cheryl Bardoe et Barbara McClintock (éditions des éléphants, 2018)

Un album biographique accessible dès 4 ou 5 ans, qui montre autant dans le texte que dans l’illustration que le langage mathématique peut être un poème, qui souligne le courage et l’obstination de Sophie Germain pour s’imposer dans un monde d’hommes et qui présente de manière simple et accessible ses découvertes. Sophie en parle ici. Etonnant que cette biographie d’une scientifique française soit une traduction d’un livre américain !

sophie germain la femme cachée des mathématiquesSophie Germain, la femme caché des mathématiques de Sylvie Dodeller et Julien Billaudeau (école des loisirs, 2020) 

Un roman biographique à partir de 12 ans. 

L’écriture de ce roman a provoqué chez Sylvie Dodeller des interrogations sur la place des femmes dans la science, et a créé un podcast, « Sophie Germain project« , une émission qui parle de la place des femmes dans les sciences. Pourquoi y a t-il si peu de filles dans les filières scientifiques comme les maths, la physique ou l’informatique ? Qu’est-ce qui les freine ? Comment les inciter à y aller ? Qu’est-ce que l’effet Matilda ? Pourquoi des scientifiques comme Sophie Germain, Ada Lovelace ou Lise Meitner ont-elles été oubliées, invisibilisées ? Des chercheur.e.s en histoire des sciences, histoire de l’éducation, sociologues et spécialistes du genre répondent à toutes ces questions et à bien d’autres au micro de Sylvie Dodeller.

Ada Lovelace (1815-1852), pionnière de la science informatique

ada lovelace kimane

Ada Lovelace de Maria Isabel Sanchez Vegara et Zafouko Yamamoto dans la collection Petite & Grande (Kimane, 2020)

Un album accessible dès 4 ans. 

 

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Opération Lovelace d’Emmanuelle Kécir-Lepetit (Le Pommier, 2018)

Dans la collection « les savantissimes », des petits romans à partir de 9 ans qui mettent en scène des enfants qui viennent en aide à des grands scientifiques. On me souffle cependant à l’oreille qu’ils sont souvent plus didactiques que romanesques… 

Voilà le résumé de celui-ci : Hiver 2025 : un virus géant a attaqué les systèmes informatiques occidentaux. Plus rien ne fonctionne. Au Pentagone, des experts internationaux tentent de trouver une solution, le Professeur Holmes est consulté. Selon lui il n’y a qu’une solution : revenir en arrière et réparer le mal à la source en empêchant l’invention de l’informatique, cause de tous leurs soucis. Un programme secret du département de défense américain, baptisé « Lovelace », permettrait de voyager dans le temps et de se transporter en 1943 à l’université de Philadelphie, où a été construit le premier ordinateur. Nancy, une jeune fille de 12 ans, après avoir franchi un tunnel spatio-temporel, se retrouve propulsée à Londres, début juillet 1843. Le programme s’est trompé de 100 ans… Elle rencontre Oliver, un autre enfant, mais surtout Ada Lovelace, pionnière du langage informatique et Charles Babbage inventeur de la machine à différence. Entre passé et futur, les aventures seront nombreuses et les deux enfants découvriront la vie et les recherches d’Ada Lovelace, mathématicienne et première programmeuse informatique, discipline apparue au milieu du 20ème siècle…

A noter qu’un titre lui avait déjà été consacré dès 1998, Ada de Lovelace et la programmation informatique de Jean-Paul Soyer (Sorbier, 1998, épuisé)

Sophie Kovaleskaia (1850-1891), mathématicienne

Un épisode du podcast « Sophie Germain Project » dont j’ai parlé un peu plus haut lui est consacré : « la mathématicienne Sophie Kovaleskaia, portrait d’une aventurière« , accessible aux ados. 

Joan Procter (1897-1931), herpétologue

joan procter

Joan Procter, la femme qui aimait les reptiles de Patricia Valdez et Felicita Sala (Cambourakis, 2018)

Un très bel album qui raconte la vie de cette spécialiste des reptiles, qui s’est en particulier occupée des dragons de Komodo du zoo de Londres. C’est cet album qui a donné envie à mon fils, passionné par les reptiles, de devenir herpétologue. 

 

Anita Conti (1899-1997), océanographe

Dans la collection « l’incroyable destin » qui a déjà publié les biographies de Marie Curie, Katherine Johnson et Dian Fossey va paraître en septembre 2021 l’incroyable destin d’Anita Conti de Fleur Daugey et Laura Pérez. 

Katherine Johnson (1918-2000), physicienne, mathématicienne et ingénieure spatiale :

Katherine Johnson nasaL’incroyable destin de Katherine Johnson, mathématicienne de génie à la Nasa de Pascale Hédelin et Javi Rey (Bayard, 2020)

Un petit roman avec des pages documentaires, à partir de 8-9 ans. 

 

 

combien de pas jusqu'à la lune

Combien de pas jusqu’à la lune de Carole Trébor (Albin Michel Jeunesse, 2019)

Un roman pour ados très chouette (malgré quelques longueurs) qui insiste surtout sur son enfance et ses années de formation, sa passion pour les mathématiques partagée avec son père et qui reste un lien entre eux, les discriminations et le racisme auquel elle doit faire face. A partir de 12-13 ans. 

 

figures de l'ombreLe film de Theodore Melfi, les figures de l’ombre (2016) met en avant trois scientifiques noires ayant travaillé pour la Nasa, Katherine Johnson, mais aussi Dorothy Vaughan (qui devient responsable du département de calculs informatiques de la NASA) et Mary Jackson (première Afro-Américaine ingénieure en aéronautique). Ce film a joué un rôle important dans la mise en avant de ces femmes qui avaient été invisibilisées. Si ce n’est pas à proprement parler un film pour les enfants, il peut parfaitement être vu avec des ados.  

 

Rachel Carson (1907-1964), biologiste marine et militante écologiste

rachel carsonRachel Carson, non à la destruction de la nature d’Isabelle Collombat, dans la collection ceux qui ont dit non (Actes Sud Junior, 2021). Ce court roman parle de sa carrière scientifique, mais aussi de son engagement écologiste, dénonçant l’empoisonnement de la planète par l’industrie chimique, les pesticides et tout ce qui se déverse dans la nature. C’est le second roman de cette collection consacré à une scientifique, après celui sur Marie Curie présenté un peu plus haut. Pour ados à partir de 12 ans. 

 

Dian Fossey (née en 1932), primatologue

dian fossey kimane

Dian Fossey d’Isabel Sanchez-Vegara et Alessandra De Cristofaro dans la collection Petite & Grande (Kimane, 2018)

Dès 4 ans. 

 

 

dian fossey bayardL’incroyable destin de Dian Fossey, une vie à étudier les gorilles de Jean-Baptiste de Panafieu et Claire de Gastold (Bayard Jeunesse, 2019).

A partir de 8-9 ans. Dans la même collection, on trouve également Marie Curie et Katherine Johnson. Cela fait donc 1/3 de femmes dans la collection, ce qui est plus que ce que l’on trouve en général…

 

dian fossey a dos d'ane

Dian Fossey, l’ange gardien des gorilles de Brigitte Hache et Hypathie Aswang (A dos d’âne, 2020)

A partir de 8 ans. Une partie récit et un dossier documentaire.

