Nella Bosnia

Deux albums des éditions des femmes

Hier, j’ai eu la chance de trouver d’occasion deux albums d’Adela Turin publiés aux éditions des femmes. 

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L’occasion de vous parler un peu de l’édition jeunesse militante des années 1970 et de vous présenter un peu en détail ces chouettes albums. 

Les années 1970 sont marquées par la création de maison d’éditions jeunesse novatrices, ouvertement militantes, avec un regard nouveau sur l’enfant.

IMG_2779On peut citer les éditions Harlin Quist et le travail de Françis Ruy-Vidal (qui dit « il n’y a pas de couleurs pour enfants, il y a les couleurs, il n’y a pas de graphisme pour enfants, il y a le graphisme qui est langage international immédiat. Il n’y a pas de littérature pour enfants, il y a la littérature »). Ils ont par exemple publié la raison des plus grands n’est pas toujours la meilleure d’Albert Cullum que vous pouvez découvrir ici

Histoire Julie ombre garçon Thierry MagnierOn peut citer les éditions du sourire qui mord, où a été publié le génial histoire de Julie qui avait une ombre de garçon de Christian Bruel, Anne Galland et Anne Bozellec. J’en ai parlé ici et j’en ai profité pour parler un peu de la maison d’édition. Certains de leurs albums ont été réédités dans les années 2012-2014 et sont toujours disponibles. J’ai une tendresse certaine pour ce que mangent les maitresses de Christian Bruel et Anne Bozellec. 

IMG_2755Et puis on peut citer la collection « du côté des petites filles » des éditions des femmes. Entre 1975 et 1982, une vingtaine d’albums ont été publiés dans cette collection dont le nom était inspiré du titre du livre d’Elena Gianini Belotti, livre féministe sur l’éducation des petites filles, et dont une partie est consacrée à la littérature enfantine. C’est la militante féministe, autrice et éditrice italienne, Adela Turin, qui est à l’origine de cette collection, en coédition avec sa maison d’édition italienne « dalla parte delle Bambine ». Sur Adela Turin, je vous conseille très vivement cet article de Sarah Ghelam qui parle de son rôle dans la collection « du côté des petites filles » mais aussi, ensuite, de son engagement dans l’association du même nom en 1994 qui a mené une des rares études chiffrées sur les représentation genrées dans les albums, dont vous trouverez une synthèse des résultats ici. Il est plein de nombreuses ressources passionnantes. Sur l’édition jeunesse dans les années 70, je vous conseille aussi ce mémoire de Caroline Hoinville

IMG_2780Revenons à la collection « du côté des petites filles ». Y sont publiés quelques autrices françaises, comme Flora et Benoîte Groult (Histoire de Fidèle, 1976), Anne Sylvestre (Séraphine aime oiseau, 1977) ou Agnès Rosenstiehl avec le génial les filles et le moins connu de la coiffure, son tout premier livre. Ils sont réédités par la ville brûle. On y trouve également des contes illustrés par Nicole Claveloux (illustratrice commune aux trois maisons d’édition dont j’ai parlé ici). 

Mais la majorité des livres publiés sont des textes d’Adela Turin. Ce sont des livres engagés, qui s’opposent ouvertement aux stéréotypes de genre. 

rose bonbonneLe premier livre publié, et probablement le plus connu, c’est Rose bonbonne (1975), illustré par Nella Bosnia. Chloé de Littérature enfantine en parle ici. Avec la même illustratrice, vont suivre Après le déluge (1975), Clémentine s’en va (1976), Les cinq femmes de Barbargent (1976), L’histoire vraie des Bonobos à lunettes (1976). Elle va aussi travailler avec Margherita Saccaro : histoire de sandwiches (1976), Le père Noël ne fait pas de cadeaux (1977), Salut, poupée ! (1978). Avec Letizia Galli (Jamèdlavie, 1977). Et enfin, avec Anna Motecroci pour Planète Mary : année 35 (2019 de l’ère chrétienne) (1980), son dernier albums aux éditions des femmes. Ses albums avec Nella Bosnia sont réédités chez Actes Sud autour de 2000, puis à nouveau au milieu des années 2010 pour Rose bonbon et l’histoire vraie des bonobos à lunettes, mais avec une nouvelle traduction et parfois un nouveau titre (Chloé a ainsi été déçue par la traduction de la fin de Rose bonbon). 

