Adela Turin

Quels albums jeunesse pour questionner les normes genrées ?

Mercredi 30 mars, j’ai assisté à la librairie le monte en l’air à la rencontre “Quels albums jeunesse pour questionner les normes genrées ? Etats des lieux et perspectives” avec Sarah Ghelam, chercheuse en littérature jeunesse, Isabelle Cambourakis, directrice de la collection « Sorcières », et Elsa Kedadouche, éditrice chez « On ne compte pas pour du beurre ». En voilà un petit compte-rendu. 

C’est Sarah Ghelam qui est à l’initiative de cette rencontre. Après un mémoire sur la Représentation des personnages enfantins non blancs dans les albums jeunesse publiés en France entre 2010 et 2020, elle travaille actuellement sur les albums qui questionnent les normes de genre. Elle englobe dans cette dénomination à la fois les albums qui subvertissent les normes genrées, mais aussi ceux qui représentent des désirs non normatifs. Elle a récemment travaillé à l’élaboration d’une liste la plus exhaustive possible de ces albums et est arrivée à une liste d’environ 220 albums, disponible ici

C’est suite à ce travail qu’elle a organisé cette rencontre “pour qu’on puisse mettre en avant la production existante oui, mais surtout pour qu’on puisse avoir un regard critique sur cette production, mettre en avant les nouvelles propositions éditoriales, et discuter de quels albums publier pour subvertir les normes.”

Elle a commencé par parler du matrimoine des albums jeunesses féministes. Dans les années 1970 des militantes montent des structures pour pouvoir s’éditer elles-mêmes et éditer des albums jeunesses féministes. C’est le cas de la collection du côté des petites filles ou du collectif pour un autre merveilleux qui aboutira à la création des éditions du sourire qui mord. Certains de ces titres seront réédités par la suite. On peut citer les albums d’Adela Turin réédités dans les années 90-2000 chez Actes Sud Junior, les rééditions des albums de Christian Bruel, dont l’histoire de Julie qui avait une ombre de garçon chez Thierry Magnier autour de 2012 ou les rééditions des premiers albums d’Agnès Rosenstiehl par la ville brûle. Certains de ces titres ont été en partie réécrits ou retraduits, pour d’autres c’est une réédition à l’identique.

(Pour aller plus loin sur cette période passionnante, vous pouvez aller lire l’article de Sarah Ghelam sur Adela Turin et la collection “du côté des petites filles” et mon article sur deux albums de cette collection ; mon article sur l’histoire de Julie qui avait une ombre de garçon et ses différentes éditions, le mémoire de Caroline Hoinville sur les albums pour enfants des maisons d’édition des femmes et le sourire qui mord et mon article sur le travail de réécriture des albums d’Agnès Rosenstiehl). 

Après cette période d’effervescence, on trouve des albums plus isolés dans les années 1980 et 90. Il faut citer la princesse Finemouche de Babette Cole (1986) par exemple, ou le papa qui avait dix enfants de Bénédicte Guettier (1997). Et en 2005 sont créées les éditions Talents Hauts qui a pour volonté affichée de lutter contre les stéréotypes sexistes. C’est cette maison d’édition qui est la plus représentée dans la liste élaborée par Sarah Ghelam, avec 45 titres. 

Comment, aujourd’hui, la collection Sorcière et les éditions on ne compte pas pour du beurre se positionnent par rapport à ce matrimoine ? Comment travaillent-elles et quels sont leurs choix ? 

comme un million de papillons noirsIsabelle Cambourakis est directrice de la collection Sorcières mais aussi institutrice en maternelle. Sa collection est à l’origine une collection d’essais destinés aux adultes, et dans laquelle il y a une réflexion sur le matrimoine, une volonté d’inscrire la collection dans une généalogie féministe. Elle a fait des recherches sur les luttes féministes des années 70, et en particulier sur l’écoféminisme et réédité (ou édité pour la première fois en français) des textes de ces années-là. Pour les titres jeunesse de la collection, les choses se sont faites différemment : ce n’est pas partie de la volonté de constituer un corpus mais cela a commencé par la proposition de Laura Nsafou de publier Comme un million de papillons noirs. Ce livre, après une première parution dans une petite maison d’édition associative (Bilibok), avait été refusé par de nombreux éditeurs jeunesse. Isabelle Cambourakis a décidé de l’éditer dans sa collection. Ainsi, en jeunesse, elle se demande plutôt “qu’est-ce qu’il faut éditer aujourd’hui ? qu’est-ce qui manque ?”. Et pour la collection Sorcière, le choix se porte sur des albums féministes mais aussi sur la question de la représentation des personnages non blancs. Avec pour objectif de les représenter aujourd’hui, ici, sans exotisation, en sortant des représentations stéréotypées du type Kirikou. 

En dehors de la collection Sorcière, les éditions Cambourakis éditaient déjà des albums jeunesse, essentiellement des traductions, beaucoup de pays du nord, ce qui apportait déjà une ouverture à d’autres formes de représentations, sans que ce soit une politique claire. Et il y a une porosité certaine entre la collection sorcière et le reste de la maison. Ainsi, la princesse et le poney de Kate Beaton (2015), s’il ne présente pas de discours antisexiste flagrant, propose des représentations qui sont une autre façon de passer le message. On peut aussi citer la série Carl et Elsa de Jenny Westin Verona et Jesus Verona qui met en scène des jeux d’enfants et bouscule les stéréotypes sans que ce soit le sujet. 

amoureuse de simoneChez On ne compte pas pour du beurre, la question du matrimoine intéresse mais dans un premier temps, l’objectif est plutôt de trouver les voix du présent. C’est une maison d’édition associative portée par un collectif dont les membres sont majoritairement lesbiennes et pour plusieurs d’entre elles racisées. Elles sont parties du constat que les représentations de lesbiennes étaient rares, ou alors que c’était LE thème de l’album. Elles ont souhaité faire des livres pour leurs enfants, avec ces représentations manquantes. Les représenter non pas dans des albums dont c’est le thème, mais dans des situations banales, des histoires. Les voir exister simplement. Par exemple dans leur album l’amoureuse de Simone d’Elsa Kedadouche et Amélie-Anne Calmo, le sujet n’est pas qu’elles soient noires ou lesbiennes, c’est juste un histoire d’amour. Les éditrices ont envie d’aller vers des créateurs et créatrices concernées, et de leur donner de la légitimité. Le fait que ce soit une activité bénévole, une association, leur donne de la liberté. 

Sarah Ghelam souligne alors que comme dans les années 70, il faut créer des espaces pour des albums qui ne peuvent pas exister ailleurs, qui ne sont pas publiés dans des maisons d’édition jeunesse plus classiques. 

Elle demande ensuite aux deux intervenantes leur avis sur la production éditoriale jeunesse existante. 

Isabelle Cambourakis dit qu’elle ne voit pas tout ce qui sort, mais elle trouve que ça change en ce moment. Qu’il y avait des manques sur certains sujets, et que ça s’améliore un peu. Mais elle constate une certaine uniformité dans la façon d’illustrer : illustrateurs et illustratrices sortent tous et toutes des mêmes écoles d’art, ce qui aboutit à une uniformisation du style des albums. Et il est difficile de trouver des albums qui sortent de cette esthétique. Les personnes qui les éditent sont issus des mêmes formations. C’est aussi une question de classe : tout ce monde vient d’un milieu bourgeois. Cela joue aussi sur les sujets abordés : les maisons de vacances à la campagne par exemple. C’est compliqué pour que ça bouge, il faut que ça évolue dans les structures éditoriales et les écoles d’art, qu’elles intègrent des profils différents. Cela induit aussi de réfléchir à notre regard de lectrices et de médiatrices du livre : on ne peut pas disqualifier certaines illustrations par biais de classe. En 2019, la revue des livres pour enfants a consacré un dossier à comme un million de papillons noirs de Laura Nsafou et Barbara Brun, le comité de lecture de la revue s’est interrogé sur les raisons pour lesquelles ils ne l’ont pas sélectionné et ce qui est ressorti ce sont les “illustrations, qui nous avaient semblé trop caricaturales”. Et effectivement il sort de cette esthétique de l’album jeunesse, il fait plus commercial. (le dossier “l’effet papillon noir” est disponible ici, et je vous recommande le reste du numéro intitulé “stéréotypes, fin de partie ?”). Mais dans les classes, il y a besoin de livres qui parlent à tous les enfants, pas seulement à ceux qui partagent les codes et les références de l’édition jeunesse. Elle cite l’article de Cécile Boulaire “des albums pour toutes les classes (sociales) ?” qui revient justement sur ces questions. Je l’ai trouvé passionnant, et je me permets de vous en donner deux extraits : 

les journalistes qui écrivent dans les magazines, les critiques littéraires, les universitaires qui s’intéressent aux livres pour enfants – les enseignants et les bibliothécaires qui les achètent, les libraires qui les mettent en avant, et allons-y, les artistes qui les créent et les éditeurs qui les publient, tous appartiennent au même milieu. Ils ont donc les mêmes attentes, les mêmes critères, ils sont dépaysés par les mêmes esthétiques, stimulés par les mêmes thématiques, touchés par les mêmes émotions. Ils partagent les mêmes idées, les mêmes valeurs. Je ne devrais pas dire « ils » : nous partageons goûts, valeurs et habitus sociaux.

“les enfants de milieu défavorisé ont des livres à la maison, mais ils ne les retrouvent pas dans le « coin lecture » de la classe de maternelle : ce ne sont pas les mêmes corpus valorisés à l’école et à la maison. Oui, les enfants dont les parents sont peu diplômés entendent des histoires à la maison, mais ce n’est malgré tout pas la même manière de raconter que celle qui se pratique à l’école ; cela ne construit pas le même profil d’enfant lecteur. Et au bout du compte, les différences perdurent, qui se traduiront souvent en inégalités de réussite.”

Elsa Kedadouche demande aux libraires s’ils ont des livres avec des familles homoparentales, ou un personnage LGBT. Et à ce sujet elle fait une différence entre Paris et la province. En dehors de Paris, peu de libraires peuvent répondre. Quand on lui répond, c’est souvent “ah oui j’ai un livre qui parle des différentes sortes de familles”. Ou depuis peu, on propose mes deux mamans de Bernadette Green et Anna Zobel (Talents hauts). Mais il est rare qu’une librairie propose plus de deux références, ou des histoires où l’homoparentalité n’est pas le sujet. 