Cet éditeur propose de nombreuses biographies, de personnes engagées, de scientifiques, d’artistes, etc. Mais leurs livres sont malheureusement rapidement épuisés, ce qui explique que je ne les ai pas plus cité dans mes articles. 

sur la trace des grands singes

Sur les traces des grands singes avec Jane Goodall, Dian Fossey et Biruté Galdikas de Jim Ottaviani & Maris Wicks (Ecole des loisirs, 2016)

Une bande dessinée accessible dès 7 ans qui présente le travail et les observations des grands singes de Jane Goodall (chimpanzés), Diane Fossey (gorilles) et Biruté Galdikas (orang-outang). 

 

Jane Goodall (née en 1934), éthologue, spécialiste des chimpanzés

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La petite fille aux singes, l’enfance incroyable de Jane Goodall de Patrick McDonnell (De la marinière jeunesse, 2013)

Cet album accessible dès 4 ans, met en scène l’enfance de Jane Goodall, passionnée par la nature, l’observation des petites bêtes de son jardin, sa passion pour l’Afrique, dès l’enfance. L’album s’achève sur une photographie de Jane Goodall adulte, qui a réalisé son rêve d’enfance. On y trouve des dessins d’enfance de Jane, quand elle était à la tête de la « Société des Alligators », des gravures naturalistes et le dessin très doux de Patrick MacDonnell. Un album très émouvant, un coup de coeur pour moi. 

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Jane Goodall de Noémie Arnaud (Quelle histoire, 2020)

Dans cette collection de biographies, à partir de 6 ans, un portrait de Jane Goodall. A petit prix (5 euros). Ils en ont fait une vidéo visible ici

 

 

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Le super podcast les Odyssées consacre deux épisodes à Jane Goodall. C’est par ces épisodes que nous avons découvert ce podcast, et mes enfants se sont passionnés pour cette histoire. A partir de 5-6 ans.

 

sur la trace des grands singes

Sur les traces des grands singes avec Jane Goodall, Dian Fossey et Biruté Galdikas de Jim Ottaviani & Maris Wicks (Ecole des loisirs, 2016)

Une bande dessinée accessible dès 7 ans qui présente le travail et les observations des grands singes de Jane Goodall, Diane Fossey et Biruté Galdikas. 

 

 

 

ma vie avec les chimpanzés

Ma vie avec les chimpanzés de Jane Goodall (école des loisirs, 1e édition 1989,  réédité en juin 2021)

Jane Goodall a elle-même écrit une autobiographie pour les ados à partir de 11 ans où elle raconte son parcours depuis les petits boulots de Bournemouth jusqu’à la réserve de Gombe et sa rencontre avec les chimpanzés.

 

 

 

Un film documentaire, Jane, a été réalisé en 2018 par le National Geographic, à partir d’images d’archives. Je ne sais pas si le film entier est adapté aux enfants, mais en tout cas on peut regarder avec eux quelques extraits visibles sur Youtube, ici ou par exemple. 

Un titre consacré à Jane Goodall existe également dans la collection Petite & Grande aux éditions la courte échelle (Jane Goodall de Maria Isabel Sanchez Vegara et Beatrice Cerocchi, Courte échelle, 2019). Ce sont des éditions canadiennes. En attendant que le titre soit peut être repris chez Kimane, il semble qu’il est distribué en France. 

 

Biruté Galdikas (née en 1946), primatologue

sur la trace des grands singes

Sur les traces des grands singes avec Jane Goodall, Dian Fossey et Biruté Galdikas de Jim Ottaviani & Maris Wicks (Ecole des loisirs, 2016)

Dans ce livre déjà cité plus haut pour Dian Fossey et Jane Goodall, on découvre les recherches de Biruté Galdikas sur les orang-outangs. 

 

Les fictions autour des filles et de la science :

J’avais envie de vous parler ici de livres qui ne mettent pas en scène des scientifiques ayant réellement existé, mais qui utilisent la fiction pour présenter des procédés scientifiques, pour parler de la place des femmes en science. 

comment fabriquer grand frèreComment fabriquer son grand frère ? un livre d’anatomie et de bricolage d’Anais Vaugelade (école des loisirs, 2016)

Dans cet album très grand format, Zuza, héroïne récurrente d’Anais Vaugelade, a décidé de se fabriquer un grand frère. C’est donc le prétexte d’un documentaire sur le corps humain et ce qui le compose, mais aussi, je trouve, une bonne première approche de la méthode scientifique : Zuza expérimente, rate, recommence, fait des recherches pour comprendre pourquoi elle s’est trompée. Et la science est également présenté comme un travail d’équipe puisqu’elle est aidée du crocodile et de ses jouets. 

L’éditeur le conseille à partir de 7 ans mais mon fils s’est passionné pour ce livre dès 3 ans 1/2 (et a joué à la rotule et à la cupule pendant des semaines). 

effet matildaL’effet Matilda d’Ellie Irving (Castelmore, 2017). Existe aussi en version adaptée aux dyslexiques (Castelmore, 2018). A partir de 10 ans. 

Matilda, douze ans, adore les sciences ! Ses héros sont Léonard de Vinci et Marie Curie, et elle passe son temps à imaginer et à fabriquer des inventions géniales. Elle est donc stupéfaite d’apprendre que sa grand-mère était une astrophysicienne, et qu’elle a autrefois découvert une planète ! Mais son odieux chef le professeur Smocks s’est attribué cette extraordinaire trouvaille… Pour Matilda, il est hors de question de le laisser s’en tirer et gagner un prix Nobel. Elle fera éclater la vérité ! Elle n’a que deux jours pour embarquer Mamie Joss dans un voyage loufoque et épique jusqu’en Suède… 

Avec ce jeu de mot, ce roman évoque un souci très réel en sciences, l’effet matilda, qui désigne désigne le déni ou la minimisation récurrente et systémique de la contribution des femmes scientifiques à la recherche, dont le travail est souvent attribué à leurs collègues masculins (on en parle souvent pour les scientifiques Rosalind Franklin ou Lise Meitner). La grand-mère de Matilda est inspirée de Jocelyn Bell, connue pour sa découverte du premier pulsar, pour laquelle c’est son directeur de thèse Antony Hewish qui obtient le prix Nobel.

Une chouette présentation de ce roman par Lucie Kosmala ici

Je tiens cependant à indiquer que Castelmore appartient aux éditions Bragelonne dont le directeur de publication et le cofondateur, Stephane Marsan, est accusé de « remarques et de gestes inappropriés, à connotation sexuelle, dans un cadre professionnel« . Plusieurs autrices ont demandé une enquête interne, sans suite à ce jour, à ma connaissance.  

calpurniaCalpurnia de Jacqueline Kelly (école des loisirs, 2013). 

Calpurnia Tate a onze ans. Dans la chaleur de l’été, elle s’interroge sur le comportement des animaux autour d’elle. Elle étudie les sauterelles, les lucioles, les fourmis, les opossums.
Aidée de son grand-père, un naturaliste fantasque et imprévisible, elle note dans son carnet d’observation tout ce qu’elle voit et se pose mille questions. Pourquoi, par exemple, les chiens ont-ils des sourcils ? Comment se fait-il que les grandes sauterelles soient jaunes, et les petites, vertes ? Et à quoi sert une bibliothèque si on n’y prête pas de livres ?
On est dans le comté de Caldwell, au Texas, en 1899. Tout en développant son esprit scientifique, Calpurnia partage avec son grand-père les enthousiasmes et les doutes quant à ses découvertes, elle affirme sa personnalité au milieu de ses six frères et se confronte aux difficultés d’être une jeune fille à l’aube du XXe siècle. Apprendre la cuisine, la couture et les bonnes manières, comme il se doit, ou se laisser porter par sa curiosité insatiable ? Et si la science pouvait ouvrir un chemin vers la liberté ?

