Cambourakis

Quels albums jeunesse pour questionner les normes genrées ?

Mercredi 30 mars, j’ai assisté à la librairie le monte en l’air à la rencontre “Quels albums jeunesse pour questionner les normes genrées ? Etats des lieux et perspectives” avec Sarah Ghelam, chercheuse en littérature jeunesse, Isabelle Cambourakis, directrice de la collection « Sorcières », et Elsa Kedadouche, éditrice chez « On ne compte pas pour du beurre ». En voilà un petit compte-rendu. 

C’est Sarah Ghelam qui est à l’initiative de cette rencontre. Après un mémoire sur la Représentation des personnages enfantins non blancs dans les albums jeunesse publiés en France entre 2010 et 2020, elle travaille actuellement sur les albums qui questionnent les normes de genre. Elle englobe dans cette dénomination à la fois les albums qui subvertissent les normes genrées, mais aussi ceux qui représentent des désirs non normatifs. Elle a récemment travaillé à l’élaboration d’une liste la plus exhaustive possible de ces albums et est arrivée à une liste d’environ 220 albums, disponible ici

C’est suite à ce travail qu’elle a organisé cette rencontre “pour qu’on puisse mettre en avant la production existante oui, mais surtout pour qu’on puisse avoir un regard critique sur cette production, mettre en avant les nouvelles propositions éditoriales, et discuter de quels albums publier pour subvertir les normes.”

Elle a commencé par parler du matrimoine des albums jeunesses féministes. Dans les années 1970 des militantes montent des structures pour pouvoir s’éditer elles-mêmes et éditer des albums jeunesses féministes. C’est le cas de la collection du côté des petites filles ou du collectif pour un autre merveilleux qui aboutira à la création des éditions du sourire qui mord. Certains de ces titres seront réédités par la suite. On peut citer les albums d’Adela Turin réédités dans les années 90-2000 chez Actes Sud Junior, les rééditions des albums de Christian Bruel, dont l’histoire de Julie qui avait une ombre de garçon chez Thierry Magnier autour de 2012 ou les rééditions des premiers albums d’Agnès Rosenstiehl par la ville brûle. Certains de ces titres ont été en partie réécrits ou retraduits, pour d’autres c’est une réédition à l’identique.

(Pour aller plus loin sur cette période passionnante, vous pouvez aller lire l’article de Sarah Ghelam sur Adela Turin et la collection “du côté des petites filles” et mon article sur deux albums de cette collection ; mon article sur l’histoire de Julie qui avait une ombre de garçon et ses différentes éditions, le mémoire de Caroline Hoinville sur les albums pour enfants des maisons d’édition des femmes et le sourire qui mord et mon article sur le travail de réécriture des albums d’Agnès Rosenstiehl). 

Après cette période d’effervescence, on trouve des albums plus isolés dans les années 1980 et 90. Il faut citer la princesse Finemouche de Babette Cole (1986) par exemple, ou le papa qui avait dix enfants de Bénédicte Guettier (1997). Et en 2005 sont créées les éditions Talents Hauts qui a pour volonté affichée de lutter contre les stéréotypes sexistes. C’est cette maison d’édition qui est la plus représentée dans la liste élaborée par Sarah Ghelam, avec 45 titres. 

Comment, aujourd’hui, la collection Sorcière et les éditions on ne compte pas pour du beurre se positionnent par rapport à ce matrimoine ? Comment travaillent-elles et quels sont leurs choix ? 

comme un million de papillons noirsIsabelle Cambourakis est directrice de la collection Sorcières mais aussi institutrice en maternelle. Sa collection est à l’origine une collection d’essais destinés aux adultes, et dans laquelle il y a une réflexion sur le matrimoine, une volonté d’inscrire la collection dans une généalogie féministe. Elle a fait des recherches sur les luttes féministes des années 70, et en particulier sur l’écoféminisme et réédité (ou édité pour la première fois en français) des textes de ces années-là. Pour les titres jeunesse de la collection, les choses se sont faites différemment : ce n’est pas partie de la volonté de constituer un corpus mais cela a commencé par la proposition de Laura Nsafou de publier Comme un million de papillons noirs. Ce livre, après une première parution dans une petite maison d’édition associative (Bilibok), avait été refusé par de nombreux éditeurs jeunesse. Isabelle Cambourakis a décidé de l’éditer dans sa collection. Ainsi, en jeunesse, elle se demande plutôt “qu’est-ce qu’il faut éditer aujourd’hui ? qu’est-ce qui manque ?”. Et pour la collection Sorcière, le choix se porte sur des albums féministes mais aussi sur la question de la représentation des personnages non blancs. Avec pour objectif de les représenter aujourd’hui, ici, sans exotisation, en sortant des représentations stéréotypées du type Kirikou. 

En dehors de la collection Sorcière, les éditions Cambourakis éditaient déjà des albums jeunesse, essentiellement des traductions, beaucoup de pays du nord, ce qui apportait déjà une ouverture à d’autres formes de représentations, sans que ce soit une politique claire. Et il y a une porosité certaine entre la collection sorcière et le reste de la maison. Ainsi, la princesse et le poney de Kate Beaton (2015), s’il ne présente pas de discours antisexiste flagrant, propose des représentations qui sont une autre façon de passer le message. On peut aussi citer la série Carl et Elsa de Jenny Westin Verona et Jesus Verona qui met en scène des jeux d’enfants et bouscule les stéréotypes sans que ce soit le sujet. 

amoureuse de simoneChez On ne compte pas pour du beurre, la question du matrimoine intéresse mais dans un premier temps, l’objectif est plutôt de trouver les voix du présent. C’est une maison d’édition associative portée par un collectif dont les membres sont majoritairement lesbiennes et pour plusieurs d’entre elles racisées. Elles sont parties du constat que les représentations de lesbiennes étaient rares, ou alors que c’était LE thème de l’album. Elles ont souhaité faire des livres pour leurs enfants, avec ces représentations manquantes. Les représenter non pas dans des albums dont c’est le thème, mais dans des situations banales, des histoires. Les voir exister simplement. Par exemple dans leur album l’amoureuse de Simone d’Elsa Kedadouche et Amélie-Anne Calmo, le sujet n’est pas qu’elles soient noires ou lesbiennes, c’est juste un histoire d’amour. Les éditrices ont envie d’aller vers des créateurs et créatrices concernées, et de leur donner de la légitimité. Le fait que ce soit une activité bénévole, une association, leur donne de la liberté. 

Sarah Ghelam souligne alors que comme dans les années 70, il faut créer des espaces pour des albums qui ne peuvent pas exister ailleurs, qui ne sont pas publiés dans des maisons d’édition jeunesse plus classiques. 

Elle demande ensuite aux deux intervenantes leur avis sur la production éditoriale jeunesse existante. 