Sarah Ghelam souligne que ces livres sont parfois absents par méconnaissance, Qu’ils ne sont pas toujours bien diffusé. D’où l’intérêt de diffuser la liste qu’elle a réalisé. Sur la représentation des enfants non blancs, elle constate qu’ils apparaissent le plus souvent dans trois types d’histoires : 

  • les albums sur la différence où un personnage blanc apprend à accepter des personnes différentes. L’enfant non blanc est un personnage secondaire, l’histoire n’est pas de son point de vue. Le racisme, la couleur de peau ne sont pas abordées, si l’enfant non blanc est différent, c’est en raison d’un trait de caractère ou d’une caractéristique autre.  
  • les albums qui baignent dans l’exotisation, à la Kirikou
  • les albums avec un personnage non blanc, sans que ça change quoi que ce soit à l’histoire, sans marquage culturel. 

demeure du cielPour elle, le premier album à proposer une histoire avec un enfant non blanc dont le sujet n’est pas le racisme, mais avec un marquage culturel clair (vêtements, recette de gâteau, etc), c’est la demeure du ciel de Laura Nsafou et Ogla Guillaud, publié justement dans la collection Sorcière chez Cambourakis, et donc pas dans une maison d’édition jeunesse traditionnelle. 

Elle cite la thèse de Julie Fette (“Gender in Contemporary French Children’s Literature: The Role of Talents Hauts”, Children’s Literature Association Quarterly, vol. 43 no. 3, 2018, p. 285-306) sur les éditions Talents Hauts qui démontre que la plupart de leurs albums suivent la même structure narrative : un personnage est coincé dans un système très sexiste, et rencontre un obstacle et réussit à le surmonter. Mais il n’y a pas de remise en cause fondamentale du système. Par exemple, dans Longs cheveux de Benjamin Lacombe, la chute est qu’une fille le trouve beau avec ses cheveux longs : on reste dans la norme hétérosexuelle, c’est l’approbation de cette petite fille qui “valide” la “différence”.

De plus, cela aboutit souvent à une dépréciation de ce qui est considéré comme féminin. Dans la princesse qui pue qui pète de Marie Tibi et Thierry Manès (Casterman, 2020), par exemple,  le rose, les licornes, les barrettes ou les cœurs sont dépréciés. Le “moi je ne suis pas une fille comme les autres” devient une collection de stéréotypes sur ce que sont d’habitudes les filles. De plus, ça aborde parfois les stéréotypes de genre, certes pour les dénoncer, avant même que les enfants aient conscience de leur existence. Elle est ainsi dubitative sur la création d’une collection pour les tout-petits chez Talents Hauts, “Badaboum, par terre les clichés” qui propose des albums tout cartonnés. D’après son expérience d’animatrice, elle trouve que les enfants ont vraiment intégré les stéréotypes sexistes en milieu de primaire et qu’il n’est pas forcément pertinent d’aborder le sujet avant. Elsa Kedadouche souligne que sa fille lève les yeux au ciel quand on lui présente un album qui déconstruit ouvertement les clichés et qu’il faut désormais aller plus loin. 

(je n’étais pas vraiment d’accord sur cette partie. J’ai trouvé dans mon entourage familial et professionnel que les normes de genres étaient imposées très tôt et violemment aux enfants et que beaucoup de stéréotypes étaient déjà intégrés dès l’école maternelle. Et si je suis d’accord qu’on ne peut pas se contenter d’albums que j’appelle “manifeste” qui déconstruisent ouvertement les clichés, je pense qu’ils ont leur importance pour pouvoir parler explicitement des choses, servir de support d’échange. Je pense que des tout-cartons qui déconstruisent les stéréotypes peuvent au moins faire réfléchir les adultes qui les lisent. Et si mes enfants lèvent aussi les yeux au ciel en me disant “on sait maman, tu nous l’a déjà dit 1000 fois” quand je leur dit que le rose c’est pas que pour les filles, pourtant j’ai vu qu’avant de faire quelque chose qui va contre les normes de genre, comme mettre des barrettes pour aller à l’école, mon fils va ressortir ces albums là, les relire, s’en servir de moyen de réassurance). 

je m'appelle JulieSarah Ghelam observe aussi la tendance de certains albums à ne présenter des personnages LGBT que comme chute de l’album. C’est le cas par exemple de Tourmaline de Davide Cali et Fatinha Ramos (Alice Jeunesse, 2021) : le chevalier est finalement une chevalière. Sur les questions LGBT, elle déplore aussi que les albums avec des personnages LGBT présentent souvent des expériences très douloureuses. Par exemple dans je suis Camille de Jean-Loup Felicioli, premier album jeunesse avec une héroïne trans, on sait dès le début de l’album que Camille a des souvenirs douloureux, et dans un passage elle envisage le suicide. Elle se réjouit donc particulièrement de la sortie l’album je m’appelle Julie de Caroline Fournier et Laurier the Fox le 27 mai aux éditions on ne compte pas pour du beurre, un album beau et joyeux, qui met en scène la joie d’être respectée dans son identité. Il manque encore d’albums comme celui-ci ou comme Julian au mariage de Jessica Love (Pastel, 2021) qui se déroule lors d’un mariage lesbien, sans que ce soit le sujet de l’album. 

Quand on les interroge, justement, sur ce qu’il manque encore, ce qu’il reste à faire et à proposer dans l’édition jeunesse, et sur leurs projets à venir, voilà leurs réponses : 

Hilda et la princesseIsabelle Cambourakis dit que toute une veine d’albums antisexistes présentent une héroïne qui se distingue, qui devient une femme avec plein de pouvoir, avec comme sous-texte “toi aussi tu peux devenir une femme de pouvoir” et qu’elle considère que ce sont des ouvrages capitalistes. Que sa collection ne dénonce pas seulement les normes de genre mais un système plus général, que la collection est aussi anticapitaliste, antiraciste. Que le but n’est pas de vivre bien dans le système. Elle attend une proposition d’un album anticapitaliste. Sarah Ghelam souligne que dans les romans ados, on trouve des personnages qui font preuve d’agentivité, c’est-à-dire de capacité à changer le monde, à changer les choses, et pas seulement à y trouver leur place “malgré” leur différence, comme par exemple Katniss dans Hunger games, mais que c’est rare dans l’album jeunesse. Elle trouve pourtant que ça pourrait être le cas dans Hilda et la princesse d’Eva Rust publié en 2019 dans la collection Sorcière : la petite sorcière va prendre les choses en main, délivrer la princesse et elles vont pouvoir finalement sortir du cadre. Isabelle Cambourakis dit qu’effectivement, si elle a choisi de le publier dans sa collection, c’est qu’au-delà de la remise en cause des stéréotypes sexistes, il y avait un côté Mimi Cracra qui lui plaisait, mais aussi un côté hors norme et antisystème. 

Elsa Kedadouche raconte qu’elle a fait face à des discriminations franches. Des marques de rejet en salon du livre devant l’amoureuse de Simone (Sarah Ghelam souligne que c’est la première fois depuis Camélia et Capucine d’Adela Turin et Nella Bosnia qu’on voit deux femmes amoureuses sur la couverture d’un album). Il y a eu aussi des interventions de parents contre l’intervention dans les écoles de la maison d’édition. Un moyen plus poli de rejet est de dire “on n’a pas le public pour ça”. Il faut donc continuer à lutter. La maison d’édition s’intéresse aussi à la fluidité de genre, la non binarité. Dans Léo là-haut de Melody Kedadouche et Adam Rosier, qui vient de paraître, est écrit en écriture inclusive. Afin que les enfants lecteurs puissent s’y projeter quelque soit leur genre. On peut aussi voir Léo comme un personnage non binaire. Un autre de leurs projets est la publication, à l’automne, d’un recueil de contes détournés écrits par Anne-Fleur Multon. On attend de voir s’ils permettent une sortie du système hétéro-patriarcal…

J’ai tenu à faire ce compte-rendu parce que j’ai trouvé que cette rencontre apportait des aspects différents de beaucoup de tables rondes et rencontres sur le sujet, en la replaçant d’avantage dans le matrimoine de l’édition jeunesse et en interrogeant les manques dans la production actuelle. J’ai particulièrement apprécié la référence d’Isabelle Cambourakis à l’article de Cécile Boulaire que j’ai trouvé vraiment important dans ma réflexion sur la littérature jeunesse de ces derniers mois. Et c’est toujours intéressant de voir les nuances et les différences entre une table ronde de bibliothécaire (en majorité en tout cas) et d’éditrices. Merci, donc, à Sarah Ghelam.

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Les liens du moment (mars 2022)

Je les partage régulièrement sur twitter, mais j’aime aussi les réunir ici, en garder une trace, voilà les ressources que j’ai découvertes (plus ou moins) récemment et trouvées intéressantes.

Je vous encourage vivement à découvrir le blog Hypothèses « genre de l’édition – représentations en littérature jeunesse » de Sarah Ghelam. Après son mémoire sur la représentation des personnages enfantins non blancs dans les albums jeunesse publiés entre 2010 et 2020, elle travaille en ce moment sur les albums qui questionnent les normes genrées et a publié une liste de 220 albums, qui fait une excellente base de travail. Je vous recommande à nouveau son article sur Adela Turin et « du côté des petites filles ». Vous pouvez aussi la suivre sur twitter.

La Fill (Fédération interrégionale du livre et de la lecture) propose un dossier intitulé « l’égalité femmes-hommes dans la filière du livre : en route !« , publié à l’occasion du 8 mars. On y trouve, après une introduction de Christine Detrez, quelques chiffres sur la place des femmes dans les métiers du livre, un article sur le mot autrice, un sur la budgétisation sensible au genre en bibliothèque, etc. Une partie est centrée sur la jeunesse, avec une rencontre avec la sociologue Oriane Amalric, une rencontre avec l’éditrice de Biscotto, une rencontre avec l’auteur Gaël Aymon, un article sur le prix égalité jeunesse de la Charte et j’y parle de mon expérience de bibliothécaire.

Les élèves d’un collège et leur professeure documentaliste ont réalisé une exposition sur 50 femmes mémorables, 50 affiches accompagnées de ressources pédagogiques. Leur direction ayant refusé qu’elles soient exposées dans le collège comme prévu, la prof a mis à disposition sur son blog. Une ressources très riche à télécharger absolument et à utiliser, que ce soit le 8 mars ou non ! Profitez-en pour découvrir le reste de son blog, la bibliothèque volatile et son compte insatagram

Planète Diversité a essayé de recenser tous les albums jeunesse avec des représentations LGBTQIA+.