Un roman ado (à partir de 11-12 ans) qui a reçu le prix sorcière en 2014 et dont je n’ai entendu que du bien. L’autrice l’a également déclinée en série pour les plus jeunes (Calpurnia, apprentie vétérinaire), à partir de 8 ans. Et le roman a également été adapté en BD, chez Rue de Sèvre, par Daphné Collignon. 

 

Et en sciences humaines ? 

Jusque là on a parlé de sciences dites dures. Mais trouve-t-on des livres sur les chercheuses en sciences humaines ? Alors là, c’est le désert quasi absolu. A moins que des références m’aient échappées.

J’ai trouvé deux livres de la collection « les petits Platons » (collection qui fait découvrir les grand·es philosophies aux enfants à partir de 9 ans) sur des femmes philosophes. La première, c’est la politologue et philosophe Hannah Arendt (1906-1975)

petit théâtre de Hannah Arendt

Le petit théâtre de Hannah Arendt, raconté par Marion Muller-Colard et illustré par Clémence Pollet (les petits Platons, 2014)

En 1975 alors qu’elle travaille à La vie de l’esprit, Hannah Arendt reçoit la visite de la petite fille qu’elle a été. La petite Hannah la suppliant de lui raconter une histoire, elles investissent toutes les deux une scène de théâtre et convoquent Aristote pour écouter son enseignement sur l’espace public et la Cité.

Un autre livre est consacré à Hannah Arendt aux éditions A dois d’âne, mais il est épuisé : Hannah Arendt transforme le monde de Yan Marchand et Anastassia Elias (A dos d’âne, 2017)

La seconde, c’est la philosophe et théologienne Edith Stein (1891-1944)

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Le secret d’Edith Stein raconté par Marguerite Léna et Bénédicte Bouillot et illustré par Anne-Lise Boutin (Les petits Platons, 2016)

Edith Stein explore un mystérieux château qui n’est autre que son propre pays intérieur. Une invitation à découvrir la pensée de la phénoménologue à destination des enfants.

 

Si je n’ai pas trouvé de livres consacrés à des femmes chercheuses en sciences humaines, certaines d’entre elles ont elles-mêmes publié pour la jeunesse. Malheureusement les livres que j’ai repéré sont souvent épuisés…

histoire des femmesMichelle Perrot (née en 1928) , historienne, a répondu aux questions de deux collégiennes dans il était une fois… l’histoire des femmes : Michelle Perrot répond aux questions d’Heloïse et Oriane (Lunes, 2001). 

Voici donc une discussion entre deux jeunes adolescentes et Michelle Perrot, professeur émérite d’histoire contemporaine de l’Université Paris VIII, réputée pour ses ouvrages et son combat en faveur de l’histoire des femmes. Ici, Michelle Perrot, en grande pédagogue, se prête volontiers aux questions des deux jeunes filles, à leurs interrogations actuelles sur le sport, les métiers ou encore les top-models. L’universitaire apporte des réponses simples et surtout resitue ce long combat et la place des femmes dans notre société actuelle.

héritier différence des sexesFrançoise Héritier (1933-2017) , anthropologue, au publié chez Bayard Jeunesse en 2010 un livre intitulé la différence des sexes destiné aux ados. Ce titre est désormais épuisé, mais il a été réédité en 2019, cette fois dans une collection pour adultes, avec le résumé suivant : C’est en fait un condensé de son oeuvre, accessible à tous, que Françoise Héritier nous offre ici. Les différences objectives entre les sexes entraînent-elles des différences d’aptitudes, des différences dans le domaine juridique, professionnel, et la domination d’un sexe sur l’autre ? Ses différences sont-elles naturelles ou culturelles ? Une leçon limpide sur l’égalité entre hommes et femmes, loin d’être acquise dans le monde et même dans nos sociétés. Je le mets quand même ici, puisqu’il a été conçu pour les ados à l’origine. Mais il démontre quelque chose dont je suis persuadée depuis longtemps : les documentaires pour enfants et ados sont aussi une excellente porte d’entrée pour les adultes qui veulent aborder un domaine qu’ils ne connaissent pas bien. 

pourquoi les richesMonique Pinçon-Charlot (née en 1946), sociologue, a écrit avec son mari Michel, pourquoi les riches sont-ils de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvre ?, un documentaire pour les enfants à partir de 9-10 ans illustré par Etienne Lécroart et publié aux éditions La ville brûle (1e édition 2014, réédité dans une version enrichie en 2018) : Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon expliquent les mécanismes et les enjeux du monde social. Cette opération de dévoilement permettra aux jeunes (et aux moins jeunes) lecteurs de dépasser le stade du ressenti pour accéder à la compréhension des déterminismes sociaux qui entrent en jeu : les riches, les pauvres oui, c’est injuste… mais pas seulement ! Pourquoi les riches sont-ils de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres ? s’attaque aux mécanismes de la domination sociale. Qu’est-ce qu’une classe sociale ? À quoi reconnaît-on les riches ? Que font-ils avec leur argent et pourquoi ne le partagent-ils pas avec ceux qui manquent de tout ? A-t-on besoin des riches ? 20 questions pour rendre compte d’une réalité sociale complexe sont croquées ici avec finesse et humour par l’illustrateur Étienne Lécroart. 

 

Voilà qui vous donne un peu de lecture ! N’hésitez pas à donner en commentaire des titres que j’aurais oublié ou pas trouvé, j’ai essayé d’être exhaustive, mais ce n’est pas simple !

Les femmes dans l’histoire de l’art (et la littérature jeunesse)

Vous connaissez sans doute cette image qui concerne les collections du Met de New York.

guerrilla girls

Eh bien on peut faire à peu près la même constatation dans les rayons art en littérature jeunesse (on y trouvera sans doute moins de femmes nues, mais c’est une autre question). J’ai d’ailleurs fait le constat dans la bibliothèque où je travaille. Quand je suis arrivée, TOUTES les monographies sur les artistes concernaient des hommes. 

Autre exemple, dans le centre Pompidou, musée national d’art moderne de la collectioncentre pompidou 1eres découvertes « mes premières découvertes », TOUTES les oeuvres reproduites avaient été créées par des hommes. Les seules femmes présentes sont celles qui ont créé une des toiles de Klein en se roulant dans la peinture. Et je cite celui-là parce qu’une amie l’avait remarqué, mais c’est le cas dans beaucoup de titres de ce genre, d’imagiers d’art ou de collections de découvertes. Les femmes artistes, créatrices, sont trop souvent absentes ou invisibilisées. 

Alors voilà de quoi diversifier un peu vos rayons art, en profitant d’un certain renouveau éditorial sur la question : la plupart des documentaires cités ont moins de cinq ans. 

Mais avant de parler de documentaires sur l’art, je voulais parler de deux albums que j’aime beaucoup, de Claire Cantais, Victoire s’entête (atelier du poisson soluble, 2006) et Votez Victorine (atelier du poisson soluble 2016).

Dans ces albums, Claire Cantais (l’illustratrice du ‘premier manifeste antisexiste’, Ni poupées, ni super-héros ! ) mêle oeuvres d’arts des collections du Louvre pour le premier, du musée d’Orsay pour le second et collages de papiers pour proposer des fictions. Si les oeuvres sont (très) majoritairement des oeuvres d’hommes, les histoires mettent en scène des héroïnes qui sortent de l’ordinaire.