Isabelle Cambourakis dit qu’elle ne voit pas tout ce qui sort, mais elle trouve que ça change en ce moment. Qu’il y avait des manques sur certains sujets, et que ça s’améliore un peu. Mais elle constate une certaine uniformité dans la façon d’illustrer : illustrateurs et illustratrices sortent tous et toutes des mêmes écoles d’art, ce qui aboutit à une uniformisation du style des albums. Et il est difficile de trouver des albums qui sortent de cette esthétique. Les personnes qui les éditent sont issus des mêmes formations. C’est aussi une question de classe : tout ce monde vient d’un milieu bourgeois. Cela joue aussi sur les sujets abordés : les maisons de vacances à la campagne par exemple. C’est compliqué pour que ça bouge, il faut que ça évolue dans les structures éditoriales et les écoles d’art, qu’elles intègrent des profils différents. Cela induit aussi de réfléchir à notre regard de lectrices et de médiatrices du livre : on ne peut pas disqualifier certaines illustrations par biais de classe. En 2019, la revue des livres pour enfants a consacré un dossier à comme un million de papillons noirs de Laura Nsafou et Barbara Brun, le comité de lecture de la revue s’est interrogé sur les raisons pour lesquelles ils ne l’ont pas sélectionné et ce qui est ressorti ce sont les “illustrations, qui nous avaient semblé trop caricaturales”. Et effectivement il sort de cette esthétique de l’album jeunesse, il fait plus commercial. (le dossier “l’effet papillon noir” est disponible ici, et je vous recommande le reste du numéro intitulé “stéréotypes, fin de partie ?”). Mais dans les classes, il y a besoin de livres qui parlent à tous les enfants, pas seulement à ceux qui partagent les codes et les références de l’édition jeunesse. Elle cite l’article de Cécile Boulaire “des albums pour toutes les classes (sociales) ?” qui revient justement sur ces questions. Je l’ai trouvé passionnant, et je me permets de vous en donner deux extraits : 

les journalistes qui écrivent dans les magazines, les critiques littéraires, les universitaires qui s’intéressent aux livres pour enfants – les enseignants et les bibliothécaires qui les achètent, les libraires qui les mettent en avant, et allons-y, les artistes qui les créent et les éditeurs qui les publient, tous appartiennent au même milieu. Ils ont donc les mêmes attentes, les mêmes critères, ils sont dépaysés par les mêmes esthétiques, stimulés par les mêmes thématiques, touchés par les mêmes émotions. Ils partagent les mêmes idées, les mêmes valeurs. Je ne devrais pas dire « ils » : nous partageons goûts, valeurs et habitus sociaux.

“les enfants de milieu défavorisé ont des livres à la maison, mais ils ne les retrouvent pas dans le « coin lecture » de la classe de maternelle : ce ne sont pas les mêmes corpus valorisés à l’école et à la maison. Oui, les enfants dont les parents sont peu diplômés entendent des histoires à la maison, mais ce n’est malgré tout pas la même manière de raconter que celle qui se pratique à l’école ; cela ne construit pas le même profil d’enfant lecteur. Et au bout du compte, les différences perdurent, qui se traduiront souvent en inégalités de réussite.”

Elsa Kedadouche demande aux libraires s’ils ont des livres avec des familles homoparentales, ou un personnage LGBT. Et à ce sujet elle fait une différence entre Paris et la province. En dehors de Paris, peu de libraires peuvent répondre. Quand on lui répond, c’est souvent “ah oui j’ai un livre qui parle des différentes sortes de familles”. Ou depuis peu, on propose mes deux mamans de Bernadette Green et Anna Zobel (Talents hauts). Mais il est rare qu’une librairie propose plus de deux références, ou des histoires où l’homoparentalité n’est pas le sujet. 

Sarah Ghelam souligne que ces livres sont parfois absents par méconnaissance, Qu’ils ne sont pas toujours bien diffusé. D’où l’intérêt de diffuser la liste qu’elle a réalisé. Sur la représentation des enfants non blancs, elle constate qu’ils apparaissent le plus souvent dans trois types d’histoires : 

  • les albums sur la différence où un personnage blanc apprend à accepter des personnes différentes. L’enfant non blanc est un personnage secondaire, l’histoire n’est pas de son point de vue. Le racisme, la couleur de peau ne sont pas abordées, si l’enfant non blanc est différent, c’est en raison d’un trait de caractère ou d’une caractéristique autre.  
  • les albums qui baignent dans l’exotisation, à la Kirikou
  • les albums avec un personnage non blanc, sans que ça change quoi que ce soit à l’histoire, sans marquage culturel. 

demeure du cielPour elle, le premier album à proposer une histoire avec un enfant non blanc dont le sujet n’est pas le racisme, mais avec un marquage culturel clair (vêtements, recette de gâteau, etc), c’est la demeure du ciel de Laura Nsafou et Ogla Guillaud, publié justement dans la collection Sorcière chez Cambourakis, et donc pas dans une maison d’édition jeunesse traditionnelle. 

Elle cite la thèse de Julie Fette (“Gender in Contemporary French Children’s Literature: The Role of Talents Hauts”, Children’s Literature Association Quarterly, vol. 43 no. 3, 2018, p. 285-306) sur les éditions Talents Hauts qui démontre que la plupart de leurs albums suivent la même structure narrative : un personnage est coincé dans un système très sexiste, et rencontre un obstacle et réussit à le surmonter. Mais il n’y a pas de remise en cause fondamentale du système. Par exemple, dans Longs cheveux de Benjamin Lacombe, la chute est qu’une fille le trouve beau avec ses cheveux longs : on reste dans la norme hétérosexuelle, c’est l’approbation de cette petite fille qui “valide” la “différence”.

De plus, cela aboutit souvent à une dépréciation de ce qui est considéré comme féminin. Dans la princesse qui pue qui pète de Marie Tibi et Thierry Manès (Casterman, 2020), par exemple,  le rose, les licornes, les barrettes ou les cœurs sont dépréciés. Le “moi je ne suis pas une fille comme les autres” devient une collection de stéréotypes sur ce que sont d’habitudes les filles. De plus, ça aborde parfois les stéréotypes de genre, certes pour les dénoncer, avant même que les enfants aient conscience de leur existence. Elle est ainsi dubitative sur la création d’une collection pour les tout-petits chez Talents Hauts, “Badaboum, par terre les clichés” qui propose des albums tout cartonnés. D’après son expérience d’animatrice, elle trouve que les enfants ont vraiment intégré les stéréotypes sexistes en milieu de primaire et qu’il n’est pas forcément pertinent d’aborder le sujet avant. Elsa Kedadouche souligne que sa fille lève les yeux au ciel quand on lui présente un album qui déconstruit ouvertement les clichés et qu’il faut désormais aller plus loin. 