Et du coup, j’ai deux exemples d’albums à vous montrer ! Etant donné qu’ils ne sont plus édités depuis longtemps, je vais vous les raconter entièrement, et vous montrer de larges extraits. 

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Clémentine s’en va commence par une rencontre entre Arthur et Clémentine, deux tortues, et un mariage immédiat. 

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Clémentine a des projets et des rêves plein la tête : des rencontres, des voyages…  Mais bien vite, elle se retrouve coincée dans un coin près de l’étang. Arthur va seul chercher à manger pour « laisser Clémentine se reposer ». Elle s’ennuie. 

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Les propos d’Arthur deviennent dévalorisants, et ils vont l’être de plus en plus. Arthur trouve les idées de Clémentine ridicules. Il trouve qu’elle chante faux, qu’elle est trop dans la lune, qu’elle est ridicule quand elle veut peindre. Lui, il sait ce qui est bon pour elle. D’ailleurs, il lui fait des cadeaux. Pas ce qu’elle a demandé, non. Beaucoup mieux. 

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Clémentine, persuadée qu’Arthur a raison, lui qui est très intelligent, accepte tout de sa part. Peu à peu les cadeaux s’accumulent. Pour ne pas qu’elle les perde, Arthur lui demande de ses les attacher sur le dos. Et peu à peu, Clémentine se retrouve ensevelie sous les objets. Au sens propre. 

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Bientôt, elle n’arrive plus à bouger. « Arthur lui apportait ses repas, et tout fier, lui disait : « Que ferais-tu sans moi ? » « Oui, soupirait Clémentine, que ferais-je sans toi ? »

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Mais un jour, Clémentine se rend compte qu’elle peut sortir de sa maison. Laisser sa carapace et tout ce qui pèse dessus et aller se promener. Très vite, elle sort dès qu’Arthur a le dos tourné. Elle pense à ses promenades tout le temps. « Arthur trouvait sa femme de plus en plus bizarre et distraite, et la maison de plus en plus sale. »

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« Un jour, à son retour, Arthur trouva la maison vide ». Il est étonné, indigné et furieux. 

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L’album se termine sur un Arthur furieux contre son ingrate de femme, lui qui a tout fait pour elle, et une Clémentine sans doute heureuse, qui a pu voyager, jouer de la flute et faire de la peinture comme elle l’espérait. 

On retrouve bien les années 70 dans l’illustration où vert, bleu et orange prédominent. J’ai été un peu gênée par les accessoires très genrés des deux protagonistes (noeud sur la tête, collier de perles ou fleurs pour Clémentine, montre pour Arthur, qui m’ont évoqué cet article, mais au moins il y a un accessoire pour genrer le masculin). Je trouve l’image de Clémentine ensevelie sous les cadeaux, qui l’empêchent littéralement de bouger, très forte et marquante.

Tout l’album portant sur l’émancipation de Clémentine, je trouve le titre Clémentine s’en va bien plus adapté que celui choisi pour la réédition chez Actes Sud, Arthur et Clémentine, même si ce dernier est plus fidèle au titre italien. Je ne sais pas si, à part le choix du titre, il y a des changement entre la première et la seconde édition. 

 

Pour le second album, on quitte la fable animalière pour plonger dans la science fiction. 

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Dans Planète Mary, année 35 (2019 de l’ère chrétienne), une femme raconte à des enfants l’origine de son peuple. Jadis, il y a eu une catastrophe sur la Kerre. Elle est née dans une capsule qui tournait autour de Venus. Chaque famille vivait dans une petite capsule, isolée. Les pères partent tôt dans l’espace et reviennent tard, sans qu’on comprenne vraiment ce qu’ils y font.

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Pour faire des économies d’énergie, on construit une Cité Spatiale où tout le monde va vivre ensemble. 

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Quand la cité spatiale est achevée, tout le monde s’y installe. C’est la fête pour les enfants qui peuvent enfin se rencontrer et jouer ensemble. Les pères continuent à aller faire on ne sait quoi dans leur module toute la journée. La Cité Spatiale est organisée autour d’un « Grand Cerveau », sorte d’intelligence artificielle qui enseigne aux enfants (puis aux mères).