Du côté des podcasts, la série laisse parler les femmes sur France Culture, une série documentaire qui « donne la parole à une centaine de femmes de tous âges, de classes sociales diverses, à travers tout le territoire et qui interroge la place des femmes en 2021 ». Et en 2022 la série fais parler les hommes qui « sonde la parole masculine, au-delà des postures, des bras de fer et des blagues qui n’en sont pas ». L’épisode tourné dans une école primaire parisienne me touche tout spécialement car elle a été réalisée dans l’école de mes enfants et que je reconnais la voix de plusieurs des enfants qui s’y expriment. L’émission Barbatruc s’interroge sur ce qu’est une éducation féministe avec la toujours géniale Titiou Lecoq et le podcast « quoi de meuf » a consacré un épisode au recueil Le bel au bois dormant de Karrie Fransman et Jonathan Plackett, en faisant intervenir sa traductrice en français (je vous en reparle « bientôt », de ce bouquin, des contes, de la lutte contre les stéréotypes).

J’ai aussi noté dans les livres tout juste parus un nouvel album d’Elise Gravel, que vous connaissez forcément pour ses affiches. On en parle sur le site de l’éditeur et j’espère qu’il sera bien distribué en France.  le rose, le bleu et toi Gravel

Et j’avais beaucoup aimé les deux premiers tomes parus en 2017 et 2018, Anne-Fleur Multon a annoncé la sortie le 5 mai du 3e tome de la série « allo sorcières »un peu plus prêt des étoiles. A conseiller aux 9-12 ans. 

un peu plus près des étoiles

Bonne lecture, et n’hésitez pas à me faire part d’autres ressources ou lectures que vous avez trouvé intéressantes !

 

 

 

 

Deux albums des éditions des femmes

Hier, j’ai eu la chance de trouver d’occasion deux albums d’Adela Turin publiés aux éditions des femmes. 

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L’occasion de vous parler un peu de l’édition jeunesse militante des années 1970 et de vous présenter un peu en détail ces chouettes albums. 

Les années 1970 sont marquées par la création de maison d’éditions jeunesse novatrices, ouvertement militantes, avec un regard nouveau sur l’enfant.

IMG_2779On peut citer les éditions Harlin Quist et le travail de Françis Ruy-Vidal (qui dit « il n’y a pas de couleurs pour enfants, il y a les couleurs, il n’y a pas de graphisme pour enfants, il y a le graphisme qui est langage international immédiat. Il n’y a pas de littérature pour enfants, il y a la littérature »). Ils ont par exemple publié la raison des plus grands n’est pas toujours la meilleure d’Albert Cullum que vous pouvez découvrir ici

Histoire Julie ombre garçon Thierry MagnierOn peut citer les éditions du sourire qui mord, où a été publié le génial histoire de Julie qui avait une ombre de garçon de Christian Bruel, Anne Galland et Anne Bozellec. J’en ai parlé ici et j’en ai profité pour parler un peu de la maison d’édition. Certains de leurs albums ont été réédités dans les années 2012-2014 et sont toujours disponibles. J’ai une tendresse certaine pour ce que mangent les maitresses de Christian Bruel et Anne Bozellec. 

IMG_2755Et puis on peut citer la collection « du côté des petites filles » des éditions des femmes. Entre 1975 et 1982, une vingtaine d’albums ont été publiés dans cette collection dont le nom était inspiré du titre du livre d’Elena Gianini Belotti, livre féministe sur l’éducation des petites filles, et dont une partie est consacrée à la littérature enfantine. C’est la militante féministe, autrice et éditrice italienne, Adela Turin, qui est à l’origine de cette collection, en coédition avec sa maison d’édition italienne « dalla parte delle Bambine ». Sur Adela Turin, je vous conseille très vivement cet article de Sarah Ghelam qui parle de son rôle dans la collection « du côté des petites filles » mais aussi, ensuite, de son engagement dans l’association du même nom en 1994 qui a mené une des rares études chiffrées sur les représentation genrées dans les albums, dont vous trouverez une synthèse des résultats ici. Il est plein de nombreuses ressources passionnantes. Sur l’édition jeunesse dans les années 70, je vous conseille aussi ce mémoire de Caroline Hoinville

IMG_2780Revenons à la collection « du côté des petites filles ». Y sont publiés quelques autrices françaises, comme Flora et Benoîte Groult (Histoire de Fidèle, 1976), Anne Sylvestre (Séraphine aime oiseau, 1977) ou Agnès Rosenstiehl avec le génial les filles et le moins connu de la coiffure, son tout premier livre. Ils sont réédités par la ville brûle. On y trouve également des contes illustrés par Nicole Claveloux (illustratrice commune aux trois maisons d’édition dont j’ai parlé ici). 

Mais la majorité des livres publiés sont des textes d’Adela Turin. Ce sont des livres engagés, qui s’opposent ouvertement aux stéréotypes de genre. 

rose bonbonneLe premier livre publié, et probablement le plus connu, c’est Rose bonbonne (1975), illustré par Nella Bosnia. Chloé de Littérature enfantine en parle ici. Avec la même illustratrice, vont suivre Après le déluge (1975), Clémentine s’en va (1976), Les cinq femmes de Barbargent (1976), L’histoire vraie des Bonobos à lunettes (1976). Elle va aussi travailler avec Margherita Saccaro : histoire de sandwiches (1976), Le père Noël ne fait pas de cadeaux (1977), Salut, poupée ! (1978). Avec Letizia Galli (Jamèdlavie, 1977). Et enfin, avec Anna Motecroci pour Planète Mary : année 35 (2019 de l’ère chrétienne) (1980), son dernier albums aux éditions des femmes. Ses albums avec Nella Bosnia sont réédités chez Actes Sud autour de 2000, puis à nouveau au milieu des années 2010 pour Rose bonbon et l’histoire vraie des bonobos à lunettes, mais avec une nouvelle traduction et parfois un nouveau titre (Chloé a ainsi été déçue par la traduction de la fin de Rose bonbon). 

Et du coup, j’ai deux exemples d’albums à vous montrer ! Etant donné qu’ils ne sont plus édités depuis longtemps, je vais vous les raconter entièrement, et vous montrer de larges extraits. 

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Clémentine s’en va commence par une rencontre entre Arthur et Clémentine, deux tortues, et un mariage immédiat. 

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Clémentine a des projets et des rêves plein la tête : des rencontres, des voyages…  Mais bien vite, elle se retrouve coincée dans un coin près de l’étang. Arthur va seul chercher à manger pour « laisser Clémentine se reposer ». Elle s’ennuie. 

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Les propos d’Arthur deviennent dévalorisants, et ils vont l’être de plus en plus. Arthur trouve les idées de Clémentine ridicules. Il trouve qu’elle chante faux, qu’elle est trop dans la lune, qu’elle est ridicule quand elle veut peindre. Lui, il sait ce qui est bon pour elle. D’ailleurs, il lui fait des cadeaux. Pas ce qu’elle a demandé, non. Beaucoup mieux. 

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Clémentine, persuadée qu’Arthur a raison, lui qui est très intelligent, accepte tout de sa part. Peu à peu les cadeaux s’accumulent. Pour ne pas qu’elle les perde, Arthur lui demande de ses les attacher sur le dos. Et peu à peu, Clémentine se retrouve ensevelie sous les objets. Au sens propre. 

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Bientôt, elle n’arrive plus à bouger. « Arthur lui apportait ses repas, et tout fier, lui disait : « Que ferais-tu sans moi ? » « Oui, soupirait Clémentine, que ferais-je sans toi ? »

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Mais un jour, Clémentine se rend compte qu’elle peut sortir de sa maison. Laisser sa carapace et tout ce qui pèse dessus et aller se promener. Très vite, elle sort dès qu’Arthur a le dos tourné. Elle pense à ses promenades tout le temps. « Arthur trouvait sa femme de plus en plus bizarre et distraite, et la maison de plus en plus sale. »

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« Un jour, à son retour, Arthur trouva la maison vide ». Il est étonné, indigné et furieux. 

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L’album se termine sur un Arthur furieux contre son ingrate de femme, lui qui a tout fait pour elle, et une Clémentine sans doute heureuse, qui a pu voyager, jouer de la flute et faire de la peinture comme elle l’espérait. 

On retrouve bien les années 70 dans l’illustration où vert, bleu et orange prédominent. J’ai été un peu gênée par les accessoires très genrés des deux protagonistes (noeud sur la tête, collier de perles ou fleurs pour Clémentine, montre pour Arthur, qui m’ont évoqué cet article, mais au moins il y a un accessoire pour genrer le masculin). Je trouve l’image de Clémentine ensevelie sous les cadeaux, qui l’empêchent littéralement de bouger, très forte et marquante.

Tout l’album portant sur l’émancipation de Clémentine, je trouve le titre Clémentine s’en va bien plus adapté que celui choisi pour la réédition chez Actes Sud, Arthur et Clémentine, même si ce dernier est plus fidèle au titre italien. Je ne sais pas si, à part le choix du titre, il y a des changement entre la première et la seconde édition. 

 

Pour le second album, on quitte la fable animalière pour plonger dans la science fiction. 

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Dans Planète Mary, année 35 (2019 de l’ère chrétienne), une femme raconte à des enfants l’origine de son peuple. Jadis, il y a eu une catastrophe sur la Kerre. Elle est née dans une capsule qui tournait autour de Venus. Chaque famille vivait dans une petite capsule, isolée. Les pères partent tôt dans l’espace et reviennent tard, sans qu’on comprenne vraiment ce qu’ils y font.

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Pour faire des économies d’énergie, on construit une Cité Spatiale où tout le monde va vivre ensemble. 

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Quand la cité spatiale est achevée, tout le monde s’y installe. C’est la fête pour les enfants qui peuvent enfin se rencontrer et jouer ensemble. Les pères continuent à aller faire on ne sait quoi dans leur module toute la journée. La Cité Spatiale est organisée autour d’un « Grand Cerveau », sorte d’intelligence artificielle qui enseigne aux enfants (puis aux mères).

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Elles utilisent aussi un simulateur qui leur permet de faire découvrir à leurs enfants à quoi ressemblait la vie sur la terre. Peu à peu, les mères vont décider de chercher une nouvelle planète où vivre. « Elles discutaient des heures et des heures, écrivaient, faisaient des calculs »

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Elles finissent par trouver une planète où tout le monde peut vivre. Elles profitent de Noël, où les pères reviennent tous à la cité Spatiale (rappelons qu’ils continuent à faire on ne sait quoi dans leur module toute la journée), pour emmener tout le monde près de la nouvelle planète. 