(je n’étais pas vraiment d’accord sur cette partie. J’ai trouvé dans mon entourage familial et professionnel que les normes de genres étaient imposées très tôt et violemment aux enfants et que beaucoup de stéréotypes étaient déjà intégrés dès l’école maternelle. Et si je suis d’accord qu’on ne peut pas se contenter d’albums que j’appelle “manifeste” qui déconstruisent ouvertement les clichés, je pense qu’ils ont leur importance pour pouvoir parler explicitement des choses, servir de support d’échange. Je pense que des tout-cartons qui déconstruisent les stéréotypes peuvent au moins faire réfléchir les adultes qui les lisent. Et si mes enfants lèvent aussi les yeux au ciel en me disant “on sait maman, tu nous l’a déjà dit 1000 fois” quand je leur dit que le rose c’est pas que pour les filles, pourtant j’ai vu qu’avant de faire quelque chose qui va contre les normes de genre, comme mettre des barrettes pour aller à l’école, mon fils va ressortir ces albums là, les relire, s’en servir de moyen de réassurance). 

je m'appelle JulieSarah Ghelam observe aussi la tendance de certains albums à ne présenter des personnages LGBT que comme chute de l’album. C’est le cas par exemple de Tourmaline de Davide Cali et Fatinha Ramos (Alice Jeunesse, 2021) : le chevalier est finalement une chevalière. Sur les questions LGBT, elle déplore aussi que les albums avec des personnages LGBT présentent souvent des expériences très douloureuses. Par exemple dans je suis Camille de Jean-Loup Felicioli, premier album jeunesse avec une héroïne trans, on sait dès le début de l’album que Camille a des souvenirs douloureux, et dans un passage elle envisage le suicide. Elle se réjouit donc particulièrement de la sortie l’album je m’appelle Julie de Caroline Fournier et Laurier the Fox le 27 mai aux éditions on ne compte pas pour du beurre, un album beau et joyeux, qui met en scène la joie d’être respectée dans son identité. Il manque encore d’albums comme celui-ci ou comme Julian au mariage de Jessica Love (Pastel, 2021) qui se déroule lors d’un mariage lesbien, sans que ce soit le sujet de l’album. 

Quand on les interroge, justement, sur ce qu’il manque encore, ce qu’il reste à faire et à proposer dans l’édition jeunesse, et sur leurs projets à venir, voilà leurs réponses : 

Hilda et la princesseIsabelle Cambourakis dit que toute une veine d’albums antisexistes présentent une héroïne qui se distingue, qui devient une femme avec plein de pouvoir, avec comme sous-texte “toi aussi tu peux devenir une femme de pouvoir” et qu’elle considère que ce sont des ouvrages capitalistes. Que sa collection ne dénonce pas seulement les normes de genre mais un système plus général, que la collection est aussi anticapitaliste, antiraciste. Que le but n’est pas de vivre bien dans le système. Elle attend une proposition d’un album anticapitaliste. Sarah Ghelam souligne que dans les romans ados, on trouve des personnages qui font preuve d’agentivité, c’est-à-dire de capacité à changer le monde, à changer les choses, et pas seulement à y trouver leur place “malgré” leur différence, comme par exemple Katniss dans Hunger games, mais que c’est rare dans l’album jeunesse. Elle trouve pourtant que ça pourrait être le cas dans Hilda et la princesse d’Eva Rust publié en 2019 dans la collection Sorcière : la petite sorcière va prendre les choses en main, délivrer la princesse et elles vont pouvoir finalement sortir du cadre. Isabelle Cambourakis dit qu’effectivement, si elle a choisi de le publier dans sa collection, c’est qu’au-delà de la remise en cause des stéréotypes sexistes, il y avait un côté Mimi Cracra qui lui plaisait, mais aussi un côté hors norme et antisystème. 

Elsa Kedadouche raconte qu’elle a fait face à des discriminations franches. Des marques de rejet en salon du livre devant l’amoureuse de Simone (Sarah Ghelam souligne que c’est la première fois depuis Camélia et Capucine d’Adela Turin et Nella Bosnia qu’on voit deux femmes amoureuses sur la couverture d’un album). Il y a eu aussi des interventions de parents contre l’intervention dans les écoles de la maison d’édition. Un moyen plus poli de rejet est de dire “on n’a pas le public pour ça”. Il faut donc continuer à lutter. La maison d’édition s’intéresse aussi à la fluidité de genre, la non binarité. Dans Léo là-haut de Melody Kedadouche et Adam Rosier, qui vient de paraître, est écrit en écriture inclusive. Afin que les enfants lecteurs puissent s’y projeter quelque soit leur genre. On peut aussi voir Léo comme un personnage non binaire. Un autre de leurs projets est la publication, à l’automne, d’un recueil de contes détournés écrits par Anne-Fleur Multon. On attend de voir s’ils permettent une sortie du système hétéro-patriarcal…

J’ai tenu à faire ce compte-rendu parce que j’ai trouvé que cette rencontre apportait des aspects différents de beaucoup de tables rondes et rencontres sur le sujet, en la replaçant d’avantage dans le matrimoine de l’édition jeunesse et en interrogeant les manques dans la production actuelle. J’ai particulièrement apprécié la référence d’Isabelle Cambourakis à l’article de Cécile Boulaire que j’ai trouvé vraiment important dans ma réflexion sur la littérature jeunesse de ces derniers mois. Et c’est toujours intéressant de voir les nuances et les différences entre une table ronde de bibliothécaire (en majorité en tout cas) et d’éditrices. Merci, donc, à Sarah Ghelam.

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Les femmes scientifiques dans la littérature jeunesse

Après les femmes artistes, j’avais envie de vous parler de femmes scientifiques.

Si on tape « dessin de scientifique » sur google, on trouvera quasiment uniquement des hommes. Encore plus si c’est un « professeur ».

Capture d’écran 2021-05-26 à 09.14.12Capture d’écran 2021-05-26 à 09.14.00

Alors apportons un peu de diversité dans les représentations. Proposons des femmes scientifiques dans les livres pour enfants, découvrons d’autres femmes que Marie Curie, toujours donnée en exemple, et souvent la seule femme dans des livres sur les sciences. Il y en a souvent quelques unes dans les livres de portraits de femmes, mais je vais me pencher ici sur les livres spécifiquement centrés sur les scientifiques. 

 

Les recueils :

inventrices et leurs inventionsInventrices-Inventions-1

  Les inventrices et leurs inventions d’Aitzibier Lopez et Luciano Lozano (éditions des éléphants, 2019).

Dans ce livre au format album accessible dès 5-6 ans, on trouve des portraits d’inventrices qui « ont révolutionné notre quotidien, en inventant une multitude d’objets devenus indispensables : couches jetables, lave-vaisselle, mais aussi essuie-glaces ou périscope… ». En se concentrant sur les inventions du quotidien, le choix des femmes qu’on y découvre est différent de la plupart des autres livres sur la question, cela apporte une variété bienvenue !

 

Capture d’écran 2021-05-31 à 10.21.53femmes de science poulpe fiction

Les femmes de sciences vues par une ado un peu vénère ! de Natacha Quentin (Poulpe Fiction, 2021)

La collection 100% bio de chez Poulpe fiction a pour projet de proposer des biographies dynamiques et facilement lisibles par les (pré)ados. Le 7e tome est consacré aux femmes scientifiques. « Excédée par les propos de Clément, son frère qui affirme que les femmes ne sont pas faites pour les sciences, Louise relate avec humour la vie de 25 grandes scientifiques : Marie Curie, Jocelyn Bell, Emilie du Châtelet, Rosalind Franklin ou encore Jane Goodall. » Le ton est moderne et accrocheur. A partir de 10 ans environ.  