Dans le premier, qui reprend la structure d’un conte, Victoire n’a pas de tête. Son père offre sa main à l’homme qui trouvera la tête qui lui convient. Tous les hommes qui arrivent lui proposent non pas des têtes qui lui conviennent à elle, mais des têtes qui leur ressemblent à eux. Jusqu’à ce qu’arrive un homme qui se demande ce dont elle a réellement besoin…

Dans le second, Victorine vit la vie ennuyeuse des jeunes filles de bonne famille. Jusqu’au jour où ses cousins lui font une vilaine farce et la laissent seule et nue dans la nature. Ca va être le début d’aventures rocambolesques qui vont la conduire jusqu’aux plus hautes fonctions de l’État !

Un gros coup de coeur pour ces deux albums !

Mais revenons aux documentaires. Ces dernières années, plusieurs livres et projets ont été consacrées aux femmes artistes. (je me concentre sur la jeunesse, mais on retrouve le même phénomène dans les livres pour adultes).

Femmes peintres : elles ont marqué l’histoire de l’art de Sandrine Andrews (Palette, 2018) s’adresse aux enfants à partir de 9 ans. Voilà son résumé par l’éditeur :

Parmi les artistes clés de l’histoire de l’art, peu de femmes sont citées. Elles sont pourtant bien présentes sur la scène artistique, et ce dès le XVe siècle ! Leur influence et leur rayonnement restent encore trop peu mentionnés. Mais à qui doit-on le premier portrait de femme noire comme allégorie de la liberté ? Qui est la véritable pionnière de l’art abstrait ? Cet ouvrage dresse le portrait de douze peintres, injustement oubliées ou peu reconnues. Les artistes à découvrir : Artemisia Gentileschi, Élisabeth-Louise Vigée Le Brun, Marie-Guillemine Benoist, Rosa Bonheur, Berthe Morisot, Paula Modersohn-Becker, Hilma af Klint, Séraphine de Senlis, Frida Kahlo, Sophie Taeuber-Arp, Sonia Delaunay et Marlene Dumas

Chez le même éditeur, Femmes artistes de Mélanie Gentil (Palette, 2017) s’adresse à des plus grands, ados et adultes. Voilà le résumé :

Si les femmes sont extrêmement présentes dans l’art occidental en tant que personnages figurés, force est de constater qu’elles le sont beaucoup moins en tant qu’artistes. L’image sociale de la femme peintre, sculptrice ou photographe fut longtemps déconsidérée. Pour faire tomber ces obstacles, il a fallu des combats politiques et esthétiques, marqués par un féminisme à la fois courageux et créatif. Découvrez dans cet ouvrage des personnalités singulières et très fortes dans l’adversité comme Sonia Delaunay, Frida Kahlo, Niki de Saint Phalle ou plus récemment Shadi Ghadirian.

La chouette revue d’art Dada a consacré son numéro de novembre 2020 aux artistes femmes (mais notons que le magazine n’a consacré que 4 monographies à des femmes artistes en dehors de ce numéro, sur 126 numéros).

Et les femmes artistes, on n’en parle pas que dans les livres !

Petites histoires de grandes artistes, ce sont des vidéos d’animation ludiques et éducatives, à partir de 7 ans; « L’objectif de chaque épisode ? Faire découvrir en 3 min la vie et l’œuvre d’une artiste femme du XXe siècle. Imaginé par la scénariste Sophie Caron, chaque récit transmet l’originalité d’une démarche, son importance au sein d’un courant artistique, certains épisodes biographiques déterminants ainsi que les difficultés que l’artiste aura pu rencontrer dans l’exercice de sa pratique. » Le ton est (peut être un peu trop) didactique. On y croise des figures connues (Camille Claudel) mais aussi des artistes que j’ai personnellement découvertes comme Tarsila do Amaral. Elles sont produites par AWARE, association qui a pour objectif de « réécrire l’histoire de l’art de manière paritaire ».

Enfin, même s’il s’adresse à un public adulte, je voulais quand même citer le MOOC « elles font l’art » du centre Pompidou sur les femmes artistes de 1900 à nos jours, avec des illustrations de Pénélope Bagieu. Il est peut être accessible aux ados ?

Je parlais de l’invisibilisation des femmes artistes, ce n’est pas tout à fait vrai. L’une d’entre elle se détache, est visible. C’est Frida Kahlo.

Les deux Frida

L’artiste mexicaine est une des rares à être régulièrement évoquée dans la littérature jeunesse depuis de nombreuses années (dans la lignée du film de 2003 ?). Elle est aussi dans quasiment tous les livres de “portraits de femmes”. Et ce n’est pas le cas seulement dans les livres. Il y a un marketing énorme autour de cette artiste qui touche aussi les enfants : Barbie Frida Kahlo, carnets, vêtements pour enfants… et même masques depuis le début de la pandémie. Cette exploitation marketing gomme l’engagement politique de cette femme, son handicap, et même très souvent son art, puisqu’on ne montre presque jamais ses tableaux mais toujours un portrait un peu fantasmé. Cette surreprésentation a un fort effet « arbre qui cache la forêt » : il y a une artiste connue, mais si vous voyez on parle des femmes artistes on a un livre sur Frida Kahlo dans notre collection… (on retrouve d’ailleurs cela avec les femmes scientifiques et la figure de Marie Curie)

Ca n’empêche pas que la production de livres autour de cette artiste soit très intéressante. Je vous propose donc une sélection (contrairement aux autres parties de l’article, je n’ai pas cherché à être exhaustive). D’abord, des albums, qui se sont inspirées de la vie et/ou de l’oeuvre de Frida Kahlo pour en proposer une lecture personnelle.

A la recherche de Frida Kahlo, de Catherine Ingram et Laura Callaghan (éditions du centre Pompidou, 2020). Un livre jeu à partir de 5-6 ans, un cherche et trouve dans l’esprit de où est Charlie ? 

Frida Kahlo et ses animaux de Monica Brown et John Parra (Versant Sud, 2019). Album biographique à partir de 4 ans. Ce livre raconte l’histoire de Frida Kahlo et celle de deux singes, d’un perroquet, de trois chiens, de deux dindes, d’un aigle, d’un chat noir et d’un faon.

Des pinceaux pour Frida de Véronique Massenot et Elise Mansot (l’élan vert, 2021), de la collection « Pont des Arts » qui a pour but de faire découvrir l’art par la fiction.

Petite Frida d’Anthony Browne (Kaléidoscope, 2019). Album à partir de 6 ans Une fillette solitaire… Une amitié magique… Voici l’histoire vraie d’une rencontre : celle de Frida Kahlo avec l’amie imaginaire qui l’a accompagnée et inspirée toute sa vie. À travers d’étonnants tableaux, Anthony Browne dresse un portrait très personnel de la petite Frida, avant qu’elle devienne l’une des artistes les plus célèbres au monde.