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« Pour les papas, ce fut une surprise ; pour nous, les enfants, le vrai grand cadeau. Mais (et ça, nous ne nous y attendions pas !) ça n’enthousiasma pas tous les papas ! Peu à peu, quelques-uns reprirent leurs petits modules et leurs tournées dans l’espace, autour de Mary ». Les premières années, la vie est un peu dure parce qu’il faut découvrir cette nouvelle planète et comment l’habiter. « Pendant cette période là, le grand cerveau nous aida énormément. Certaines mamans étaient devenues expertes et l’avaient un peu modifié après l’amaryssage ; il devint ensuite la bibliothèque-école que vous connaissez. « 

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Si j’ai trouvé l’album moins fort que Clémentine s’en va, j’avoue un faible pour l’illustration SF rétro d’Anna Montecroci, et les combinaisons à épaulettes. Mais regardez ça :

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Voilà, je suis toujours à la recherche de certains albums de cette époque, promis si je les trouve je vous les montrerai !

Homosexualité dans les albums jeunesse, partie 2

Comme je le disais à propos du fils des géants de Gael Aymon, plusieurs auteur·e·s utilisent l’univers bien connu des contes de fées pour mettre en scène des couples homosexuels. Ici, il n’est plus question d’homoparentalité, mais d’histoire d’amour naissantes, de rencontres. Un détournement du coup de foudre de la princesse et du prince charmant que l’on trouve si souvent (ça me fait penser que je n’ai toujours pas publié l’article sur le coup de foudre de la princesse et du prince charmant, pourtant il y a énormément à dire d’un point de vue féministe !).

Commençons donc avec des princesses lesbiennes !

Cela a commencé dès Camelia et Capucine d’Adela Turin et Nella Bosnia (Actes Sud Junior, 2000, épuisé), auteures de rose bombonne aux éditions des femmes en 1975.

camélia et Capucine

Je ne l’ai malheureusement pas trouvé, donc je ne peux vous en donner que le résumé de l’éditeur : « Camélia passe le plus clair de son temps chez Capucine, une amie qui lui apprend la musique, des recettes savoureuses ou l’art d’interpréter les rêves. Depuis sa plus tendre enfance, Camélia est promise à un prince, riche et beau. Quand il la demande en mariage, son arrogance déplaît à Camélia, qui se débarrasse de sa bague de fiançailles. Ses parents mettent le château sens dessus dessous pour la retrouver. En vain. Capucine prend alors un malin plaisir, en interprétant les rêves du roi, à bouleverser tout le château. Scandalisé, le prince prend la fuite. Au grand soulagement de Camélia et de Capucine qui, depuis, coulent ensemble des jours heureux. »

Dans Cristelle et Crioline de Muriel Douru (KTM, 2011), la princesse Cristelle doit se marier. Mais elle n’est guère intéressée par le « crapaud charmant » ! Elle tombe amoureuse d’une petite grenouille, Crioline, et contrairement à ses craintes, son père le roi est ouvert d’esprit et les marie.

Cristelle et Crioline

Ce livre est publié par KTM, un éditeur spécialisé dans les romans lesbiens pour adulte et qui a publié seulement cet album pour la jeunesse. Si je trouve le texte sympa, je dois avouer que je trouve les illustrations sans intérêt.

Dans la princesse qui n’aimait pas les princes d’Alice Brière-Haquet et Lionel Larchevêque (Actes Sud Junior, 2010), on retrouve la princesse comme on l’imagine : blonde, en robe rose… et bien sûr, elle doit se marier ! Alors son père, le roi, fait défiler tous les prétendants afin qu’elle se décide, les princes du monde entier, et même « des super héros aux capes belles comme des drapeaux, et quelques très savants sorciers bien calés sur leurs balais. Il y avait aussi : de géniaux scientifiques aux mille inventions fantastiques, et de grands champions du monde, de foot, de course ou d’aviron ». Mais aucun ne lui convient.

princesse qui n'aimait pas les princes

Il fait alors appel à une fée pour dénouer la situation et là… le coup de foudre : « En une seconde, elle comprit que c’était Elle. En deux secondes, elle montait derrière sa selle. En trois secondes, elles galopaient sous le grand ciel ».

princesse qui n'aimait pas les princes 1

Un livre que j’aime beaucoup ! Et signalons au passage que la fée est noire, ce qui est particulièrement rare, dans les albums jeunesse en général, déjà, et dans les albums sur ce sujet en particulier, à croire que les LGBT sont tous blancs (ou alors des animaux !). Et qu’il ne tait pas les difficultés auxquelles les couples de même sexe doivent faire face dans notre société (même si la question du mariage a évolué depuis la sortie du livre), puisqu’il s’achève ainsi : « Elles ne purent pas vraiment se marier, et pour faire des bébés, ce fut un peu plus compliqué… mais toutes les deux, elles vécurent heureuses. Et c’est ainsi que doit s’achever tout véritable conte de fées. »

Heu-reux de Christian Voltz (Rouergue, 2016), reprend le même scénario, sauf que cette fois c’est le prince qui doit se choisir une épouse dans la foule de prétendantes que son père fait défiler devant lui. A tel point que j’ai eu une impression de quasi plagiat un peu désagréable à la première lecture. Mais en le relisant, et en le lisant à voix haute, j’ai aussi vu à quel point ce livre était un régal à lire et tout l’humour qu’on y trouve.

heureux voltz

Ici, le père s’affirme résolument moderne. Il veut que son fils soit « heureux ! ». Alors s’il doit renoncer à que son fils épouse une vache, il est suffisamment ouvert d’esprit pour que son fils épouse une chèvre. Ou une truie. Oh puis après tout, il peut épouser qui il veut. ça tombe bien, le prince est amoureux d’Hubert le Bélier !

heureux voltz

Les illustrations de Christian Voltz sont chouettes et pleines de détails et d’humour. Le détournement du défilé des prétendantes fonctionne très bien. Chlopitille en parle .

Dans Titiritesse de Xerardo Quintia et Maurizio A. C. Quarello (OQO, 2008), la princesse Titiritesse fuit sa mère qui veut qu’elle se comporte « comme une princesse » et la préceptrice qui vient lui enseigner les bonnes manières. Avec l’aide de l’âne Buffalet, elle va délivrer Wendoline du monstre Avalesix Duncoup.

titiritesse

Au moment où elles se rencontrent, « une brise joueuse se souleva alors et leur fit des chatouillis dans la tête ».

Un album vraiment original, autant par ses illustrations que par son histoire : si on retrouve de nombreux éléments détournés du conte de fée traditionnel, l’album nous entraine ensuite dans un voyage onirique très particulier, où les princesses découvriront un « mot pour rire », Trukulutru !

 

 

Amour entre enfants

Certains livres pour enfants se placent dans un univers beaucoup plus réaliste et racontent des histoires d’amour, comme peuvent les vivre les enfants. Avec des réactions d’adultes plus ou moins bienveillantes…

J’avais déjà parlé ici de la BD Bichon de David Gilson (Glénat, 2013). Depuis, les volumes 2 et 3 sont sortis (en 2015 et 2017).

 

Dans Philomène m’aime de Jean-Christophe Mazurie (P’tit Glénat, 2011), tous les garçons sont amoureux de Philomène.

philomène m'aime

Quand elle passe en vélo, tout s’arrête. Mais les garçons sur son chemin l’indifférent car elle est amoureuse de Lili.

 

Jérôme par coeur de Thomas Scotto et Olivier Tallec a été publié chez Actes Sud en 2009 et est disponible actuellement dans leur collection « poche » encore une fois.

jérome par coeur

Et c’est un petit bijou.

« Raphael aime Jérôme, je le dis. Très facile ». Raphael aime Jérôme parce qu’il lui tient toujours la main, très accroché, pour le 100% coton de son sourire et parce qu’il raconte des mensonges qui ressemblent à de vraies histoires. Le soir, il fait « des provisions de lui pour la nuit ». Et parfois il en rêve, même. Mais la façon dont il parle de Jérôme ne plait pas à ses parents. Alors forcément, Raphael s’interroge. Mais la force de ses sentiments est là.

Le quotidien des enfants, la force de leur amour, la délicatesse des illustrations d’Olivier Tallec qui répond à celle des mots de Thomas Scotto… Ce livre est un gros coup de coeur.

 

Deux garçons et un secret d’Andrée Poulin et Marie Lafrance (éditions de la Bagnole, 2016), qui nous vient du Québec mais est également distribué en France, nous présente aussi deux petits garçons qui s’aiment et les réactions de leurs parents.

deux garçons et un secret

Emile et Mathis sont les meilleurs amis du monde. Un jour, Emile trouve une bague dans le bac à sable du square. Et ça lui donne une idée : ils vont se marier ! Comme ça, quand ils seront grand, ils habiteront ensemble et Emile pourra emprunter à Mathis son camion de pompiers. Alors avec leurs amis, ils préparent un beau mariage.

deux garçons et un secret mariage

Mais quand Emile le raconte à ses parents, le soir, son père affirme qu' »un gars ne se marie pas avec un gars. Ça ne se fait pas » et lui interdit de garder la bague. Les parents de Mathis, eux, le soutiennent. « Lorsque la maman de Mathis le borde dans son lit, elle lui dit : Quand tu seras grand, si Emile et toi, vous vous aimez encore, vous pourrez vous marier pour de vrai. » Alors Emile et Mathis décident de rester mariés en secret. Parce que « des fois, les parents se trompent, comme les enfants ».

L’illustratrice parle de son travail sur cet album ici.

 

Dans Boum boum et autres petits (grands) bruits de la vie de Catherine Lafaye Latteux et Mam’zelle Roüge (Frimousse, 2011, épuisé, réédité par Pourpenser en 2018), on entend les bruits de la vie.

Les bruits du coeur de Timothée qui pense à Fleur, et les « cling cling » que font les pièces quand ils vont au cinéma ensemble. Mais aussi le « snif snif » de José qui les voit, lui qui aime Timothée en secret.

Mais il va rencontrer un autre garçon, et leur amour fera les mêmes bruits de coeur qui bat, de moments partagés et de joie. « et tant pis si un jour cet amour fait GRAND bruit autour de lui ».

Enfin, un album que j’avais raté (mais il va falloir que je répare ça parce que vraiment il a l’air chouette), ça change tout ! de Cathy Ytak et Daniela Tieni (Atelier du poisson soluble, 2017).

ça change tout

Camille aime Baptiste. Alors Camille lui donne des poèmes sur des petits papiers. Et Baptiste lui répond avec des Bulles de savon.