 

femmes de scienceFemmes de science, à la rencontre de 14 chercheuses d’hier et d’aujourd’hui d’Annabelle Kremer-Lecointre (La Martinière Jeunesse, 2021)

Ce documentaire à destination des ados présente sous forme d’interview (souvent fictives) le parcours de femmes scientifiques. Il est richement illustré et plusieurs pages mettent en contexte les découvertes et la vie de ces chercheuses. Son intérêt principal est de présenter des figures historiques mais aussi des portraits de chercheuses françaises contemporaines.  A partir de 12-13 ans. 

 

women in science

mary anning women in science

Women in science, 50 fearless pioneers who change the world de Rachel Ignotofsky (Ten Speed, 2016)

Ce livre n’a malheureusement pas été traduit en français. D’habitude, je ne publie pas de livres en anglais, parce que je le lis très mal, et que j’ai déjà du mal à suivre la production éditoriale française, mais j’en ai entendu beaucoup de bien, en particulier de la part de Sophie en qui j’ai toute confiance sur le sujet. 

 

Enfin, ce n’est pas un livre mais une ressource intéressante pour les plus grand·es, lycéen·nes et étudiantes, le site de l’association femmes et sciences qui a pour objectif de « promouvoir et de valoriser les carrières scientifiques et techniques auprès des jeunes filles et des jeunes femmes, de promouvoir et de valoriser les femmes dans les carrières scientifiques et techniques » est très riche et propose entre autres une brochure avec « 40 femmes scientifiques remarquables du XVIIIe siècle à nos jours »

 

Marie Curie :

Comme Frida Kahlo pour les artistes, Marie Curie est LA femme scientifique qu’on trouve systématiquement mise en avant, parfois au détriment des autres. Elle est dans tous les livres sur les portraits de scientifiques ou presque, souvent la seule femme ou quasiment.

Extrait de Les femmes de sciences vues par une ado un peu vénère ! de Natacha Quentin

Extrait de Les femmes de sciences vues par une ado un peu vénère ! de Natacha Quentin

On trouve 44 notices à son nom en littérature jeunesse dans Electre, logiciel professionnel des libraires et bibliothécaires. Quand on peine souvent à trouver un ou deux livres sur d’autres femmes. Je vous propose donc une sélection par âge approximatif. 

Marie curie petite & grande

Marie Curie d’Isabel Sanchez Vegara et Frau Isa, collection petite & grande (Kimane, 2018). Cette collection, qui présente de nombreux portraits de femmes (on retrouvera Ada Lovelace un peu plus bas) se présente comme un album, accessible aux enfants dès 3-4 ans. Une grande douceur dans les illustrations pour une première approche. 

 

marie curie odyssées

Le génial podcast pour enfants « les odyssées » consacre pas moins de trois épisodes à Marie Curie ! C’est vivant, prenant et très chouette à écouter en famille. « Voici l’odyssée d’une des femmes les plus épatantes qu’ait connue l’histoire, si bien qu’elle a changé le monde grâce à ses incroyables découvertes scientifiques ! Tenez-vous prêts à pénétrer dans le laboratoire de Marie Curie où nous allons assister à de folles expériences. Marie ne veut qu’une chose : réaliser son rêve, devenir une femme de sciences ! »

Marie Curie Bayard

L’incroyable destin de Marie Curie, qui découvrit la radioactivité de Pascale Hédelin et Capucine (Bayard Jeunesse, 2018)

Cette collection propose des portraits de scientifiques dans un format « roman première lecture » à partir de 8 ans. On y trouve également quelques pages documentaires sur le contexte de l’époque et les découvertes scientifiques et leurs conséquences. 

Marie Curie grandes vies GallimardMarie Curie d’Isabel Thomas et Anke Weckmann, collection « les grandes vies » (Gallimard jeunesse, 2018)

Un documentaire petit format aux illustrations mignonnes, mais aux explications quand même assez pointues et complètes. J’y ai découvert beaucoup de choses quand je l’ai lu avec les enfants. A partir de 8-9 ans. 

 

marie curie belinLe journal de Marie Curie de Gertrude Dordor et Daphnée Collignon (Belin Jeunesse, 2020). Chez un éditeur pédagogique et scolaire, la vie de Marie Curie sous la forme d’un journal de bord, de son enfance en Pologne jusqu’à ses prix Nobel et son engagement pendant la Première Guerre mondiale. Un roman illustré indiqué à partir de 9 ans. 

 

 

Marie curie ceux qui ont dit non

Marie Curie, non au découragement d’Elisabeth Motsch, collection « ceux qui ont dit non » (Actes Sud Junior, 2016). 

Dans la chouette collection « ceux qui ont dit non » dont je parlais ici, un court roman biographique qui est centré sur sa lutte pour se faire une place dans le milieu scientifique, malgré les cabales et le dénigrement constant des milieux traditionnels. A partir de 12 ans environ. 

 

marie et bronia

Marie et Bronia de Natacha Henry (Albin Michel Jeunesse, 2017). Existe aussi au format poche (le livre de poche jeunesse, 2019) et en livre audio (Audiolib, 2019). « En Pologne, suite à la mort de leur mère, Marie Curie et sa soeur Bronia décident de tout faire pour aller à l’université afin de réaliser leurs rêves, devenir chimiste et médecin. Mais les femmes n’y étant pas admises, elles font alors un pacte : Bronia part la première faire des études de médecine à Paris et, une fois installée, fait venir Marie pour que celle-ci suive des études à son tour. » Ce roman ado, donc, accorde beaucoup de places aux années de formation et souligne l’importance du soutien familial de Marie Curie, son père et le lien avec sa soeur Bronia. La seconde prend autant de place que la première et c’est intéressant de découvrir cette femme médecin, engagée et militante. Cependant, j’ai trouvé qu’il accordait un peu trop d’importance aux histoires d’amour par rapport aux recherches scientifiques des deux femmes. A partir de 12-13 ans. 

Vous pouvez aussi retrouver la vie de Marie Curie en BD, chez Faton (Marie Curie, la scientifique aux deux prix Nobel de Céka et Yigaël) ou chez Bayard (Marie Curie en BD d’Agnieska Biskup et Sonia Leong), une petite biographie dans la collection quelle histoire qui a été adaptée en courte vidéo disponible sur youtube, un petit roman policier qui met en scène deux enfants qui viennent en aide à Marie Curie (Menaces sur le trésor de Marie Curie d’Emmanuelle Kecir-Lepetit, Le Pommier, 2017), une biographie romancée pour ados de Xavier-Laurent Petit (Marie Curie, elle a découvert l’énergie nucléaire, école des loisirs, 2016). Et enfin, elle prend une place importante dans le film d’animation Dilili à Paris de Michel Ocelot (2018), parmi d’autres femmes ayant réellement existé, où elle vient en aide à l’héroïne. 

 

Les portraits d’autres femmes scientifiques :

Marie Curie prend une place énorme. Elle a tendance à être l’arbre qui cache la forêt, donc il me tenait à coeur de mettre en avant d’autres scientifiques, dont beaucoup que j’ai découvertes moi-même grâce à ces ouvrages à destination de la jeunesse. 