Frida de Sebastien Pérez et Benjamin Lacombe (Albin Michel Jeunesse, 2016). Album à partir de 9 ans. L’une des plus grandes figures de l’art mexicain du XXe siècle inspire Benjamin Lacombe et Sébastien Perez pour leur nouvelle collaboration.  Pour lui rendre hommage, Benjamin Lacombe propose une immersion inédite dans le processus créatif de l’artiste. Une succession de pages découpées et un texte poétique nous entraînent dans les profondeurs de l’âme de Frida Kahlo. À la manière d’un recueil de pensées, le livre explore les thématiques qui sont chères à Frida : l’amour, la mort, la terre, les animaux… 

Et une petite sélection parmi les documentaires qui lui sont consacrés :

Comment parler de Frida Kahlo aux enfants ? de Sandrine Andrews  (le baron perché, 2013) est malheureusement épuisé, mais vous le trouverez peut être encore en bibliothèque et j’aime beaucoup cette collection qui s’adresse aux parents pour accompagner leurs enfants.

Frida Kahlo de Sarah Barthère et Aurélie Grand (Milan Jeunesse, 2020), documentaire à partir de 5 ans, dans la collection “art” des documentaires Milan.

Frida Kahlo, une peinture de combat de Magdalena Holzhey (Palette, 2005), un documentaire à partir de 8 ans

Frida Kahlo : non à la fatalité d’Elsa Solal (Actes Sud Junior, 2020). Biographie romancée suivie de quelques pages documentaires, dans une collection, “ceux qui ont dit non”, qui propose des figures engagées. A partir de 12 ans

On trouve également un livre sur elle dans la collection Petite et grande de chez Kimane, dans la collection “les grandes vies” de chez Gallimard Jeunesse, dans la collection « Quelle histoire ». Ainsi qu’un numéro de la revue Dada.

Enfin, il me semble important de citer le film Frida de Julie Taymor avec Selma Hayek et Alfred Molina (2003), qui a beaucoup fait, je pense, pour la popularité de l’artiste, et qui peut être regardé par des adolescent·e·s. Voilà la bande annonce :

Frida Kahlo prend “beaucoup de place”, mais on peut trouver des ressources sur d’autres artistes. Je n’ai réuni ici que des monographies. J’ai essayé d’être complète, mais c’est difficile, donc n’hésitez pas à rajouter en commentaire les titres qui m’auraient échappé. (je les présente ici par ordre alphabétique d’artiste).

rosa bonheur buffalo billRosa Bonheur :rosa bonheur audacieuse

Rosa bonheur, l’audacieuse de Natacha Henry (Albin Michel Jeunesse, 2020), un roman pour ado à partir de 13 ans dont voilà le résumé : Rosa, 14 ans, veut vivre de sa passion : la peinture animalière. Le mariage ne rentre pas dans ses plans, d’autant que c’est pour Nathalie, la fille d’amis de son père, que son cœur bat. Mais dans le Paris du XIXe siècle, les femmes ne sont pas libres. Certaines formations, comme les Beaux-Arts, leur sont interdites. Certains lieux sont dangereux si elles s’y rendent seules. Quant à vivre libre? Ce serait le scandale assuré ! Malgré son jeune âge, Rosa compte bien imposer ses choix. Aidée de son père et de Nathalie, elle prend des cours de peinture et se rend au Louvre pour s’inspirer des plus célèbres tableaux de l’Histoire ! Rosa n’accepte aucun compromis. Entrer dans le monde de l’art, pour elle, c’est s’affranchir de la loi des hommes. 

 

Maman de Louise Bourgeois

Louise Bourgeois :

 Une berceuse en chiffon : la vie tissée de Louise Bourgeois d’Amy Novesky et Isabelle berceuse en chiffonArsenault (La Pastèque, 2016). « Tout comme l’araignée qui tisse sa toile et la répare, la mère de Louise était tisserande et réparait des tapisseries. Pendant son enfance, Louise a fait son apprentissage auprès d’elle, avant de devenir elle-même artiste tapissière. Louise a travaillé le tissu tout au long de sa carrière, et cet album biographique est une illustration de l’expérience qui lui a inspiré ses œuvres les plus célèbres, celle de l’enfant tissant aux côtés d’une mère aimante et attentionnée. Par son récit poétique et superbement nuancé, le livre déploie sous nos yeux la relation entre la mère et la fille, et jette un jour lumineux sur le tissage des souvenirs en chacun de nous. » Un très bel album, avec les illustrations magnifiques d’Isabelle Arsenault. 

louise bourgeois Kimane

Louise Bourgeois de Maria Isabel Sanchez Vegara et Helena Pérez Garcia, collection Petite & grande (Kimane, 2020). La collection Petite & Grande présente des bibliographies en album de femmes célèbres et inspirantes : artistes, scientifiques, militantes..

camille claudel sculptureCamille Claudel : 

Le cas de Camille Claudel est un peu à part. Plusieurs livres pour enfants lui sont consacrés, mais ils parlent beaucoup plus de son histoire d’amour avec Rodin que de son travail de sculptrice. C’est flagrant quand on compare les résumés des ouvrages qui leur sont consacrés. Pour Camille Claudel, on parle d’amour, de folie, on la présente comme une muse influente. Pour Rodin, on parle de génie, de talent, de travail. 

camille claudel

Heureusement, L’incroyable destin de Camille Claudel : la rage de sculpter de Bénédicte Solle-Bazaille et Daphné Collignon (Bayard Jeunesse, 2019) semble éviter ce biais. Déjà, la couverture la montre en train de travailler… C’est un petit roman biographique à partir de 8 ans, complété par quelques pages documentaires. 

On trouve également un numéro de la revue Dada (avril 2017) consacré à son travail. 

kusama oeuvreYayoi Kusama :yayoi kusama phaidon

Yayoi Kusama : l’artiste qui mettait des pois partout (et s’en fichait) de Fausto Gilberti (Phaidon, 2020). A partir de 4 ans. Comme à chaque fois chez Phaidon, le titre est également disponible en anglais

dora maar dadadora maar main coquillageDora Maar : 

La revue Dada consacre son numéro de juin 2019 à la photographe surréaliste. On n’évite pas complètement la caricature, avec un article intitulé « belle et rebelle », mais la revue met en avant son travail et ne se contente pas de la présenter comme la muse de Picasso. 

violettes berthe morisotberthe morisot tableauBerthe Morisot :

    Des violettes pour Berthe Morisot de Christine Flament (école des loisirs, 2011). Les livres de la collection Archimède regroupent une histoire et quelques pages documentaires. Ici, une petite fille livre des fleurs chez Berthe Morisot. Le livre est un peu vieillot mais c’est le seul titre sur cette artiste. A partir de 8 ans. 

    niki-de-saint-phalleNiki de Saint-Phalle :niki-saint-phalle-palette

    séraphine de senlis tableauSéraphine de Senlis :séraphine affiche film

    Je n’ai pas trouvé de livre jeunesse sur cette artiste, mais je voulais parler du film Séraphine de Martin Provost (2008), avec Yolande Moreau dans le rôle titre. C’est par ce film que j’ai découvert cette artiste. J’en garde cependant le souvenir d’un film assez dur, à réserver, donc, aux grands ados. 

    vigée le brunn tableauElisabeth Vigée Le Brun :

    Je n’ai pas trouvé de livre jeunesse sur cette artiste, mais je tenais à citer « la vie extraordinaire de la peintre Elisabeth Vigée Le Brun« , un épisode du podcast « les odyssées » de France inter, en coproduction avec le musée du Louvre. Laure Grandbesançon a un vrai talent pour rendre ses histoires vivantes et addictives, et tous les épisodes du podcast sont un vrai plaisir. A partir de 5-6 ans. 

      Voilà !

      J’ai tenté d’être exhaustive, mais bien sûr j’ai sans doute du rater quelques titres, n’hésitez pas à compléter en commentaire !