Je n’ai pas pu voir le livre en dehors des extraits sur le site de l’éditeur, aussi je vous cite un extrait de sa critique par Gabriel sur la mare aux mots en vous encourageant vivement à aller voir son article où il propose des livres jeunesses LGBTQ+ (notons ici que Gabriel m’a beaucoup aidé pour cette série d’articles, en me donnant des références, en me prêtant des livres, etc) : « L’autrice joue avec la surprise (nos visions hétérocentrées penseront d’abord que Camille est une fille). On est loin ici des clichés et, contrairement à la plupart des livres sur le sujet, rien n’arrive de négatif aux deux héros de l’histoire. À noter que ici, et c’est tellement exceptionnel qu’il faut le signaler, on parle de bisexualité car les héros ont aussi été amoureux de filles. »

 

Voilà pour aujourd’hui, j’espère vous avoir donné envie avec tous ces chouettes albums. J’ai un troisième article en préparation pour compléter tout ça (en espérant le publier dans moins de 3 mois…) et parler de la banalisation de l’homoparentalité, de l’homophobie ou de la transidentité dans les albums jeunesse, et pour vous proposer quelques ressources supplémentaires.

La diversité dans la littérature jeunesse, compte-rendu de table ronde

Vous le savez peut être, j’ai participé, en décembre dernier, au salon du livre jeunesse de Montreuil à une table ronde intitulée « La diversité dans la littérature jeunesse, quelles réponses des bibliothèques ? », organisée par le ministère de la culture. C’est Sophie Agié qui modérait la table ronde. Elle est responsable de la médiathèque Visages du Monde (Cergy) et membre de la commission Légothèque une des commission de l’Association des Bibliothécaires de France qui s’intéresse aux questions de genre, d’orientation sexuelle et sentimentale, d’interculturalité et multiculturalisme. Et j’y participais avec Penda Diouf, responsable de la bibliothèque Ulysse (Saint-Denis) qui fait partie du réseau de lecture publique de Plaine Commune, autrice de théâtre et coorganisatrice d’un festival de théâtre, Jeunes textes en liberté, qui travaille sur la question de la diversité « pour que justement ça n’en soit plus une ». Et avec Diariatou Kébé, qui n’est pas bibliothécaire mais maman et présidente de l’Association Diveka, « dont l’objet est la promotion de la diversité dans la littérature jeunesse, notamment, mais pas que ».

C’était vraiment une chouette expérience. C’était une première pour moi de participer à une table ronde, la première fois aussi que j’assumais mon blog IRL, et j’étais fière que ce soit au salon de Montreuil. Il y avait un monde fou, autant vous dire que j’ai bien stressé ! Mais j’ai aussi rencontré des personnes passionnantes, et ça m’a donné encore plus envie de réfléchir et de m’engager sur ce sujet.

Mais bref, qu’est-ce qui s’est dit à cette table ronde ?

Il y en a un résumé sur le blog de légothèque. Je vais essayer d’en parler un peu plus en détails.

On a commencé par échanger autour du mot diversité, qui pose question. D’abord, souligne Penda, il sous-entend qu’il y a un standard ou une norme, à laquelle on appartient ou non. Ceux qui emploient ce mot s’excluent d’eux-mêmes de cette diversité là. La diversité, c’est l’autre. Cependant, on ne trouve pas d’autre mot qui recouvre l’ensemble du champ que nous voulons couvrir, à savoir une notion large de la diversité, que ce soit les représentations des filles et des garçons, des LGBT, des personnages racisés, du handicap, mais aussi les questions de grossophobie, etc. Et le mot racisé, que l’on utilise pour désigner toute personne qui subit des discrimination en raison de sa couleur de peau, est peu connu hors du milieu militant et peut être très clivant (il y a des personnes qui sont effectivement racisées mais qui ne veulent pas du tout s’appliquer ce terme à elles-mêmes). Diariatou explique donc que « nous, on a choisi de s’appeler Diversité and kids parce qu’il n’y a pas d’autre mot finalement (…) même si on n’y croit pas vraiment parce que c’est un terme fourre-tout (…). On a choisi un cadre pour les livres qu’on met en avant : on a choisi la diversité mélanique, c’est-à-dire les personnages non blancs, culturelle, de genre, comme fille d’album, mais aussi le handicap, parce que c’est des discriminations qui peuvent s’entremêler, on peut être noir et handicapé ». 

Sophie souligne ensuite que le thème du salon, c’est les représentations des enfants dans la littérature de jeunesse. Et que ces questions de représentations sont aussi liées au fait que le livre est un outil de construction de soi, qu’on peut s’identifier ou non aux personnages qui sont représentés dans les livres, et que ça nous sert aussi à se représenter le monde. Qu’on trouve des livres jeunesse intéressants du point de vue des représentations mais que l’on n’arrive pas toujours à les mettre en avant dans les bibliothèques et que si on regarde la majorité des albums, on a des représentations très normées, avec des personnages hétérosexuels, de couleur blanche, qui ont un standard de vie qui est assez différent de ce qu’on peut voir au quotidien.. 

Penda souligne à son tour que la question de l’enjeu des médiathèques, et de pourquoi une médiathèque, c’est à la fois proposer un large choix de documentaires, d’albums mais aussi de répondre à une certaine demande et travailler aussi à la question de la représentation, c’est-à-dire de faire en sorte que les documents qui soient proposés reflètent la société ou l’environnement proche d’une médiathèque, mais que ça n’est pas complètement le cas. 

Comment l’explique-t-on ?

  • les titres présentant une réelle diversité sont peu nombreux, et c’est de la responsabilité des éditeurs. Penda a ainsi fait une expérience : « je me suis dit que j’allais regarder dans la médiathèque pour voir quels albums pouvaient parler de la diversité au sens large, telle qu’on l’entend aujourd’hui dans cette table ronde, et en fait j’ai trouvé 3 sacs à peu près, autour de la diversité ethnique, de la diversité de genre, de la diversité du handicap aussi. Juste 3 sacs sur 16 500 documents. Et pourtant je suis dans un réseau de lecture publique qui travaille beaucoup sur ces questions là, de représentations, qui a à coeur d’être le plus inclusif possible ». Cela rejoint l’expérience de Diariatou : « j’ai un petit garçon qui a 7 ans et quand j’ai commencé à la question de la diversité dans la littérature jeunesse, j’ai commencé à chercher des livres. je pensais que la question était réglée et que j’allais trouver des livres qui correspondaient à l’identité de mon fils, un petit garçon noir né en France et élevé en France. Et finalement ça a été hyper compliqué ».
  • par la difficulté à identifier ces titres dans l’abondance de la production éditoriale : ils sont en quelque sorte noyés dans la masse. Il y a donc un travail de veille à faire, d’identification des éditeurs, des collections, des bibliographies, des ressources qu’on peut avoir sur ce sujet là (des ressources sont proposées à la fin de cet article).
  • par la question de l’identification : il y a l’idée forte que tout le monde peut s’identifier à un garçon. Par exemple on donnera des romans où il y a un héros à des filles sans aucun souci par contre proposer une héroïne fille à un lecteur garçon, c’est déjà un peu plus compliqué, ou alors il faudra quand même faire attention à mettre des personnages garçons forts, juste à côté (comme dans Hunger games de Suzanne Collins par exemple). Et cela s’applique aussi à la question du handicap, de la couleur de peau : on va considérer que tous les enfants peuvent s’identifier à un petit garçon blanc, mais le petit garçon blanc, on ne va pas forcément lui présenter d’autres identifications possibles.
  • par la composition de la chaîne du livre, majoritairement blanche, valide, hétéro : des éditeurs aux prescripteurs, parmi lesquels bien sur les bibliothécaires. Diariatou raconte : « j’ai eu la chance d’être éditée il y a 2 ans, pour un livre qui n’est pas de la jeunesse du tout, ça s’appelle Maman noire et invisible, et la plupart des personnes qui sont revenues vers moi pour savoir comment j’avais fait pour être publiée me disaient que quand elles envoyaient un manuscrit, quand le personnage principal n’est pas blanc, cisgenre, on leur répondait qu’ils n’arrivaient pas à s’identifier aux personnages, ce qui est normal en fait. »
  • par l’absence totale ou presque de certaines représentations. J’explique qubonbons pour Aichae je travaille dans un quartier où il y a beaucoup de mamans qui sont voilées. Mais le seul album que je connais avec un personnage significatif qui porte unvoile, il s’appelle des bonbons pour Aicha de Elly Van der Linden et Suzanne Diederen (Mijade, 2007), et on le garde très précieusement à la bibliothèque parce qu’il est épuisé depuis longtemps.
  • par la difficulté des auteur·e·s concerné·e·s r(acisé·e·s, handicapé·e·s, etc) à se faire éditer.

 

Quelles représentations ? 

Ensuite, quand il y a des représentations, quelles sont-elles ? Penda dit que pour la question de la diversité ethnique, ce sont souvent des enfants africains, et pas forcément des enfants noirs, arabes, asiatiques, vivant en France. Et du coup la réalité des enfants qui lisent ces livres est complètement différente de ce qu’on peut leur proposer dans les albums. « Je pense qu’il y a aussi tout un travail à faire autour de ces enfants qui sont français, qui sont nés ici, mais qui n’ont pas de miroir, ne trouvent pas d’albums sur lesquels ils puissent se projeter vraiment directement. »

Et même dans cette représentation de l’Afrique, on est souvent dans la caricature, dans l’exotisation. Diariatou cite Kirikou (femmes en pagne, enfant nu, village de cases, fétiches…). En jetant un coup d’oeil aux collections de sa médiathèque, Penda a trouvé pas moins de 3 livres où les enfants noirs sont liés à la sorcellerie…

(Tous ces albums n’ont pas été cités lors de la table ronde, mais je trouve que cela montre bien une représentation des personnages noirs fréquentes dans la littérature jeunesse).

Je cite alors un album qui va un peu contre cette exotisation, justement, que j’aime bien, la petite fille qui voulait voir des éléphants de Sylvain Victor (atelier du poisson soluble, 2013), l’histoire d’une petite fille blanche qui va en Afrique, et elle s’attend à forcément voir des éléphants partout, à tous les coins de rue. Son avion arrive elle s’étonne de voir une ville sous ses pieds, et pas la savane avec les éléphants, et en fait elle va découvrir un pays qui est complètement différent des représentations qu’on trouve souvent en France.

 

Il faut donc qu’il y ait des représentations, mais aussi voir ce qu’elles véhiculent. Et ces représentations sont importantes pour les enfants concernés, mais aussi pour les enfants blancs, valides, etc, parce qu’on a tendance à leur dire que leur modèle est universel, pour qu’ils prennent conscience que ce n’est pas le cas.