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Ces affiches sont téléchargeables gratuitement sur le site d’Elise Gravel et la première existe aussi en version à colorier

 

Je vous les présente par ordre chronologique approximatif. 

Hypathie d’Alexandrie (entre 355 et 270-415), philosophe, astronome et mathématicienne

hypatiaHypatia d’Arnulf Zitelmann, (école des loisirs, 1991)

Roman biographique de la philosophe et mathématicienne de l’Antiquité tardive. A partir de 12 ans environ.

 

Emilie du Châtelet (1706-1749), femme de lettres, mathématicienne et physicienne

passions d'emilieLes passions d’Emilie, la marquise du châtelet, une femme d’exception d’Elisabeth Badinter et Jacqueline Duhême (Gallimard jeunesse, 2006, épuisé)

Un album à partir de 6 ans. 

J’ai hésité à le mettre parce qu’il est épuisé, mais je n’ai rien trouvé d’autre sur Emilie du Châtelet et j’avais envie qu’elle figure dans cette liste. Vous le trouverez sans doute en bibliothèque. 

Sophie Germain (1776-1831), mathématicienne

rien n'arrête sophie

Rien n’arrête Sophie, l’histoire de l’inébranlable mathématicienne Sophie Germain de Cheryl Bardoe et Barbara McClintock (éditions des éléphants, 2018)

Un album biographique accessible dès 4 ou 5 ans, qui montre autant dans le texte que dans l’illustration que le langage mathématique peut être un poème, qui souligne le courage et l’obstination de Sophie Germain pour s’imposer dans un monde d’hommes et qui présente de manière simple et accessible ses découvertes. Sophie en parle ici. Etonnant que cette biographie d’une scientifique française soit une traduction d’un livre américain !

sophie germain la femme cachée des mathématiquesSophie Germain, la femme caché des mathématiques de Sylvie Dodeller et Julien Billaudeau (école des loisirs, 2020) 

Un roman biographique à partir de 12 ans. 

L’écriture de ce roman a provoqué chez Sylvie Dodeller des interrogations sur la place des femmes dans la science, et a créé un podcast, « Sophie Germain project« , une émission qui parle de la place des femmes dans les sciences. Pourquoi y a t-il si peu de filles dans les filières scientifiques comme les maths, la physique ou l’informatique ? Qu’est-ce qui les freine ? Comment les inciter à y aller ? Qu’est-ce que l’effet Matilda ? Pourquoi des scientifiques comme Sophie Germain, Ada Lovelace ou Lise Meitner ont-elles été oubliées, invisibilisées ? Des chercheur.e.s en histoire des sciences, histoire de l’éducation, sociologues et spécialistes du genre répondent à toutes ces questions et à bien d’autres au micro de Sylvie Dodeller.

Ada Lovelace (1815-1852), pionnière de la science informatique

ada lovelace kimane

Ada Lovelace de Maria Isabel Sanchez Vegara et Zafouko Yamamoto dans la collection Petite & Grande (Kimane, 2020)

Un album accessible dès 4 ans. 

 

opération lovelace

Opération Lovelace d’Emmanuelle Kécir-Lepetit (Le Pommier, 2018)

Dans la collection « les savantissimes », des petits romans à partir de 9 ans qui mettent en scène des enfants qui viennent en aide à des grands scientifiques. On me souffle cependant à l’oreille qu’ils sont souvent plus didactiques que romanesques… 

Voilà le résumé de celui-ci : Hiver 2025 : un virus géant a attaqué les systèmes informatiques occidentaux. Plus rien ne fonctionne. Au Pentagone, des experts internationaux tentent de trouver une solution, le Professeur Holmes est consulté. Selon lui il n’y a qu’une solution : revenir en arrière et réparer le mal à la source en empêchant l’invention de l’informatique, cause de tous leurs soucis. Un programme secret du département de défense américain, baptisé « Lovelace », permettrait de voyager dans le temps et de se transporter en 1943 à l’université de Philadelphie, où a été construit le premier ordinateur. Nancy, une jeune fille de 12 ans, après avoir franchi un tunnel spatio-temporel, se retrouve propulsée à Londres, début juillet 1843. Le programme s’est trompé de 100 ans… Elle rencontre Oliver, un autre enfant, mais surtout Ada Lovelace, pionnière du langage informatique et Charles Babbage inventeur de la machine à différence. Entre passé et futur, les aventures seront nombreuses et les deux enfants découvriront la vie et les recherches d’Ada Lovelace, mathématicienne et première programmeuse informatique, discipline apparue au milieu du 20ème siècle…

A noter qu’un titre lui avait déjà été consacré dès 1998, Ada de Lovelace et la programmation informatique de Jean-Paul Soyer (Sorbier, 1998, épuisé)

Sophie Kovaleskaia (1850-1891), mathématicienne

Un épisode du podcast « Sophie Germain Project » dont j’ai parlé un peu plus haut lui est consacré : « la mathématicienne Sophie Kovaleskaia, portrait d’une aventurière« , accessible aux ados. 

Joan Procter (1897-1931), herpétologue

joan procter

Joan Procter, la femme qui aimait les reptiles de Patricia Valdez et Felicita Sala (Cambourakis, 2018)

Un très bel album qui raconte la vie de cette spécialiste des reptiles, qui s’est en particulier occupée des dragons de Komodo du zoo de Londres. C’est cet album qui a donné envie à mon fils, passionné par les reptiles, de devenir herpétologue. 

 

Anita Conti (1899-1997), océanographe

Dans la collection « l’incroyable destin » qui a déjà publié les biographies de Marie Curie, Katherine Johnson et Dian Fossey va paraître en septembre 2021 l’incroyable destin d’Anita Conti de Fleur Daugey et Laura Pérez. 

Katherine Johnson (1918-2000), physicienne, mathématicienne et ingénieure spatiale :

Katherine Johnson nasaL’incroyable destin de Katherine Johnson, mathématicienne de génie à la Nasa de Pascale Hédelin et Javi Rey (Bayard, 2020)

Un petit roman avec des pages documentaires, à partir de 8-9 ans. 

 

 

combien de pas jusqu'à la lune

Combien de pas jusqu’à la lune de Carole Trébor (Albin Michel Jeunesse, 2019)

Un roman pour ados très chouette (malgré quelques longueurs) qui insiste surtout sur son enfance et ses années de formation, sa passion pour les mathématiques partagée avec son père et qui reste un lien entre eux, les discriminations et le racisme auquel elle doit faire face. A partir de 12-13 ans. 

 

figures de l'ombreLe film de Theodore Melfi, les figures de l’ombre (2016) met en avant trois scientifiques noires ayant travaillé pour la Nasa, Katherine Johnson, mais aussi Dorothy Vaughan (qui devient responsable du département de calculs informatiques de la NASA) et Mary Jackson (première Afro-Américaine ingénieure en aéronautique). Ce film a joué un rôle important dans la mise en avant de ces femmes qui avaient été invisibilisées. Si ce n’est pas à proprement parler un film pour les enfants, il peut parfaitement être vu avec des ados.  