      Edit du 27 mai : je viens de tomber sur cet article de télérama avec six biographies de femmes artistes pour inspirer les enfants et les ados.

      Bibliographie du SLIP

      Parfois, les miracles arrivent.

      Et la bibliographie faite il y a 9 mois pour le SLIP (mais si, vous savez, la Société de Libération de l’Imaginaire contre les Préjugés, l’association de lutte contre les stéréotypes dont je fais partie) est ENFIN mise en ligne.

      Vous pouvez la retrouver sur le site du SLIP, dans la partie ressources.

      Mais je vous la met également ici.

      couv biblio

      Bibliographie « pour une littérature jeunesse antisexiste »

      Réalisée pour une rencontre en bibliothèque, elle s’appuie sur les collections de la bibliothèque et n’a donc pas pour vocation d’être exhaustive.
      Mais elle propose des livres pour les enfants de tous âges. Elle est organisée par thème et par type de documents.

      Elle complète donc une autre sélection que j’ai proposé récemment ici.

      J’espère que vous y trouverez votre bonheur !

      Sélection de livres féministes et LGBT+

      J’ai eu l’occasion, plusieurs fois, de faire des bibliographies antisexistes. Au début, je me suis dit que j’allais en faire une, une fois pour toutes. Et en fait ça ne marche pas. Parce que je m’adapte au public, aux demandes, aux livres disponibles, aux nouveautés découvertes entre temps… J’avais par exemple fait celle-ci pour une classe de CM2.

      Là, on m’a demandé une sélection de livres féministes et LGBT+, pour de la consultation sur place, et pour un public adulte et jeunesse. J’ai choisi donc des livres qui se feuillettent facilement, où on peut piocher ou se lisent rapidement plutôt que des romans ou des livres qui demandent une lecture suivie.

      Pour les questions LGBT, je vous propose quelques titres, mais je vous renvoie surtout vers d’autres sources et des gens bien plus compétents que moi sur le sujet.

       

      Féminisme :

      BD :

      Culottées de Pénélope Bagieu (Gallimard, 2016 et 2017). Portraits de femmes d’origines et d’époques diverses « qui ne font que ce qu’elles veulent ». Incontournable !

      La ligue des super féministes de Mirion Malle (la Ville brûle, 2019).  Cette BD documentaire aborde des thèmes inédits en jeunesse : la représentation, le sexisme, le consentement, le corps des filles, les notions de genre et d’identité sexuelle… Conçue pour les enfants dès 9-10 ans, cette BD documentaire est vraiment très bien faite, passionnante, et un excellent accès aussi pour les adultes. 

      Bichon de David Gilson (Glénat, 2013).Bichon est un petit garçon sensible qui aime danser, se déguiser en princesse et jouer à l’élastique. Il transgresse les normes de la société sans même le savoir. BD jeunesse (dès 8-9 ans). Bichon est un héros qui remet en cause les stéréotypes de genre et qui est amoureux d’un garçon de son école. 

       

      Documentaires :

      Histoires du soir pour filles rebelles d’Elena Favilli et Francesca Cavallo (Les Arènes, 2017 et 2018) et Histoires du soir pour filles rebelles, 100 femmes françaises extraordinaires d’Alice Babin, (les Arènes, 2020) Enorme succès de librairie, des portraits de femmes réelles, illustrées chaque fois par une illustratrice différente. Celui sur les femmes françaises vient de sortir.  

      Cher corps, je t’aime : guide pour aimer son corps de Jessica Sanders et Carol Rossetti,(CRACKBOOM!, 2019) Documentaire qui encourage chaque jeune fille à aimer son corps, quel qu’il soit. On trouve une vraie variété de corps, de couleurs de peau, etc dans les illustrations, et ça fait du bien ! 

      Les mots pour combattre le sexisme de Jessie magana et Alexandre Messager (Syros, 2019) Un livre facile d’accès, à la maquette agréable, qui se feuillette facilement. Conçu pour les ados, c’est aussi un excellent pour d’accès pour les adultes. 

      Qui sont les féministes ? de Julie Guiol (Ed. du Ricochet, 2018) Comme le précédent, il est conçu pour les ados mais intéressant pour les adultes. Il s’intéresse à l’histoire du mouvement et aux différents courants du féminisme, aux différents combats. 

      Chère Ijeawele, ou Un manifeste pour une éducation féministe de Chimamanda Ngozi Adichie (Gallimard, 2017) et Tu seras un homme féministe, mon fils ! : manuel d’éducation antisexiste pour des garçons libres et heureux d’Aurélia Blanc (Marabout, 2018) Deux livres complémentaires pour les parents qui veulent réfléchir à l’éducation qu’ils donnent à leurs enfants. 

      Femmes : 40 combattantes pour l’égalité d’Isabelle Motrot et Véronique Joffre (Gallimard Jeunesse, 2018)  et J’aimerais te parler d’elles de Sophie Carquain et Pauline Duhamel (Albin Michel-Jeunesse, 2019). Dans la lignée des Culottées et des Histoires du soir pour filles rebelles, les recueils de « portraits de femmes » sont nombreux. En voilà deux que j’aime bien. Le premier pour ses illustrations graphiques et ses infos synthétiques. Le second pour le ton. Mais je suis loin de les avoir tous lus donc de pouvoir dire qu’ils sont mieux que les autres.

       

      Albums jeunesse pour les 4-8 ans : 

      Marre du rose de Nathalie Hense et Ilya Green (Albin Michel-Jeunesse, 2009). Une petite fille qui remet en cause les stéréotypes de genres. Avec les magnifiques illustrations d’Ilya Green. 

      Histoire de Julie qui avait une ombre de garçon de Christian Bruel, Anne Gallard et Anne Bozellec (Thierry Magnier, 2014). Un classique de la littérature jeunesse édité dans les années 70 qui n’a pas pris une ride.

      Ni poupées, ni super-héros ! : mon premier manifeste antisexiste de Delphine Beauvois et Claire Cantais (la Ville brûle, 2015). Un « manifeste » de lutte contre les stéréotypes de genre au dessin percutant, qui peut être utilisé à des âges très différents, de la maternelle au collège. 

      Princesse Kevin de Michaël Escoffier et Roland Garrigue (P’tit Glénat, 2018). Kevin se fiche des moqueries, il a décidé de se déguiser en princesse. Drôle et pertinent. 

      La fée sorcière de Brigitte Minne et Carll Cneut (école des loisirs, 2017). Une fée qui préfère être une sorcière pour avoir le droit de se salir, faire du patin à roulette et vivre la vie qu’elle veut. Gros coup de coeur pour ce titre. 

      Zette et Zotte à l’uzine d’Elsa Valentin et Fabienne Cinquin (Atelier du poisson soluble, 2018). Deux soeurs lors d’une grève dans leur usine. Les mots fantaisistes d’Elsa Valentin. Un album à la fois féministe et qui met en avant la solidarité et l’action collective. Manifle, grave généreule et révoluture !

       

       

      Livres LGBT : 

      BD :

      En dehors de Bichon (accessible dès 8-9 ans) et de rouge tagada (accessible dès le début du collège), les autres titres sont pour adultes ou grands ados. Les BD ne sont pas ma spécialité, donc je renvoie aux articles de la rainbowthèque pour en savoir plus. 