Plus tard, on en vient au défaut du point de vue : souvent quand on parle des enfants noirs, c’est que ça traite du racisme, mais on a toujours le ressenti du petit enfant blanc, et pas le sentiment de l’enfant qui reçoit les remarques racistes ou autre, et c’est dommage. Et on dérive parfois vers l’idée du « sauveur blanc » : Penda pense à Max et Koffi sont copains de Dominique de Saint-Mars et Serge Bloch (gros succès de la série Max et Lili en bibliothèque), où Max a copain qui s’appelle Koffi, qui est victime de brimades parce qu’il est noir, et c’est Max qui le sauve, et on n’a effectivement pas du tout le point de vue de Koffi. On retrouve d’ailleurs ce travers en dehors de la littérature jeunesse : dans le film le brio, par exemple, c’est un homme blanc qui va sauver tout une communauté.

Sophie souligne à nouveau que le livre sert à se représenter le monde et qu’on doit prêter une attention à l’environnement tel qu’il est représenté dans les livre. Aux médiathèques de faire un vrai travail de médiation. L’édition jeunesse ET les bibliothécaires ont vraiment un rôle à jouer pour pouvoir trouver ces pépites. Se dire « je suis bibliothécaire, je suis dans un environnement, peu importe lequel, je dois être la plus large et la plus inclusive possible ». Pour moi, si on parle de diversité, on parle aussi d’inclusion. Proposer à un public des choses dont il n’est pas forcément en demande, mais qui vont lui permettre de se représenter, et de se trouver.

Heureusement il existe des titres intéressants. Par exemple, Ilya Green vient de sortir chez Nathan un livre qui s’appelle mon château où un petit garçon construit un château de cubes, et le petit garçon est noir, et ça ne change rien à l’histoire.

mon chateau green

C’est important qu’il y ait des livres avec des enfants racisés, handicapés, sans que ce soit un livre sur le handicap ou sur le racisme. Un enfant avec deux papas ou deux mamans sans que ce soit un livre SUR l’homoparentalité. Etc. 

Car le problème des représentations concerne aussi, par exemple, le handicap qui est souvent édulcoré. Souvent c’est, comme Marianne éditrice à la ville brûle disait, « un enfant valide qu’ils ont assis dans un fauteuil roulant ». Et je voulais citer on n’est pas si différents de Sandra Kollender et Claire Cantais puisque l’illustratrice a passé plusieurs semaines dans un IME et a proposé une représentation très réaliste de ces enfants là, et je pense que c’est quelque chose qui est très rare, le fait que ce soit vraiment montré et pas édulcoré.

pas si différents

 

Quels éditeurs pour des représentations intéressantes ? 

Sophie cite la ville brûleet en particulier une de leurs dernières parutions pour la jeunesse, les règles… quelle aventure ! d’Elise Thiébaut et Mirion Malle qui parle des règles, et on a un mix de pas mal de questions, et dans les représentations de ce livre, on a des personnes noires, des personnes blanches, des personnes grosses, des personnes plus maigres, des personnes avec des poils, sans poils…

regles-livre-jeunesse

 

Je cite la collection « mes p’tits docs » chez Milan, qui a le mérite d’aborder des questions qui n’ont rien à voir avec la diversité tout en intégrant ces questions là. Je pense à un titre qui s’appelle les maîtres et les maîtresses (j’en avais fait un article là) où une des maîtresses est racisée, beaucoup des enfants de l’école aussi, on voit des personnes handicapées, et chose qui est rare, à la fin on explique que les maîtres et les maîtresses ont aussi une vie de famille et c’est le maître qui est mis en rapport avec sa vie de famille, alors que très souvent c’est la mère qui est rattachée à la sphère familiale. Je trouve intéressant que dans cela soit pris en compte même si le sujet du livre n’est pas la diversité. 

Diariatou cite Bilibok (éditeur qui a malheureusement arrêté son activité depuis). Ils ont publié un album qui s’appelle Comme un million de papillons noirs de Laura Nsafou, qui est blogueuse, qui est auteure, et illustré par Barbara Brun, et ça parle du cheveu afro, crépu. « Ce sont des livres qu’on voit très rarement.  Moi je suis née en France, j’ai grandi en France, et c’est un livre qui m’a beaucoup touché finalement parce que j’en ai jamais lu comme ça, malheureusement » (alors qu’on trouve de nombreux livres sur le sujet aux Etats-Unis par exemple). « Les noirs en France ils n’ont pas été inventés hier, en fait, on est là depuis longtemps, du coup il faut avoir ce genre de livre là, je pense, dans les bibliothèques. »

comme un million de papillons noirs

La maison d’édition n’est pas passée par les schémas éditoriaux habituels puisque c’est un album qui a été publié grace à un financement participatif. Mais ce qui est intéressant à noter, c’est à la fois la difficulté pour ce type de livres de passer par l’édition traditionnelle et le succès que cette campagne de financement participatif a obtenu, puisqu’ils ont eu 200 ou 300% de ce qu’ils avaient demandé, donc il y a une vraie demande sur ces livres là, qu’on a parfois du mal à satisfaire.

Lors des questions, une membre de la (super) association DULALA nous a demandé si on connaissait des livres montrant la diversité des langues (livres faisant par exemple apparaître dans les illustrations, certains mots d’autres langues, et pas seulement celles apprises à l’école).  Diariatou cite une petite maison d’édition qui publie des livres qui s’appellent « Fifi et Patou« , dans plusieurs langues africaines. Il y a des mots par exemple en soninké, en wolof, en plein de langue, et c’est personnalisable. Il y a même un livre sur l’albinisme. Je cite, chez Didier Jeunesse, la collection contes et voix du monde, qui mêle le français et l’arabe ou d’autres langues africaines. Avec en particulier le travail de la géniale Halima Hamdane

 

Mais deux réserves par rapport à cela :

Penda souligne qu’il est très dommage que sur toute la palette que l’on peut avoir en France, il n’y en ait que 2-3 éditeurs qui s’intéressent à ces questions, et que si on a envie de travailler sur le handicap on aille voir tel éditeur et que ça ne soit pas proposé de façon plus large et plus globale.

Diariatou que beaucoup d’éditeurs qui travaillent sur la représentations des enfants noirs ont très peu de visibilité. Ils ne sont par exemple pas présents au salon de Montreuil. On ne trouve leurs livres que dans les évènements afro ou au salon dédié au livre jeunesse afro-caribéen qui existe depuis 6 ans. S’ajoute à cela la difficulté, même quand on a identifié les éditeurs et les titres, de faire entrer certains livres en bibliothèque, puisque nous sommes contraints par les marchés publics : nous avons un fournisseur, nous ne pouvons pas commander directement à de petits éditeurs souvent mal distribués, ou participer à des financements participatifs. 

 

Comment trouver des livres avec des représentations intéressantes ? 

Le centre Hubertine Auclert qui travaille sur les questions de genre avait une expression que j’aimais bien, c’était « chausser les lunettes du genre » pour analyser la situation, et c’est vrai que maintenant j’essaye de « chausser les lunettes de la diversité » quand je vais en librairie, j’achète les livres pour la bibliothèque, sans que ça ne devienne LE critère central ou unique. J’ai une pile de livres devant moi, quelle représentations il y a ? Donc il y a la question « est-ce qu’il y a des personnages différents qui sont représentés ? » et aussi comment ils sont représentés?

Nous avons aussi souligné qu’on trouvait en ligne ou non de nombreuses sélections, bibliographies intéressantes. J’en parle en fin d’article.

Quelles autres pistes pour améliorer les représentations ? 

Diariatou insiste sur l’importance de soutenir les auteur·e·s racisé·e·s en achetant leurs livres et en les proposant en bibliothèque « parce que ce sont d’autres histoires, d’autres points de vue, et ces histoires justement elles méritent aussi d’être racontées et d’être diffusées ». 

On peut aussi « tout simplement » mettre les livres qui rendent la diversité visible en avant. Sur les présentoirs de la bibliothèque. Dans des sélections. Das des bibliographies. Quand je fais une sélection j’essaye toujours de me poser la question « est-ce qu’il y a une certaine diversité qui est représentée ou pas ? ». J’essaye de le faire vraiment systématiquement, c’est-à-dire que quand je fais un accueil de crèche, je vais sortir 20 bouquins pour les enfants, lesquels il y a ? Après la difficulté c’est que du coup on a tendance à retomber toujours sur les mêmes titres, j’ai mes albums, comme 2 petites mains et 2 petits pieds de Mem Fox et Helen Oxenbury, mais j’essaye effectivement de faire attention à la question.

 

Est-ce possible que dans 5 ou 10 ans, la question soit « réglée », que la diversité soit présente de façon évidente dans la littérature jeunesse ? 

J’ai alors parlé de la représentation des filles et des garçons parce que c’est ce que je connais le mieux : il y a eu des livres militants très chouettes sur ces sujets là ces dernières années, des titres qui insistaient sur la liberté, pour les petites filles, de sortir des carcans, pour les petits garçons aussi. Je pense à ni poupées, ni super héros de Delphine Beauvois et Claire Cantais à la ville brûle, aux déclaration des droit des filles et déclaration des droits des garçons d’Elisabeth Brami et Estelle Billon-Spagnol chez Talents Hauts, il y a des choses qui se font !

Mais est-ce que c’est vraiment une nouveauté ? Dans les années 70, c’était un peu la même chose. Il y avait une production de masse stéréotypée et des albums très intéressants qui mettaient en cause les clichés. Je pense à l’histoire de Julie qui avait une ombre de garçon de Christian Bruel et Anne Bozellec aux éditions du sourire qui mord, à rose bonbonne d’Adela Turin aux éditions des femmes, 10 ans plus tard à la princesse Finemouche de Babette Cole au Seuil.

J’ai un peu l’impression qu’on est toujours dans ce système où on publie des livres qui sont intéressants mais on ne se pose pas la question des représentations dans la masse, et donc on en est à faire des bibliographies, des sélections alors que dans l’idéal, il devrait suffire de prendre un livre devant soi, sans que le sujet soit forcément militant mais que la diversité soit présente en toile de fond.

Penda souligne alors l’importance d’une politique volontariste en bibliothèque. Faire des sélections, des malles, le prendre en compte dans les acquisitions, ça semble évident pour certain, mais c’est loin de l’être toujours.

Elle prend l’exemple du handicap : sur 65 millions de français, il y en a 12 millions qui sont atteints d’un handicap physique ou mental, visible ou non. Et en fait, il y a très peu d’albums alors que ça touche une grande partie de la population.