 

Rachel Carson (1907-1964), biologiste marine et militante écologiste

rachel carsonRachel Carson, non à la destruction de la nature d’Isabelle Collombat, dans la collection ceux qui ont dit non (Actes Sud Junior, 2021). Ce court roman parle de sa carrière scientifique, mais aussi de son engagement écologiste, dénonçant l’empoisonnement de la planète par l’industrie chimique, les pesticides et tout ce qui se déverse dans la nature. C’est le second roman de cette collection consacré à une scientifique, après celui sur Marie Curie présenté un peu plus haut. Pour ados à partir de 12 ans. 

 

Dian Fossey (née en 1932), primatologue

dian fossey kimane

Dian Fossey d’Isabel Sanchez-Vegara et Alessandra De Cristofaro dans la collection Petite & Grande (Kimane, 2018)

Dès 4 ans. 

 

 

dian fossey bayardL’incroyable destin de Dian Fossey, une vie à étudier les gorilles de Jean-Baptiste de Panafieu et Claire de Gastold (Bayard Jeunesse, 2019).

A partir de 8-9 ans. Dans la même collection, on trouve également Marie Curie et Katherine Johnson. Cela fait donc 1/3 de femmes dans la collection, ce qui est plus que ce que l’on trouve en général…

 

dian fossey a dos d'ane

Dian Fossey, l’ange gardien des gorilles de Brigitte Hache et Hypathie Aswang (A dos d’âne, 2020)

A partir de 8 ans. Une partie récit et un dossier documentaire.

Cet éditeur propose de nombreuses biographies, de personnes engagées, de scientifiques, d’artistes, etc. Mais leurs livres sont malheureusement rapidement épuisés, ce qui explique que je ne les ai pas plus cité dans mes articles. 

sur la trace des grands singes

Sur les traces des grands singes avec Jane Goodall, Dian Fossey et Biruté Galdikas de Jim Ottaviani & Maris Wicks (Ecole des loisirs, 2016)

Une bande dessinée accessible dès 7 ans qui présente le travail et les observations des grands singes de Jane Goodall (chimpanzés), Diane Fossey (gorilles) et Biruté Galdikas (orang-outang). 

 

Jane Goodall (née en 1934), éthologue, spécialiste des chimpanzés

petite fille aux singes

La petite fille aux singes, l’enfance incroyable de Jane Goodall de Patrick McDonnell (De la marinière jeunesse, 2013)

Cet album accessible dès 4 ans, met en scène l’enfance de Jane Goodall, passionnée par la nature, l’observation des petites bêtes de son jardin, sa passion pour l’Afrique, dès l’enfance. L’album s’achève sur une photographie de Jane Goodall adulte, qui a réalisé son rêve d’enfance. On y trouve des dessins d’enfance de Jane, quand elle était à la tête de la « Société des Alligators », des gravures naturalistes et le dessin très doux de Patrick MacDonnell. Un album très émouvant, un coup de coeur pour moi. 

jane goodall quelle histoire

Jane Goodall de Noémie Arnaud (Quelle histoire, 2020)

Dans cette collection de biographies, à partir de 6 ans, un portrait de Jane Goodall. A petit prix (5 euros). Ils en ont fait une vidéo visible ici

 

 

jane goodall odyssées

Le super podcast les Odyssées consacre deux épisodes à Jane Goodall. C’est par ces épisodes que nous avons découvert ce podcast, et mes enfants se sont passionnés pour cette histoire. A partir de 5-6 ans.

 

sur la trace des grands singes

Sur les traces des grands singes avec Jane Goodall, Dian Fossey et Biruté Galdikas de Jim Ottaviani & Maris Wicks (Ecole des loisirs, 2016)

Une bande dessinée accessible dès 7 ans qui présente le travail et les observations des grands singes de Jane Goodall, Diane Fossey et Biruté Galdikas. 

 

 

 

ma vie avec les chimpanzés

Ma vie avec les chimpanzés de Jane Goodall (école des loisirs, 1e édition 1989,  réédité en juin 2021)

Jane Goodall a elle-même écrit une autobiographie pour les ados à partir de 11 ans où elle raconte son parcours depuis les petits boulots de Bournemouth jusqu’à la réserve de Gombe et sa rencontre avec les chimpanzés.

 

 

 

Un film documentaire, Jane, a été réalisé en 2018 par le National Geographic, à partir d’images d’archives. Je ne sais pas si le film entier est adapté aux enfants, mais en tout cas on peut regarder avec eux quelques extraits visibles sur Youtube, ici ou par exemple. 

Un titre consacré à Jane Goodall existe également dans la collection Petite & Grande aux éditions la courte échelle (Jane Goodall de Maria Isabel Sanchez Vegara et Beatrice Cerocchi, Courte échelle, 2019). Ce sont des éditions canadiennes. En attendant que le titre soit peut être repris chez Kimane, il semble qu’il est distribué en France. 

 

Biruté Galdikas (née en 1946), primatologue

sur la trace des grands singes

Sur les traces des grands singes avec Jane Goodall, Dian Fossey et Biruté Galdikas de Jim Ottaviani & Maris Wicks (Ecole des loisirs, 2016)

Dans ce livre déjà cité plus haut pour Dian Fossey et Jane Goodall, on découvre les recherches de Biruté Galdikas sur les orang-outangs. 

 

Les fictions autour des filles et de la science :

J’avais envie de vous parler ici de livres qui ne mettent pas en scène des scientifiques ayant réellement existé, mais qui utilisent la fiction pour présenter des procédés scientifiques, pour parler de la place des femmes en science. 

comment fabriquer grand frèreComment fabriquer son grand frère ? un livre d’anatomie et de bricolage d’Anais Vaugelade (école des loisirs, 2016)

Dans cet album très grand format, Zuza, héroïne récurrente d’Anais Vaugelade, a décidé de se fabriquer un grand frère. C’est donc le prétexte d’un documentaire sur le corps humain et ce qui le compose, mais aussi, je trouve, une bonne première approche de la méthode scientifique : Zuza expérimente, rate, recommence, fait des recherches pour comprendre pourquoi elle s’est trompée. Et la science est également présenté comme un travail d’équipe puisqu’elle est aidée du crocodile et de ses jouets. 

L’éditeur le conseille à partir de 7 ans mais mon fils s’est passionné pour ce livre dès 3 ans 1/2 (et a joué à la rotule et à la cupule pendant des semaines). 

effet matildaL’effet Matilda d’Ellie Irving (Castelmore, 2017). Existe aussi en version adaptée aux dyslexiques (Castelmore, 2018). A partir de 10 ans. 