      Heartstopper d’Alice Oseman (Hachette, 2019). Dans la rainbowthèque

      Rouge tagada de Charlotte Bousquet et Stéphanie Rubini (gulf stream, 2013) BD pour (pré)ados sur une ado qui tombe amoureuse de sa meilleure amie. Dans la rainbowthèque

      Barricades de Charlotte Bousquet et Jaypee (gulf stream, 2018) Sur la transidentité. Même collection que la précédente. Dans la rainbowthèque

      Le bleu est une couleur chaude de Julie Maroh (Glénat, 2013). Dans la rainbowthèque

      Appelez-moi Nathan de Catherine Castro et Quentin Zuttion (Payot, 2018). Dans la rainbowthèque

      la fille dans l’écran de Manon Desveaux, Lou Lubie (Marabout, 2019). Dans la rainbowthèque

      Bichon de David Gilson (Glénat, 2013) BD jeunesse (dès 8-9 ans). Héros qui remet en cause les stéréotypes de genre et qui est amoureux d’un garçon de son école

       

      Documentaire : 

      je suis qui je suis quoi

      Je suis qui ? Je suis quoi ? de Sophie Nanteuil (Casterman, 2019) Livres pour ados avec témoignage de personnes LGBT, réponse aux idées reçues, etc. Bien fait, maquette agréable. Normalement, il y a un article à venir sur ce livre…

       

      Albums jeunesse pour les 4-10 ans : 

      Ca change tout ! de Cathy Ytak et Daniela Tieni (Atelier du poisson soluble, 2017), une belle histoire d’amour entre deux petits garçons. 

      La princesse qui n’aimait pas les princes d’Alice Brière-Haquet et Lionel Larchevèque (Actes Sud Junior, 2014) La princesse n’aime aucun des princes qu’on veut lui faire épouser, mais tombe amoureuse de la fée venue en renfort. Très mignon. 

      Jérôme par coeur de Thomas Scotto et Olivier Tallec (Actes Sud Junior, 2015). Raphael aime Jérôme et le dit, même si ça ne fait pas plaisir à ses parents. Un bijou de douceur et de délicatesse. 

      L’heure des parents de Christian Bruel et Nicole Claveloux (Thierry Magnier, 2013) et Familles de Patricia Hegarty et Ryan Wheatcroft (Père Castor, 2017) présentent de grandes variétés de familles, dont des familles homoparentales. 

       

      Et voilà ! Bonnes découvertes et bonne lecture !

       

      Les liens du moment (octobre 2019)

      Je vous conseille très vivement le blog Sauvages ! qui porte le joli sous titre « l’émancipation par les livres ».

      Capture

      Sur ce blog, tenu par une super bibliothécaire que vous pouvez aussi retrouver sur twitter (@meresauvage). Vous y trouverez de belles analyses de livres, des albums jeunesse jusqu’aux romans adulte, en passant par la BD, avec quand même un accent mis sur les romans ados.

      Vous y trouverez aussi des dépliants inspirés des désormais célèbres dépliants de Maman Rodarde mais avec des images extraites de la littérature jeunesse.

      dépliants littérature jeunesse

      Et the last but not the least, elle propose également un podcast sur la littérature jeunesse. Le premier a pour thème féminisme et littérature jeunesse et elle y présente trois chouettes romans, dont Moxie de Jennifer Mathieu que je viens de dévorer sur son conseil. Et elle complète le podcast de ressources pour aller plus loin. Le second a pour thème le viol. Pour celles et ceux qui n’aiment pas ou ne peuvent pas écouter de podcast, le texte est également publié sur le blog.

       

      1001 héroïnes est un site qui a pour vocation de mettre en avant des héroïnes, des « livres, films et séries qui nous ont marquées, émerveillées, stupéfaites, qui nous ont fait vibrer, grandir, qui nous ont donné envie de nous engager, de nous battre, à côté des filles et des femmes. » En plus des héroïnes, personnages réelles ou imaginées, elles mettent en avant des œuvres de femmes autrices et réalisatrices. Sur leur compte twitter, elles présentent une héroïne chaque jour. Ce n’est pas un projet spécifiquement jeunesse, mais en faisant une recherche sur leur site, vous pouvez sélectionner « Convient à un jeune public ».

      1001 héroïnes

       

       

      Si vous aimez partager des lectures, Mx Cordelia, dont j’ai déjà parlé plusieurs fois, lance son Bookclub LGBT, avec une lecture partagée tous les mois. Le livre choisi pour son lancement,  en septembre, c’était Aristote et Dante découvrent les secrets de l’univers de Benjamin Alire Saenz que j’ai lu au moment de sa sortie et beaucoup aimé. Le second, pour le mois d’octobre, c’est Desorientale de Negar Djavadi. La vidéo de lancement du booktube est , vous pouvez rejoindre le groupe facebook ou utiliser le hashtag #bookclubcordelia sur twitter.

       

      NéonMag donne des pistes pour parler de féminisme aux enfants.

       

      Une chouette sélection de « livres de littérature jeunesse inclusive » par le webzine féministe « les ourses à plumes« , qui a le grand mérite de proposer des titres récents, qui changent, j’en ai d’ailleurs découvert plusieurs, il va falloir que je creuse un peu !

       

      Sur la question de la diversité dans la littérature jeunesse, l’étude du CCBC permet d’avoir des chiffres sur la représentation de personnages racisés dans les albums publiés aux Etats-Unis. On peut les comparer aux chiffres de 2012. Il n’y a (pour le moment) pas d’équivalent sur les livres publiés en France. diversity 2018

      Et un article intéressant sur ce sujet ici.

       

      Plus général, sur l’éducation, cet article très intéressant sur les activités genrées dans les organismes de loisirs (centre de loisirs, colos, etc) : «Dans les centres de loisirs, s’il n’y a pas une volonté affirmée de mixité, filles et garçons se séparent dans des activités distinctes. Souvent on leur propose « danse avec Vanessa ou foot avec Sébastien ». Le garçon qui aimerait danser ne se mélangera pas avec les filles et vice versa. Les activités prescrivent des rôles de genre.»

       

      Bonne lecture !

      Société de Libération de l’Imaginaire contre les Préjugés

      J’ai la grande joie de vous annoncer la création d’une association de lutte contre les stéréotypes sexistes dans l’éducation, la Société de Libération de l’Imaginaire contre les préjugés (ou SLIP pour les intimes).

      bannière_SLIP

      A l’origine de cette association, mon amie Elise (connue parfois sous le pseudo Maman Rodarde) et moi, qui avions la volonté de concrétiser notre engagement par des ateliers, des interventions et des rencontres concrètes, chacune avec sa spécialité (moi la littérature jeunesse, elle la bidouille, au sens noble du terme). Nous avons été rejointes par des ami·e·s, pour les animations ou pour nous soutenir sur le plan organisationnel.

      Cette association s’adresse aux enfants (ateliers, interventions en milieu scolaire comme celle que j’ai faite il y a quelques mois) et aux adultes qui les entourent. Nous organisons par exemple vendredi notre première rencontre-débat autour de la patentalité et du féminisme avec Béatrice Kammerer.

      Nous avons participé à notre premier évènement en juin, en organisant un coin lecture et des ateliers pour enfants au festival féministe G!!!rlz. Nous avons profité de l’été pour créer réellement la structure associative.