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Elles utilisent aussi un simulateur qui leur permet de faire découvrir à leurs enfants à quoi ressemblait la vie sur la terre. Peu à peu, les mères vont décider de chercher une nouvelle planète où vivre. « Elles discutaient des heures et des heures, écrivaient, faisaient des calculs »

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Elles finissent par trouver une planète où tout le monde peut vivre. Elles profitent de Noël, où les pères reviennent tous à la cité Spatiale (rappelons qu’ils continuent à faire on ne sait quoi dans leur module toute la journée), pour emmener tout le monde près de la nouvelle planète. 

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« Pour les papas, ce fut une surprise ; pour nous, les enfants, le vrai grand cadeau. Mais (et ça, nous ne nous y attendions pas !) ça n’enthousiasma pas tous les papas ! Peu à peu, quelques-uns reprirent leurs petits modules et leurs tournées dans l’espace, autour de Mary ». Les premières années, la vie est un peu dure parce qu’il faut découvrir cette nouvelle planète et comment l’habiter. « Pendant cette période là, le grand cerveau nous aida énormément. Certaines mamans étaient devenues expertes et l’avaient un peu modifié après l’amaryssage ; il devint ensuite la bibliothèque-école que vous connaissez. « 

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Si j’ai trouvé l’album moins fort que Clémentine s’en va, j’avoue un faible pour l’illustration SF rétro d’Anna Montecroci, et les combinaisons à épaulettes. Mais regardez ça :

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Voilà, je suis toujours à la recherche de certains albums de cette époque, promis si je les trouve je vous les montrerai !

Homosexualité dans les albums jeunesse, partie 2

Comme je le disais à propos du fils des géants de Gael Aymon, plusieurs auteur·e·s utilisent l’univers bien connu des contes de fées pour mettre en scène des couples homosexuels. Ici, il n’est plus question d’homoparentalité, mais d’histoire d’amour naissantes, de rencontres. Un détournement du coup de foudre de la princesse et du prince charmant que l’on trouve si souvent (ça me fait penser que je n’ai toujours pas publié l’article sur le coup de foudre de la princesse et du prince charmant, pourtant il y a énormément à dire d’un point de vue féministe !).

Commençons donc avec des princesses lesbiennes !

Cela a commencé dès Camelia et Capucine d’Adela Turin et Nella Bosnia (Actes Sud Junior, 2000, épuisé), auteures de rose bombonne aux éditions des femmes en 1975.

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Je ne l’ai malheureusement pas trouvé, donc je ne peux vous en donner que le résumé de l’éditeur : « Camélia passe le plus clair de son temps chez Capucine, une amie qui lui apprend la musique, des recettes savoureuses ou l’art d’interpréter les rêves. Depuis sa plus tendre enfance, Camélia est promise à un prince, riche et beau. Quand il la demande en mariage, son arrogance déplaît à Camélia, qui se débarrasse de sa bague de fiançailles. Ses parents mettent le château sens dessus dessous pour la retrouver. En vain. Capucine prend alors un malin plaisir, en interprétant les rêves du roi, à bouleverser tout le château. Scandalisé, le prince prend la fuite. Au grand soulagement de Camélia et de Capucine qui, depuis, coulent ensemble des jours heureux. »

Dans Cristelle et Crioline de Muriel Douru (KTM, 2011), la princesse Cristelle doit se marier. Mais elle n’est guère intéressée par le « crapaud charmant » ! Elle tombe amoureuse d’une petite grenouille, Crioline, et contrairement à ses craintes, son père le roi est ouvert d’esprit et les marie.

Cristelle et Crioline

Ce livre est publié par KTM, un éditeur spécialisé dans les romans lesbiens pour adulte et qui a publié seulement cet album pour la jeunesse. Si je trouve le texte sympa, je dois avouer que je trouve les illustrations sans intérêt.

Dans la princesse qui n’aimait pas les princes d’Alice Brière-Haquet et Lionel Larchevêque (Actes Sud Junior, 2010), on retrouve la princesse comme on l’imagine : blonde, en robe rose… et bien sûr, elle doit se marier ! Alors son père, le roi, fait défiler tous les prétendants afin qu’elle se décide, les princes du monde entier, et même « des super héros aux capes belles comme des drapeaux, et quelques très savants sorciers bien calés sur leurs balais. Il y avait aussi : de géniaux scientifiques aux mille inventions fantastiques, et de grands champions du monde, de foot, de course ou d’aviron ». Mais aucun ne lui convient.