Matilda, douze ans, adore les sciences ! Ses héros sont Léonard de Vinci et Marie Curie, et elle passe son temps à imaginer et à fabriquer des inventions géniales. Elle est donc stupéfaite d’apprendre que sa grand-mère était une astrophysicienne, et qu’elle a autrefois découvert une planète ! Mais son odieux chef le professeur Smocks s’est attribué cette extraordinaire trouvaille… Pour Matilda, il est hors de question de le laisser s’en tirer et gagner un prix Nobel. Elle fera éclater la vérité ! Elle n’a que deux jours pour embarquer Mamie Joss dans un voyage loufoque et épique jusqu’en Suède… 

Avec ce jeu de mot, ce roman évoque un souci très réel en sciences, l’effet matilda, qui désigne désigne le déni ou la minimisation récurrente et systémique de la contribution des femmes scientifiques à la recherche, dont le travail est souvent attribué à leurs collègues masculins (on en parle souvent pour les scientifiques Rosalind Franklin ou Lise Meitner). La grand-mère de Matilda est inspirée de Jocelyn Bell, connue pour sa découverte du premier pulsar, pour laquelle c’est son directeur de thèse Antony Hewish qui obtient le prix Nobel.

Une chouette présentation de ce roman par Lucie Kosmala ici

Je tiens cependant à indiquer que Castelmore appartient aux éditions Bragelonne dont le directeur de publication et le cofondateur, Stephane Marsan, est accusé de « remarques et de gestes inappropriés, à connotation sexuelle, dans un cadre professionnel« . Plusieurs autrices ont demandé une enquête interne, sans suite à ce jour, à ma connaissance.  

calpurniaCalpurnia de Jacqueline Kelly (école des loisirs, 2013). 

Calpurnia Tate a onze ans. Dans la chaleur de l’été, elle s’interroge sur le comportement des animaux autour d’elle. Elle étudie les sauterelles, les lucioles, les fourmis, les opossums.
Aidée de son grand-père, un naturaliste fantasque et imprévisible, elle note dans son carnet d’observation tout ce qu’elle voit et se pose mille questions. Pourquoi, par exemple, les chiens ont-ils des sourcils ? Comment se fait-il que les grandes sauterelles soient jaunes, et les petites, vertes ? Et à quoi sert une bibliothèque si on n’y prête pas de livres ?
On est dans le comté de Caldwell, au Texas, en 1899. Tout en développant son esprit scientifique, Calpurnia partage avec son grand-père les enthousiasmes et les doutes quant à ses découvertes, elle affirme sa personnalité au milieu de ses six frères et se confronte aux difficultés d’être une jeune fille à l’aube du XXe siècle. Apprendre la cuisine, la couture et les bonnes manières, comme il se doit, ou se laisser porter par sa curiosité insatiable ? Et si la science pouvait ouvrir un chemin vers la liberté ?

Un roman ado (à partir de 11-12 ans) qui a reçu le prix sorcière en 2014 et dont je n’ai entendu que du bien. L’autrice l’a également déclinée en série pour les plus jeunes (Calpurnia, apprentie vétérinaire), à partir de 8 ans. Et le roman a également été adapté en BD, chez Rue de Sèvre, par Daphné Collignon. 

 

Et en sciences humaines ? 

Jusque là on a parlé de sciences dites dures. Mais trouve-t-on des livres sur les chercheuses en sciences humaines ? Alors là, c’est le désert quasi absolu. A moins que des références m’aient échappées.

J’ai trouvé deux livres de la collection « les petits Platons » (collection qui fait découvrir les grand·es philosophies aux enfants à partir de 9 ans) sur des femmes philosophes. La première, c’est la politologue et philosophe Hannah Arendt (1906-1975)

petit théâtre de Hannah Arendt

Le petit théâtre de Hannah Arendt, raconté par Marion Muller-Colard et illustré par Clémence Pollet (les petits Platons, 2014)

En 1975 alors qu’elle travaille à La vie de l’esprit, Hannah Arendt reçoit la visite de la petite fille qu’elle a été. La petite Hannah la suppliant de lui raconter une histoire, elles investissent toutes les deux une scène de théâtre et convoquent Aristote pour écouter son enseignement sur l’espace public et la Cité.

Un autre livre est consacré à Hannah Arendt aux éditions A dois d’âne, mais il est épuisé : Hannah Arendt transforme le monde de Yan Marchand et Anastassia Elias (A dos d’âne, 2017)

La seconde, c’est la philosophe et théologienne Edith Stein (1891-1944)

secret d'edith stein

Le secret d’Edith Stein raconté par Marguerite Léna et Bénédicte Bouillot et illustré par Anne-Lise Boutin (Les petits Platons, 2016)

Edith Stein explore un mystérieux château qui n’est autre que son propre pays intérieur. Une invitation à découvrir la pensée de la phénoménologue à destination des enfants.

 

Si je n’ai pas trouvé de livres consacrés à des femmes chercheuses en sciences humaines, certaines d’entre elles ont elles-mêmes publié pour la jeunesse. Malheureusement les livres que j’ai repéré sont souvent épuisés…

histoire des femmesMichelle Perrot (née en 1928) , historienne, a répondu aux questions de deux collégiennes dans il était une fois… l’histoire des femmes : Michelle Perrot répond aux questions d’Heloïse et Oriane (Lunes, 2001). 

Voici donc une discussion entre deux jeunes adolescentes et Michelle Perrot, professeur émérite d’histoire contemporaine de l’Université Paris VIII, réputée pour ses ouvrages et son combat en faveur de l’histoire des femmes. Ici, Michelle Perrot, en grande pédagogue, se prête volontiers aux questions des deux jeunes filles, à leurs interrogations actuelles sur le sport, les métiers ou encore les top-models. L’universitaire apporte des réponses simples et surtout resitue ce long combat et la place des femmes dans notre société actuelle.

héritier différence des sexesFrançoise Héritier (1933-2017) , anthropologue, au publié chez Bayard Jeunesse en 2010 un livre intitulé la différence des sexes destiné aux ados. Ce titre est désormais épuisé, mais il a été réédité en 2019, cette fois dans une collection pour adultes, avec le résumé suivant : C’est en fait un condensé de son oeuvre, accessible à tous, que Françoise Héritier nous offre ici. Les différences objectives entre les sexes entraînent-elles des différences d’aptitudes, des différences dans le domaine juridique, professionnel, et la domination d’un sexe sur l’autre ? Ses différences sont-elles naturelles ou culturelles ? Une leçon limpide sur l’égalité entre hommes et femmes, loin d’être acquise dans le monde et même dans nos sociétés. Je le mets quand même ici, puisqu’il a été conçu pour les ados à l’origine. Mais il démontre quelque chose dont je suis persuadée depuis longtemps : les documentaires pour enfants et ados sont aussi une excellente porte d’entrée pour les adultes qui veulent aborder un domaine qu’ils ne connaissent pas bien. 

pourquoi les richesMonique Pinçon-Charlot (née en 1946), sociologue, a écrit avec son mari Michel, pourquoi les riches sont-ils de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvre ?, un documentaire pour les enfants à partir de 9-10 ans illustré par Etienne Lécroart et publié aux éditions La ville brûle (1e édition 2014, réédité dans une version enrichie en 2018) : Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon expliquent les mécanismes et les enjeux du monde social. Cette opération de dévoilement permettra aux jeunes (et aux moins jeunes) lecteurs de dépasser le stade du ressenti pour accéder à la compréhension des déterminismes sociaux qui entrent en jeu : les riches, les pauvres oui, c’est injuste… mais pas seulement ! Pourquoi les riches sont-ils de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres ? s’attaque aux mécanismes de la domination sociale. Qu’est-ce qu’une classe sociale ? À quoi reconnaît-on les riches ? Que font-ils avec leur argent et pourquoi ne le partagent-ils pas avec ceux qui manquent de tout ? A-t-on besoin des riches ? 20 questions pour rendre compte d’une réalité sociale complexe sont croquées ici avec finesse et humour par l’illustrateur Étienne Lécroart. 