Diariatou pense qu’on n’est pas rendus! Mais elle souligne que cette table ronde, et l’invitation de son association a moins d’un an, c’est déjà un premier pas. Elle constate l’avance des anglo-saxons sur ces questions. Ils se penchent sur le problème, et on trouve par exemple des chiffres sur les représentations dans les albums jeunesse, alors qu’on n’en trouve pas en France. Aux Etats-Unis, ils ne sont pas très encourageant parce que 93% des personnages sont blancs dans les 3600 albums étudiés en 2012. Mais ils ont le mérite d’exister.

 

Si c’est compliqué au niveau des collections, est-ce que l’action culturelle (les animations, rencontres, heure du conte, etc) sont un levier d’action qui peut être plus facile ? 

Les bibliothécaires ne dépendent pas de l’édition pour cela, et sont donc plus libres. Et on peut réfléchir à la diversité en terme de contenu des animations, mais aussi en terme de public touché. Parce qu’il y a souvent un décalage entre le quartier où la bibliothèque est implantée et la population qui fréquente la bibliothèque et il y a aussi la question de comment on fait venir l’ensemble du public, comment on les fait rentrer dans la bibliothèque, que ce soit pour les collections ou pour l’action culturelle. Les animations peuvent aussi être un moyen, pour nous bibliothécaires, d’être plus inclusives dans ce qu’on propose, et de faire en sorte que les gens, quelque soit leur couleur de peau, leur orientation sexuelle ou autre, se sentent bien à la médiathèque. 

Parmi les actions citées :

  • des sélections de livres, et la mise en place de malles sur l’égalité filles/garçons ou autour du vivre ensemble par les médiathèques de Plaine Commune. Ces malles sont accompagnées d’expositions, de spectacles sur ces questions, d’ateliers qui valorisent les femmes invisibilisées de l’histoire…
  • un travail autour des langues étrangères : proposer des livres dans les langues que les enfants parlent à la maison. On peut avoir aussi des heures du conte où on peut inviter des personnes parlant d’autres langues, le bambara, le soninké, le wolof, à venir conter, lire des histoires dans leur langue. Les médiathèques de Plaine Commune travaillent, pendant le festival Histoire Commune, pour que les contes soient en bilingue. Ainsi la médiathèque Ulysse a accueilli au mois de décembre un conteur qui a raconté en français et en wolof.
  • les pôles sourds des bibliothèques de la ville de Paris qui proposent à la fois des collections dédiées, un personnel formé pour l’accueil, des animations comme des heures du conte bilingue français parlé/LSF
  • le choix des auteurs invités en médiathèque. Penda : « Je pense par exemple à tout un travail qu’on a fait avec Rachid Santaki, qui est auteur de polar, et que vous connaissez peut être parce qu’il organise la dictée des cités, c’est un peu du Bernard Pivot mais aujourd’hui en 2017. On en a organisé une d’ailleurs samedi dernier à la basilique de Saint-Denis lors des journées populaires du livre organisées par la ville. Il était en résidence à la médiathèque pendant un an. Voir qu’il y a un auteur habitant dans Saint-Denis, racisé, qui écrit des polars, qui fait plein de choses, ça peut aussi avoir valeur d’exemple pour les jeunes qui viennent à la médiathèque, pour les collégiens, lycéens qui ont pu participer aux ateliers, et je pense que c’est aussi intéressant de travailler sur ces questions là. » Elle parle également du festival hors limites
  • l’action de l’association LIRE à Paris qui va lire dans les salle d’attente de PMI, par exemple en choisissant des jours où des traductrices sont présentes pour pouvoir toucher l’ensemble des enfants. J’ai la chance de travailler avec eux et quand on arrive à faire venir des parents qui ne maîtrisent pas du tout le français ou pour qui la bibliothèque reste un endroit où on ne peut pas aller avec un tout-petit parce que ça fait du bruit et que la bibliothèque c’est un endroit où les bibliothécaires disent chut, c’est une victoire.
  • Les partenariats avec les structures du quartier. J’explique qu’on reçoit beaucoup de groupes, des crèches, des classes… et qu’on cherche comment faire revenir ces enfants avec leur famille. Nous on a fait le choix d’aller à la crèche à l’heure où les parents viennent récupérer les enfants pour rencontrer les familles, expliquer ce qu’on fait, que les enfants viennent à la bibliothèque pendant leur journée mais aussi qu’eux peuvent venir, etc. Un travail d’explication de ce que c’est que la bibliothèque, de ce qu’on y trouve. On travaille avec des écoles classées REP voire REP+ avec un public parfois un peu éloigné du livre, avec une image très austère de la bibliothèque. Simplement, la bibliothèque c’est un endroit où on ne va pas. Donc on les invite le samedi matin pour moment convivial, un petit déjeuner en présence de l’enseignante. On a la chance d’avoir des enseignantes qui sont engagées puisqu’elles viennent sur leur week end. Le fait de les inviter tous ensemble, ça permet de toucher des publics qui ne viendraient pas spontanément.

 

La question de la formation des bibliothécaires 

Le jour de cette table ronde, nous étions entre convaincues de la nécessité d’avancer sur ce sujet. Mais ce n’est pas forcément toujours le cas.

Penda souligne que c’est quelque chose qui doit être partagé en équipe, et qu’on doit tous être convaincus de l’utilité de la démarche, de sa pertinence et de sa nécessité. Parfois, les difficultés peuvent aussi être plutôt de notre côté, nous bibliothécaires, parce qu’on peut aussi avoir des préjugés, des stéréotypes. Essayer de mettre tout ça à plat et de déconstruire un maximum. Il y a aussi ce qu’on peut dire, projeter sur le public qui vient à la médiathèque, etc.

La formation est donc une question centrale. Et actuellement, certaines formations sont problématiques. Penda raconte ainsi qu’elle a fait une formation au CNFPT il y a quelques années sur l’accueil des publics et le formateur nous expliquait que quand on voyait une femme sénégalaise arriver dans la médiathèque, il fallait plutôt l’orienter vers les livres de cuisine. Voilà. Donc bien sûr tout de suite je me suis mise assez en colère et que j’étais absolument contre cette idée, que c’était quelque chose que je ne me voyais pas du tout appliquer. Et le lendemain, il est venu vers moi en disant « non mais en fait je sais pourquoi vous étiez un peu cachée hier, c’est parce que vous même vous êtes sénégalaise ». Voilà. Donc je vous laisse juger de la violence de la situation, mais tout ça pour dire que les formateurs eux-mêmes ont aussi des préjugés, que nous mêmes nous avons des préjugés et qu’il faut aussi être vigilants à tout ça.

C’est ce que montre la traduction publié sur le blog de légothèque d’un article d’Erika Sanchez, une autrice américaine d’origine hispanique qui témoigne : tous les auteurs, quand ils sont interviewés, disent « moi, quand j’étais petit, j’allais à la bibliothèque », mais moi, quand j’allais à la bibliothèque, on se faisait virer parce qu’on parlait espagnol, le staff tout le monde était blanc, et quand on demandait de l’aide, les bibliothécaires râlaient parce que nos parents ne venaient pas avec nous.

Sophie raconte qu’elle a travaillé à un livre sur les questions LGBT (le livre numérique est disponible gratuitement ici !), il y avait toute une formation qui avait été faite sur le sujet, et les bibliothécaires disaient « oui mais on a un livre qui traite de cette question là donc le sujet est couvert ». Et ça, c’est une réponse qu’on ne peut pas valider. On ne peut pas se dire que parce qu’on a Jean a deux mamans la question LGBT est couverte, ce n’est pas vrai ! 

Il faut aussi prendre du temps (et c’est souvent compliqué) d’échanger en équipe. Et souligner que ça ne doit pas être vu comme du militantisme (on a tendance à avoir l’étiquette « féministe » collée sur le front), c’est juste inscrire la bibliothèque dans la société dans laquelle elle est.

A propos d'(auto)formation, j’ai mis en avant internet et les réseaux sociaux car c’est en grande partie là où je me suis formée, où j’ai découvert des choses, en échangeant sur twitter avec des militantes, avec des auteur·e·s, avec des afroféministes, etc. Ca m’a beaucoup apporté.

Se pose aussi la question de la diversité des bibliothécaires eux-mêmes. Ainsi, une personne dans le public dit « j’ai vu comme pas mal d’entre vous je pense le docuemntaire de Wisemann sur les bibliothèques de New-York, et ce qui m’a frappé dans ex libris c’est qu’on y voit des bibliothécaires hommes, femmes, d’origine asiatique, maghrébine, noire… On disait aussi qu’aux Etats-Unis il y a plein de livres sur les cheveux crépus, mais en fait, les bibliothécaires eux-mêmes représentent la diversité, ce qui n’est pas du tout du tout notre cas. Vous avez peut être passé les concours comme moi, et à chaque fois c’est quelque chose qui me choque énormément : on est dans une salle immense et il va y avoir une personne noire qui va passer le concours de bibliothécaire par exemple, parmi 500 candidats et candidates blanches. Donc si j’avais une question, c’est savoir comment donner envie à des petits garçons, des petites filles, français, mais d’origines diverses et variés, d’être bibliothécaires. » Diariatou reconnait avoir elle-même des préjugés sur le métier de bibliothécaire et se réjouit d’avoir rencontré Penda : « j’en connais deux maintenant des bibliothécaires noires, avec des cheveux crépus ». Si déjà dans les équipes, dans le recrutement, il y avait plus d’exemples de personnes qui représentent la société telle qu’elle est, cela permettrait de se dire que tout le monde peut faire ce métier. Penda rapporte cette anecdote : « il y a 3 semaines, il y a 3 gamines qui viennent à la bibliothèque pour leur stage de 3e, elles ont 15 ans, elles sont toutes les 3 noires. Ma collègue leur dit « je vais chercher la responsable ». J’arrive et elles me regardent avec des grands yeux « c’est vous la responsable ? ». Elles-mêmes elles n’avaient pas du tout imaginé que la responsable de la médiathèque puisse être noire en fait. Et je pense que ça a ouvert quelque chose chez elle. Alors je dis pas qu’elles vont devenir bibliothécaire, mais malgré tout elles se disent « c’est possible ».

Voilà la fin du compte-rendu. Une heure, ça passe très vite, et il y a beaucoup d’autres sujets qu’on aurait voulu aborder, j’espère qu’on le fera par la suite, sous une forme ou une autre !

 

Je vous ajoute une série de ressources sur la diversité dans la littérature jeunesse, c’est plus facile par écrit et avec des liens qu’à l’oral !