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Il fait alors appel à une fée pour dénouer la situation et là… le coup de foudre : « En une seconde, elle comprit que c’était Elle. En deux secondes, elle montait derrière sa selle. En trois secondes, elles galopaient sous le grand ciel ».

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Un livre que j’aime beaucoup ! Et signalons au passage que la fée est noire, ce qui est particulièrement rare, dans les albums jeunesse en général, déjà, et dans les albums sur ce sujet en particulier, à croire que les LGBT sont tous blancs (ou alors des animaux !). Et qu’il ne tait pas les difficultés auxquelles les couples de même sexe doivent faire face dans notre société (même si la question du mariage a évolué depuis la sortie du livre), puisqu’il s’achève ainsi : « Elles ne purent pas vraiment se marier, et pour faire des bébés, ce fut un peu plus compliqué… mais toutes les deux, elles vécurent heureuses. Et c’est ainsi que doit s’achever tout véritable conte de fées. »

Heu-reux de Christian Voltz (Rouergue, 2016), reprend le même scénario, sauf que cette fois c’est le prince qui doit se choisir une épouse dans la foule de prétendantes que son père fait défiler devant lui. A tel point que j’ai eu une impression de quasi plagiat un peu désagréable à la première lecture. Mais en le relisant, et en le lisant à voix haute, j’ai aussi vu à quel point ce livre était un régal à lire et tout l’humour qu’on y trouve.

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Ici, le père s’affirme résolument moderne. Il veut que son fils soit « heureux ! ». Alors s’il doit renoncer à que son fils épouse une vache, il est suffisamment ouvert d’esprit pour que son fils épouse une chèvre. Ou une truie. Oh puis après tout, il peut épouser qui il veut. ça tombe bien, le prince est amoureux d’Hubert le Bélier !

heureux voltz

Les illustrations de Christian Voltz sont chouettes et pleines de détails et d’humour. Le détournement du défilé des prétendantes fonctionne très bien. Chlopitille en parle .

Dans Titiritesse de Xerardo Quintia et Maurizio A. C. Quarello (OQO, 2008), la princesse Titiritesse fuit sa mère qui veut qu’elle se comporte « comme une princesse » et la préceptrice qui vient lui enseigner les bonnes manières. Avec l’aide de l’âne Buffalet, elle va délivrer Wendoline du monstre Avalesix Duncoup.

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Au moment où elles se rencontrent, « une brise joueuse se souleva alors et leur fit des chatouillis dans la tête ».

Un album vraiment original, autant par ses illustrations que par son histoire : si on retrouve de nombreux éléments détournés du conte de fée traditionnel, l’album nous entraine ensuite dans un voyage onirique très particulier, où les princesses découvriront un « mot pour rire », Trukulutru !

 

 

Amour entre enfants

Certains livres pour enfants se placent dans un univers beaucoup plus réaliste et racontent des histoires d’amour, comme peuvent les vivre les enfants. Avec des réactions d’adultes plus ou moins bienveillantes…

J’avais déjà parlé ici de la BD Bichon de David Gilson (Glénat, 2013). Depuis, les volumes 2 et 3 sont sortis (en 2015 et 2017).

 

Dans Philomène m’aime de Jean-Christophe Mazurie (P’tit Glénat, 2011), tous les garçons sont amoureux de Philomène.

philomène m'aime

Quand elle passe en vélo, tout s’arrête. Mais les garçons sur son chemin l’indifférent car elle est amoureuse de Lili.

 

Jérôme par coeur de Thomas Scotto et Olivier Tallec a été publié chez Actes Sud en 2009 et est disponible actuellement dans leur collection « poche » encore une fois.

jérome par coeur

Et c’est un petit bijou.

« Raphael aime Jérôme, je le dis. Très facile ». Raphael aime Jérôme parce qu’il lui tient toujours la main, très accroché, pour le 100% coton de son sourire et parce qu’il raconte des mensonges qui ressemblent à de vraies histoires. Le soir, il fait « des provisions de lui pour la nuit ». Et parfois il en rêve, même. Mais la façon dont il parle de Jérôme ne plait pas à ses parents. Alors forcément, Raphael s’interroge. Mais la force de ses sentiments est là.