 

Voilà qui vous donne un peu de lecture ! N’hésitez pas à donner en commentaire des titres que j’aurais oublié ou pas trouvé, j’ai essayé d’être exhaustive, mais ce n’est pas simple !

Ces livres qui ont attiré mon attention… #1

Très souvent, en fouinant sur un site d’éditeur ou en librairie, ou au boulot, je tombe sur un livre dont je me dis « celui-là, il faudrait que je le regarde de plus près/il faudrait que j’en parle sur le blog ». Souvent, j’en prends quelques photos à la va-vite, et j’en parle sur twitter, mais j’aimerais en garder une trace plus durable.

Alors j’ai décidé d’en faire une nouvelle série d’article ici. Je reviendrai parfois sur certains de façon plus détaillée par la suite, d’autre non (les journées n’ont que 24h, tout ça tout ça).

Je précise donc, avant de commencer, que je n’ai en général pas lu ces livres en détail. J’en ai vu la couverture, un résumé, quelques mots, ou je l’ai parcouru rapidement.. Je ne peux donc pas garantir qu’ils ne soient pas décevant. Mais je suis sûre que beaucoup seront des pépites. Si vous les avez lu, vu, en avez parlé sur votre blog, n’hésitez pas à m’en parler dans les commentaires !

 

Si vous vous intéressez à la littérature jeunesse antisexiste, vous avez sans doute remarqué la publication en français du livre d’Elena Favilli et Francesca Cavallo, histoires du soir pour filles rebelles (les Arènes, 2017).

histoires du soir pour filles rebelles

 

J’en avais déjà entendu parlé lors de sa publication en anglais, grâce à cette vidéo que je trouve très parlante, malgré sa visée publicitaire, pour montrer les stéréotypes toujours présents dans la littérature jeunesse aujourd’hui :

Il a aussi bénéficié de pas mal de presse au moment de sa publication en français, dont cet article dans Libération. Je serais très curieuse de le découvrir, en ayant entendu beaucoup beaucoup de bien et j’adhère à son ambition de «Rêvez plus grand, visez plus haut, luttez plus fort. Et, dans le doute, rappelez-vous : vous avez raison.». Je reste cependant dubitative sur son titre et ce « pour fille » genré, quand bien même elles sont rebelles, contre lequel je m’insurge dans la littérature jeunesse.

 

Un documentaire pour pré-ados et ados sur les règles, par Elise Thiébaut qui a déjà publié, pour adultes, Ceci est mon sang, Petite histoire des règles, de celles qui les ont et de ceux qui les font (la Découverte, 2017) et illustré par Mirion Malle, dont vous connaissez sans doute le blog, Commando Culotte. Et en plus, c’est publié par la ville brûle, maison d’édition engagée, qui a déjà publié de chouettes albums.

les règles quelle aventure

Voilà ce qu’en dit l’éditeur !

« Les règles, les ragnagnas, les affaires ou les machins… Une fois par mois environ, les filles et les femmes entre 12 et 52 ans saignent pendant quelques jours mais on n’en parle jamais, alors même que cela concerne la moitié de l’humanité.

Les règles ont longtemps été un instrument qui a permis d’opprimer les femmes et de leur donner l’impression qu’elles étaient impures et capables de moins de choses que les hommes. Les règles sont donc un véritable enjeu féministe auquel il n’est jamais trop tôt pour s’intéresser…

Parler des règles, c’est aussi parler du patriarcat, de sexualité, de religion… Dans Les règles… quelle aventure !, Elise Thiébaut et Mirion Malle abordent le sujet avec humour, de façon décomplexée et décalé, avec de solides références culturelles, mythologiques, médicales et féministes pour piquer la curiosité et enrichir la connaissance des préados et ados, filles et garçons. »

 

Encore un documentaire, mais pour les petits cette fois, repéré par Beatrice Kammerer, Zizi et zezette de Camille Laurans et Jess Pauwels (Milan, 2017)

zizi zezettes 1

Ce documentaire destiné aux 3-6 ans parle simplement des sexes aux enfants (et si le titre parle de zizi et zezette, les mots pénis et vulve sont également utilisés), et aussi d’érection, de masturbation. Béatrice Kammerer en a parlé sur son compte Facebook, et je lui emprunte ces quelques photos :

Les près de 350 commentaires qui s’accumulent sous son post Facebook montrent bien la difficulté qu’il y a encore à parler aux enfants de leur sexe.

 

Un album sur l’homoparentalité, les papas de Violette d’Emilie Chazerand et Gaelle Souppart (Gautier-Languereau, 2017).

papas de violette

Violette, face aux moqueries homophobes de ses camarades de classes, parle de sa vie avec ses deux papas, de la manière dont ils prennent soin d’elle, de ce qu’elle partage avec eux. Vous pouvez en voir plus ici. Personnellement, j’ai trouvé le propos un peu trop appuyé, mais il a l’intérêt de mettre en scène des humains réalistes, et il est utile si vous cherchez un album concret et réaliste sur la question.

 

Encore un album, overdose de rose de Fanny Joly et Marianne Barcilon (Sarbacane, 2017), sur les stéréotypes de genre, et une petite fille qui grandit sous cloche, sous une avalanche de rose, surprotégée par ses parents.

overdose de rose

Madame Machin-Chose a enfin une fille, après 6 garçons. Cette fille, qu’elle appelle Rose, sera forcément douce, calme, obéissante, gentille, mignonne, choupignonne, trognonne. Rose grandit sous cloche, ravissante et bien coiffée. Jusqu’au jour où…

J’ai été surprise de voir un album antisexiste illustré par Barcilon que j’associais justement un peu aux princesses roses bonbons. Mais je l’ai trouvé, en le parcourant rapidement, plutôt chouette, et abordant beaucoup de sujets : l’éducation genrée et la prédominance du rose, mais aussi la volonté de surprotéger les filles, l’importance qu’on porte à leur apparence, etc.

 

Et enfin, avec Dur·e·s à cuire, 50 athlètes hors du commun qui ont marqué le sport (Cambourakis, 2017), dans lequel il met en avant 25 femmes et 25 hommes hors du commun, Till Lukat est, à ma connaissance, le premier à utiliser l’écriture inclusive dans le titre d’un livre pour enfants (et ça ne m’étonne pas que ce soit chez Cambourakis !). Il avait déjà publié, chez le même éditeur, Dures à cuire, 50 femmes hors du commun qui ont marqué l’histoire en 2016.

dur-e-s à cuire