Sur la diversité au sens large où on l’entend, la super bibliographie Kaléidoscope, sous-titrée  « Osez un monde inclusif où chaque enfant peut être lui-même ». Elle aborde l’égalité des sexes, la diversité sexuelle et de genre, la diversité familiale, la diversité corporelle, le handicap, la diversité culturelle…

J’ajoute aussi cette bibliographie de l’atelier des merveilles, « pour vivre ensemble, riches de nos différences« , qui complète celles sur l’égalité filles/garçons.

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Sur la diversité mélanique et culturelle, je vous invite bien sur à adhérer à l’association Diveka, présidée par Diariatou. Vous pouvez également suivre le travail de l’association sur Facebook et sur twitter.

Sur la diversité des représentations hommes/femmes, je vous renvoie à la partie bibliographie du site, où j’ai réuni beaucoup de ressources intéressantes et aux liens du moment.

Sur le handicap, on m’a conseillé la bibliographie du site handicap.fr. Et il faut aussi prendre en compte la question de l’accessibilité des documents. Je voulais donc donner le lien du blog des pôles sourds de la ville de Paris. Mettre en avant le superbe travail de la maison d’édition les doigts qui rêvent qui rend accessible l’album illustré aux enfants non-voyants grace à la tact-illustration. Ou parler des collections qui se développent à destination des enfants dyslexiques, comme dyscool chez Nathan qui adapte des succès de la littérature jeunesse ou flash fiction chez Rageot qui publie de courts textes d’auteurs confirmés dans une mise en page adaptée.

Sur les LGBT et l’homoparentalité, citons la rainbowthèque, répertoire participatif de livres avec des héros et héroïnes LGBT+, et la bibliographie jeunesse du Point G, centre de ressources sur le genre de la bibliothèque municipale de Lyon (j’en avais parlé ici).

J’essaye de partager régulièrement d’autres ressources intéressantes avec mes « liens du moment« .

Voilà pour cette rencontre passionnante, et il devrait y en avoir d’autres dans les semaines qui viennent !

Analyse des stéréotypes hommes/femmes par les enfants, suite et fin

Voilà la suite de la plaquette « que voient les enfants dans les livres d’images? des réponses sur les stéréotypes » dont je vous ai proposé le début ici.

Les premières pages sont dans la continuité directe des analyses d’images précédentes, et reprend quelques unes des réflexions des enfants.
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On s’intéresse ensuite au regard de leurs parents sur ces images (sensiblement le même que leurs enfants) et sur le sexisme.

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On achève cette seconde plaquette par le genre des objets de la vie quotidienne :

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Voilà pour le compte-rendu de cette passionnante étude. Il serait passionnant de faire à nouveau cette étude en 2015, afin de noter les évolutions, ruptures ou continuités. Malheureusement il n’existe pas, à ma connaissance, d’étude récente de cette envergure (il faudrait y remédier !). Cependant, pour l’analyse des stéréotypes dans des images voilà une intéressante initiative de la ligue de l’enseignement dont je parlais ici qui reprend la figure de l’ours : livret des enfants, livret des enseignants et livret des parents.

 

Analyse des stéréotypes hommes/femmes par les enfants

Il y a quelques mois, je vous ai présenté une plaquette intitulée « Quels modèles pour les filles ? Une recherche sur les albums illustrés », compte-rendu chiffré de  la recherche faite par l’association du côté des filles en 1996, sur les représentations des hommes et des femmes dans 537 albums jeunesse. (vous pouvez trouver d’avantage d’informations et de ressources sur cette étude sur la page analyse des représentations genrées). Grâce à Rosalie Freevole, je peux désormais vous présenter la suite, « Que voient les enfants dans les livres d’images ? des réponses sur les stéréotypes » qui est une enquête qualitative sur la perception, par les enfants et les adultes des images des hommes et des femmes proposées dans les albums analysés. unnamed On commence par une brève présentation de l’étude des albums :

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Puis une présentation de la démarche utilisée dans cette deuxième partie :

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Une présentation des images symboliques présentées aux enfants (on remarque que les attributs du père sont plus nombreux que ceux de la mère) :

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Et voilà les réponses et les analyses des enfants (on note que pour interpréter les images, ils s’inspirent à la fois de leur vie quotidienne et des représentations que l’on trouve dans les livres pour enfants) :etude6

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Voilà qui fait déjà pas mal de lecture, la suite arrive bientôt !

Quels modèles dans les albums jeunesse ? Analyse

Trouvée à la bibliothèque, une plaquette présentant la recherche faite par l’association du côté des filles numérisée ici. En 1996, elle a analysé les représentations des hommes et des femmes dans 537 albums jeunesse. Et c’est vraiment passionnant. On trouve également un résumé de cette étude en ligne. Cette étude est toujours une ressource primordiale sur ces représentations (il serait d’ailleurs passionnant de refaire cette analyse pour voir si les choses ont évolué ou non). Elle est d’ailleurs en bonne place dans mon onglet analyse des représentations genrées.

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Cette plaquette portant le chiffre 1, il y a probablement une suite, mais je ne l’ai pas. Si ça dit quelque chose à quelqu’un, ça m’intéresse !

 

 

Les liens de la semaine (7 septembre 2014)

Aujourd’hui, on commence avec un livre pour ados bourré de stéréotypes sexistes. Quelques mois après l’article de Mme Déjantée, le dico des filles (Fleurus) refait parler de lui sur des sites québécois, la gazette des femmes et la presse.

 

Mais on poursuit heureusement avec plein de chouettes albums :

Elise Gravel, auteure et illustratrice, propose gratuitement sur son site un album pour enfants numérique intitulé « tu peux » pour lutter contre les stéréotypes de genre. « vous y trouverez des filles qui pètent, des garçons sensibles, des filles drôles et des garçons qui prennent soin des plus petits. »

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Un article de radio Canada présente le projet ici.

A l’occasion de sa réédition le 24 septembre chez Actes Sud Junior, La Mare aux Mots parle du super Rose bonbon d’Adela Turin et Nella Bosnia, initialement publié aux éditions des femmes, dans la collection du côté des petites filles. On y trouve aussi un article sur le chevalier noir de Michaël Escoffier et Stephane Sénégas (Frimousse, 2014) qui va compléter ma liste présentant des princesses pas niaises. Vous pouvez en voir quelques extraits ici. Enfin, on y parle de Jérôme par Coeur de Thomas Scotto et Olivier Tallec album dans lequel Raphaël aime Jérôme, ce qui perturbe les adultes de son entourage qui cherchent à coller une étiqueter sur leur relation (amitié ? amour ?). On trouve également des articles sur ce livre dans Causette et dans le cabas de Za.

Retrouvez  les liens au fil de la semaine sur la page facebook du blog et sur twitter ! Bonne lecture.

Les liens de la semaine (31 août 2014)

Présentation d’albums :

Cligne-cligne magazine propose une vidéo présentant l’album Totor et Lili chez les Moucheurs de nez de Philippe Corentin et Alain Le Saux (Rivages, Marseille, 1982, malheureusement épuisé) en l’introduisant par ce texte : « Sous prétexte d’une exploration du monde des Grands, c’est en réalité une cruelle caricature des comportements masculins qui est ici révélée à la jeunesse. » Philippe Corentin s’intéresse à nouveau à la question dans Papa n’a pas le temps publié chez Rivages en 1986 : « Papa n’a pas le temps présente le quotidien d’un couple, vu à travers les yeux de leur fille, qui explique les différents aspects de leur vie quotidienne : on constate très vite que la mère assume toutes les tâches ménagères et toutes les corvées, tandis que le père a, d’après le commentaire, toujours une bonne raison de ne rien faire… Le livre traite du machisme ordinaire, des clichés de la vie en couple, considérés comme normaux par de nombreuses personnes. »

Les éditions Sarbacane publient Rosie, géniale ingénieure, de Andrea Beaty et David Roberts, qui a l’air chouette. Le prénom de l’héroïne est un hommage à Rosie la riveteuse, femme ouvrière devenue symbole féministe. Je vous en reparle dès que j’ai l’occasion de le feuilleter !

Mélanie Decourt, éditrice chez Talents Hauts, est invitée sur le blog la Mare aux mots et présente des albums coup de coeur, dont Clémentine s’en va de Nella Bosnia et Adela Turin (éditions des femmes, 1976, épuisé).

 

Réfléxion, analyse :

Légothèque est un groupe de bibliothécaires qui a pour objectif de défendre une bibliothèque « engagée contre l’homophobie et les stéréotypes de genre » et de réfléchir au multiculturalisme, à la représentation des minorités. Il travaille sur les collection, mais également sur l’accueil du public. Deux membres du groupe ont répondu à une interview pour présenter leur projet ici et vous pouvez les retrouver sur leur blog, sur Facebook et sur twitter.

L’EHESS propose en 2014-2015 un cycle de conférences intitulé « Filles et Garçons, le genre fait-il La différence? » dont vous trouverez le programme ici. La première conférence s’intitule 2014 : filles et garçons, l’égalité. Pour qui ? Pour quoi ? et aura lieu le lundi 29 septembre. Une conférence sera également dédiée aux pratiques culturelles des enfants et des adolescents à l’épreuve du genre, et j’espère que je pourrai y aller (c’est le lundi 22 juin, j’ai le temps !)

Un livre qui a l’air très intéressant : »À l’école des stéréotypes. Comprendre et déconstruire » sous la dir. de C. Morin-Messabel & M. Salle (l’Harmattan, 2013). Marie Duru-Bellat le présente ici et on peut en trouver d’assez longs extraits . Deux chapitres concernent la littérature jeunesse, « Albums contre-stéréotypés et lecture offerte en Grande Section de Maternelle : mesure de l’impact sur les élèves à travers le dessin et la dictée à l’adulte » et « Corps en jeu dans la littérature de jeunesse ». D’autres chapitres concernent les manuels scolaires, l’enseignement de l’histoire, les normes de sexes dans les interactions entre enseignant(e)s et élèves…

 

Militantisme :

Ariane Baillon, qui vient d’avoir son baccalauréat a lancé une pétition intitulée « Benoît Hamon, donnez une place aux femmes dans les programmes scolaires« , aujourd’hui fermée après avoir recueilli plus de 14 000 signature. Un article ici, un autre et une émission de radio (7 minutes). Pour en savoir plus sur les représentations des hommes et des femmes dans les manuels scolaires, faites un tour sur le site du centre Hubertine Auclert qui a (entre autres) adressé un rapport au sénat sur la question. Ce centre a aussi décidé de décerner un prix pour « récompenser le caractère égalitaire d’une action ou d’un support, tels les manuels scolaires », mais ne l’ont pour le moment jamais décerné faute de manuels remplissant leurs conditions !

 

Retrouvez  les liens au fil de la semaine sur la page facebook du blog et sur twitter ! Bonne lecture.