Le quotidien des enfants, la force de leur amour, la délicatesse des illustrations d’Olivier Tallec qui répond à celle des mots de Thomas Scotto… Ce livre est un gros coup de coeur.

 

Deux garçons et un secret d’Andrée Poulin et Marie Lafrance (éditions de la Bagnole, 2016), qui nous vient du Québec mais est également distribué en France, nous présente aussi deux petits garçons qui s’aiment et les réactions de leurs parents.

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Emile et Mathis sont les meilleurs amis du monde. Un jour, Emile trouve une bague dans le bac à sable du square. Et ça lui donne une idée : ils vont se marier ! Comme ça, quand ils seront grand, ils habiteront ensemble et Emile pourra emprunter à Mathis son camion de pompiers. Alors avec leurs amis, ils préparent un beau mariage.

deux garçons et un secret mariage

Mais quand Emile le raconte à ses parents, le soir, son père affirme qu' »un gars ne se marie pas avec un gars. Ça ne se fait pas » et lui interdit de garder la bague. Les parents de Mathis, eux, le soutiennent. « Lorsque la maman de Mathis le borde dans son lit, elle lui dit : Quand tu seras grand, si Emile et toi, vous vous aimez encore, vous pourrez vous marier pour de vrai. » Alors Emile et Mathis décident de rester mariés en secret. Parce que « des fois, les parents se trompent, comme les enfants ».

L’illustratrice parle de son travail sur cet album ici.

 

Dans Boum boum et autres petits (grands) bruits de la vie de Catherine Lafaye Latteux et Mam’zelle Roüge (Frimousse, 2011, épuisé, réédité par Pourpenser en 2018), on entend les bruits de la vie.

Les bruits du coeur de Timothée qui pense à Fleur, et les « cling cling » que font les pièces quand ils vont au cinéma ensemble. Mais aussi le « snif snif » de José qui les voit, lui qui aime Timothée en secret.

Mais il va rencontrer un autre garçon, et leur amour fera les mêmes bruits de coeur qui bat, de moments partagés et de joie. « et tant pis si un jour cet amour fait GRAND bruit autour de lui ».

Enfin, un album que j’avais raté (mais il va falloir que je répare ça parce que vraiment il a l’air chouette), ça change tout ! de Cathy Ytak et Daniela Tieni (Atelier du poisson soluble, 2017).

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Camille aime Baptiste. Alors Camille lui donne des poèmes sur des petits papiers. Et Baptiste lui répond avec des Bulles de savon.

Je n’ai pas pu voir le livre en dehors des extraits sur le site de l’éditeur, aussi je vous cite un extrait de sa critique par Gabriel sur la mare aux mots en vous encourageant vivement à aller voir son article où il propose des livres jeunesses LGBTQ+ (notons ici que Gabriel m’a beaucoup aidé pour cette série d’articles, en me donnant des références, en me prêtant des livres, etc) : « L’autrice joue avec la surprise (nos visions hétérocentrées penseront d’abord que Camille est une fille). On est loin ici des clichés et, contrairement à la plupart des livres sur le sujet, rien n’arrive de négatif aux deux héros de l’histoire. À noter que ici, et c’est tellement exceptionnel qu’il faut le signaler, on parle de bisexualité car les héros ont aussi été amoureux de filles. »

 

Voilà pour aujourd’hui, j’espère vous avoir donné envie avec tous ces chouettes albums. J’ai un troisième article en préparation pour compléter tout ça (en espérant le publier dans moins de 3 mois…) et parler de la banalisation de l’homoparentalité, de l’homophobie ou de la transidentité dans les albums jeunesse, et pour vous proposer quelques ressources supplémentaires.

Les liens de la semaine (7 septembre 2014)

Aujourd’hui, on commence avec un livre pour ados bourré de stéréotypes sexistes. Quelques mois après l’article de Mme Déjantée, le dico des filles (Fleurus) refait parler de lui sur des sites québécois, la gazette des femmes et la presse.

 

Mais on poursuit heureusement avec plein de chouettes albums :

Elise Gravel, auteure et illustratrice, propose gratuitement sur son site un album pour enfants numérique intitulé « tu peux » pour lutter contre les stéréotypes de genre. « vous y trouverez des filles qui pètent, des garçons sensibles, des filles drôles et des garçons qui prennent soin des plus petits. »

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Un article de radio Canada présente le projet ici.