      Si vous voulez suivre ce que fait l’association, vous pouvez nous rejoindre sur Facebook ou vous abonner à la newsletter de l’association en attendant le site. Et si vous voulez nous soutenir et nous rejoindre, il suffit de compléter ce formulaire qui nous permettra de mieux vous connaître. Dès que votre demande d’adhésion est validée par le bureau de l’association, nous vous envoyons un lien qui vous permettra d’adhérer pour de bon !

      Logo_SLIP

      Cette association explique aussi (entre autres) pourquoi j’ai été aussi peu présente sur ce blog ces derniers temps. Mais un des objectifs de l’association est de développer une bibliothèque jeunesse antisexiste, et j’aurai donc l’occasion de vous parler ici de nombreux ouvrages ! J’ai aussi dans les tuyaux la constitution d’une bibliographie, mais ça demande encore un peu de maturation…

      A très bientôt !

      La naissance d’Agnès Rosenstiehl ou comment moderniser un documentaire

      Vous connaissez forcément les dessins d’Agnès Rosenstiehl. Mais si, c’est la créatrice de Mimi Cracra ! Et si vous faites partie de ma génération, vous avez grandi avec cette héroïne, ma fois très intéressante au niveau des représentations : publiée à la même époque de Martine fait la cuisine, on découvre une petite fille active, qui n’hésite pas à se salir, et qui joue librement, laisse cours à son imagination et aux découvertes sensorielles.

      mimi cracra

      Mais la production d’Agnès Rosenstiehl ne s’arrête pas à cela ! Et les éditions la ville brûle  ont réédité fin 2018 trois de ses premiers livres, qui sont tous des merveilles :

      Il faudra absolument que je trouve le temps de vous parler des filles, véritable merveille d’abord édité aux éditions des femmes, mais aujourd’hui, parlons de la naissance.

      La naissance a été publié pour la première fois en 1973. Ecrit pour expliquer à ses aînés l’arrivée d’un nouvel enfant, c’est à la fois un documentaire et une discussion libre entre deux enfants curieux : un garçon va avoir un petit frère ou une petite soeur. Il discute donc avec une de ses amies, ils s’interrogent, interrogent leurs parents .

      C’est de loin mon documentaire préféré sur ce sujet pour les enfants ! J’aime la délicatesse du dessin au trait noir d’Agnès Rosenstiehl (ah, les chevelures des personnages !) et leurs vêtements des années 70. J’aime le mélange d’exactitude concernant les informations données et la poésie qui se dégage de la discussion entre enfants, qu’ils s’interrogent à la fois sur comment se fait la fécondation et sur « pourquoi on veut naître » ou « tu te rappelles quand tu étais dans le ventre de ta mère ? ».

      Et j’aime le fait qu’il montre et dise les choses, sans s’embarrasser de métaphores. Qu’il trouve toujours une mesure que je trouve très juste entre explications explicites et pudeur, entre amour et questions techniques.

      La relation sexuelle, par exemple, est décrite explicitement : « on aimait être seuls et on s’aimait tellement fort qu’on s’embrassait, on mettait un sexe dans l’autre. C’est fait pour ça, d’ailleurs, les sexes, et ça fait très plaisir ! ». L’illustration de l’étreinte qui l’accompagne est une merveille.

      J’aime avoir un livre pour petits qui parle de règles, qui montre un pénis et une vulve, qui utilise le mot sexe en précisant que c’est par là que sort le bébé, qui mentionne la contraception.

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      Bref, foncez !

      Mais j’ai eu envie de faire cet article, surtout, pour vous montrer le travail qui a été fait lors de la dernière édition. En effet, ce titre a été réédité plusieurs fois à l’identique, en particulier chez Autrement jeunesse en 2008 (c’est dans cette version que je l’ai découvert). Mais la dernière édition, celle de la ville brûle, est différente et a été accompagné d’un gros travail de l’autrice et de l’éditrice, Marianne Zuzula, comme elle l’explique dans ce super article de Lu Cie & Co En effet, « La Naissance » a été écrit en 1972″, explique Marianne Zuzula, « dans une France où une famille, cela ne pouvait être autre chose qu’un père, une mère et des enfants: la loi Veil n’avait pas été votée, les familles mariées étaient, plus encore qu’une norme, une évidence. L’homosexualité n’était pas dite, l’homoparentalité n’était pas envisagée, la PMA n’existait pas (Amandine, le premier bébé éprouvette français, est née en 1982). Agnès Rosenstiehl et moi avons donc retravaillé le texte, sans rien enlever de ses qualités et de sa force, mais en reformulant, en précisant les choses afin d’ouvrir le champ des possibles, des modèles de familles possibles, des amours possibles… Car comment parler d’amour et de sexualité sans parler de liberté? »

       

      Certaines modifications sont assez évidentes. En 1975, les naissances hors mariage représentaient moins de 10% des naissances. Actuellement c’est plus de 60%. Cette phrase était plutôt étrange, lue en 2019 !

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      A plusieurs reprises dans le livre, les enfants s’imaginent adultes (au passage, quel plaisir de lire qu’ils seront « peut être » une maman ou un papa !). Supprimer l’homme de l’illustration apporte tellement plus de liberté à cette petite fille, qui pourra se marier avec la personne qu’elle aime, quelle qu’elle soit.

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      De manière générale, le texte a été revu pour éviter de limiter l’hétérocentrisme et le récit de la naissance uniquement à la reproduction naturelle entre les futurs parents. Attention, le livre n’aborde pas explicitement la PMA, l’adoption, etc. Mais par exemple, la phrase « un enfant nait de l’union des deux corps différents : de son père et de sa mère » qu’on trouvait dans les éditions précédentes a été supprimée.

      Et je trouve particulièrement important de montrer aux enfants que les (futurs) pères sont aussi responsable de leurs enfants que les (futures) mères et qu’ils peuvent s’occuper de leurs enfants :

       

      Enfin, le texte racontant le moment de la fécondation a été modifié. On passe de (version de 1973) :

      Si une cellule de vie sort du sexe de l’homme et entre dans le sexe de la femme, si elle rencontre une cellule de vie qui attend dans le ventre de la femme, ces deux cellules de vie deviennent une seule cellule qui est un tout petit petit petit enfant !

      A (version de 2018) :

      Si une cellule de vie sort du sexe d’un homme et rencontre dans le sexe d’une femme une autre cellule de vie, elles peuvent créer ensemble un embryon qui deviendra, neuf mois plus tard, un enfant.

      Pourquoi ces modifications ? Pour remettre en cause la vision du spermatozoïde actif alors que l’ovule attend passivement qu’on le féconde, ce qui ne correspond pas à la réalité scientifique qui est que la fécondation est « un processus auquel participent les deux parties engagées : la féminine et la masculine, dans une interaction mutuelle » mais est une vision culturelle qui montre l’homme actif et la femme passive. Parce que non, une cellule a peine fécondée n’est pas un enfant, même tout petit petit petit et que la notion d’embryon permettra par la suite d’introduire la notion d’IVG.

       

      Un travail de réécriture que je trouve passionnant.

      Un livre que j’ai lu souvent à mes enfants et qui a été la base de nombreuses discussions et questions (c’est comme ça que de fil en aiguille je me suis retrouvée à expliquer comment on posait un stérilet à ma fille de 3 ans 1/2). Je tiens, avec mes enfants, à ne pas user de métaphores et à leur expliquer le monde tel qu’il est. Je suis donc contente de pouvoir poser les vrais mots, de leur expliquer explicitement les choses.

      Bref, si vous cherchez un livre pour aborder ce sujet avec les enfants, c’est celui-là que je vous conseille !