A l’occasion de sa réédition le 24 septembre chez Actes Sud Junior, La Mare aux Mots parle du super Rose bonbon d’Adela Turin et Nella Bosnia, initialement publié aux éditions des femmes, dans la collection du côté des petites filles. On y trouve aussi un article sur le chevalier noir de Michaël Escoffier et Stephane Sénégas (Frimousse, 2014) qui va compléter ma liste présentant des princesses pas niaises. Vous pouvez en voir quelques extraits ici. Enfin, on y parle de Jérôme par Coeur de Thomas Scotto et Olivier Tallec album dans lequel Raphaël aime Jérôme, ce qui perturbe les adultes de son entourage qui cherchent à coller une étiqueter sur leur relation (amitié ? amour ?). On trouve également des articles sur ce livre dans Causette et dans le cabas de Za.

Retrouvez  les liens au fil de la semaine sur la page facebook du blog et sur twitter ! Bonne lecture.

Les liens de la semaine (31 août 2014)

Présentation d’albums :

Cligne-cligne magazine propose une vidéo présentant l’album Totor et Lili chez les Moucheurs de nez de Philippe Corentin et Alain Le Saux (Rivages, Marseille, 1982, malheureusement épuisé) en l’introduisant par ce texte : « Sous prétexte d’une exploration du monde des Grands, c’est en réalité une cruelle caricature des comportements masculins qui est ici révélée à la jeunesse. » Philippe Corentin s’intéresse à nouveau à la question dans Papa n’a pas le temps publié chez Rivages en 1986 : « Papa n’a pas le temps présente le quotidien d’un couple, vu à travers les yeux de leur fille, qui explique les différents aspects de leur vie quotidienne : on constate très vite que la mère assume toutes les tâches ménagères et toutes les corvées, tandis que le père a, d’après le commentaire, toujours une bonne raison de ne rien faire… Le livre traite du machisme ordinaire, des clichés de la vie en couple, considérés comme normaux par de nombreuses personnes. »

Les éditions Sarbacane publient Rosie, géniale ingénieure, de Andrea Beaty et David Roberts, qui a l’air chouette. Le prénom de l’héroïne est un hommage à Rosie la riveteuse, femme ouvrière devenue symbole féministe. Je vous en reparle dès que j’ai l’occasion de le feuilleter !

Mélanie Decourt, éditrice chez Talents Hauts, est invitée sur le blog la Mare aux mots et présente des albums coup de coeur, dont Clémentine s’en va de Nella Bosnia et Adela Turin (éditions des femmes, 1976, épuisé).

 

Réfléxion, analyse :

Légothèque est un groupe de bibliothécaires qui a pour objectif de défendre une bibliothèque « engagée contre l’homophobie et les stéréotypes de genre » et de réfléchir au multiculturalisme, à la représentation des minorités. Il travaille sur les collection, mais également sur l’accueil du public. Deux membres du groupe ont répondu à une interview pour présenter leur projet ici et vous pouvez les retrouver sur leur blog, sur Facebook et sur twitter.

L’EHESS propose en 2014-2015 un cycle de conférences intitulé « Filles et Garçons, le genre fait-il La différence? » dont vous trouverez le programme ici. La première conférence s’intitule 2014 : filles et garçons, l’égalité. Pour qui ? Pour quoi ? et aura lieu le lundi 29 septembre. Une conférence sera également dédiée aux pratiques culturelles des enfants et des adolescents à l’épreuve du genre, et j’espère que je pourrai y aller (c’est le lundi 22 juin, j’ai le temps !)

Un livre qui a l’air très intéressant : »À l’école des stéréotypes. Comprendre et déconstruire » sous la dir. de C. Morin-Messabel & M. Salle (l’Harmattan, 2013). Marie Duru-Bellat le présente ici et on peut en trouver d’assez longs extraits . Deux chapitres concernent la littérature jeunesse, « Albums contre-stéréotypés et lecture offerte en Grande Section de Maternelle : mesure de l’impact sur les élèves à travers le dessin et la dictée à l’adulte » et « Corps en jeu dans la littérature de jeunesse ». D’autres chapitres concernent les manuels scolaires, l’enseignement de l’histoire, les normes de sexes dans les interactions entre enseignant(e)s et élèves…

 

Militantisme :

Ariane Baillon, qui vient d’avoir son baccalauréat a lancé une pétition intitulée « Benoît Hamon, donnez une place aux femmes dans les programmes scolaires« , aujourd’hui fermée après avoir recueilli plus de 14 000 signature. Un article ici, un autre et une émission de radio (7 minutes). Pour en savoir plus sur les représentations des hommes et des femmes dans les manuels scolaires, faites un tour sur le site du centre Hubertine Auclert qui a (entre autres) adressé un rapport au sénat sur la question. Ce centre a aussi décidé de décerner un prix pour « récompenser le caractère égalitaire d’une action ou d’un support, tels les manuels scolaires », mais ne l’ont pour le moment jamais décerné faute de manuels remplissant leurs conditions !

 

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« littérature de jeunesse pour l’égalité » et « éduquer contre l’homophobie » par le SNUIPP

Une nouvelle bibliographie vient de rejoindre ma liste.

Il s’agit d’une sélection d’ouvrages concernant l’égalité homme/femmes et la lutte contre l’homophobie et l’acceptation des familles homoparentales. Elle réunit des ouvrages de fiction, albums pour les petits, romans pour les plus grands et les ados et un peu de poésie, de théâtre et de BD. La plupart des titres s’accompagnent d’un résumé et d’une recommandation d’âge. On y trouve en particulier les titres des éditions de femmes d’Adela Turin et Nella Bosnia réédités chez Actes Sud, des premiers romans de Thierry Lenain, des albums de Christian Bruel…

Elle a été créée par le SNUIPP, Syndicat National Unitaire des Instituteurs et des Professeurs des écoles et des PEGC. Elle est donc destinée à des enseignants et regroupe les documents par niveau scolaire (pour les petits / CM2-6e / Second degré).

Vous pouvez découvrir la première partie ici et la seconde partie .

 

éduquer contre l'homophobie SNUIPP

Le SNUIPP a aussi publié, en mai 2013, un numéro spécial de sa revue « Fenêtre sur cours » intitulé « éduquer contre l’homophobie« .

Comment est-il possible que l’insulte « pédé » soit la plus fréquente des cours de récréation et que, la plupart du temps, les enseignants n’en parlent pas ? De là est né le projet de s’intéresser à ce que font déjà les enseignantes et les enseignants, les équipes d’école, et de proposer des outils spécifiques, comme cela se fait en Belgique, au Pays-Bas ou au Canada. Les expérimentations prennent souvent comme point de départ des ouvrages de littérature jeunesse. Elles montrent que parler de sujets difficiles n’est pas un problème pour les élèves, même très jeunes, mais peut l’être pour les adultes. Les réticences, la crainte de réactions de parents et d’un manque de soutien de la hiérarchie, la conviction de ne pas savoir faire, empêchent les enseignantes et les enseignants de consacrer un temps suffisant au débat, aux représentations diverses des uns et des autres. Car il ne s’agit pas de « prosélytisme » ni d’imposer une parole du maître qui dirait ce qui est bien (ce qui est néanmoins nécessaire dans le cadre des rappels à la loi) ; au contraire il est question d’apprendre aux élèves à interroger ce qu’ils pensent et à le confronter aux autres, à entendre que d’autres ont des idées différentes, à apprendre à penser par eux-mêmes.

Ce dossier très intéressant présente des projets menés dans des classes, le plus souvent autour d’albums jeunesse, mais aussi des ressources (livres, films d’animation) et des entretiens avec des auteurs, des associatifs, des éditeurs…

Il apporte en particulier des outils et des réflexions autour des familles homoparentales, des relations amoureuses, des réponses à apporter aux insultes homophobes, le lien avec la déconstruction des stéréotypes genrés…

On y trouve des entretiens avec :

– Dominique Richard, auteur du journal d’une grosse patate

– Béatrice Boutignon, auteure de Tango a deux papas et Une histoire de familles

– Jean-Christophe Mazurie, auteur de Philomène m’aime

– les éditrices de Talents Hauts.

J’aime particulièrement les compte-rendus d’expériences menées dans les classes, montrant l’ouverture des enfants et la richesse des échanges permis par des livres.