Dans les contes traditionnels, le prince accomplit des exploits pour obtenir la main de la princesse. Il la délivre, la sauve, ou triomphe de l’épreuve réclamée par le roi pour l’épouser. La princesse, elle, attend et le regarde affronter les épreuves.
Simone de Beauvoir dit, dans le deuxième sexe, tome 2 (Gallimard, 1949) :
« Elle apprend que pour être heureuse il faut être aimée ; pour être aimée, il faut attendre l’amour. La femme c’est la Belle au Bois Dormant, Pean d’Ane, Cendrillon, Blanche Neige, celle qui reçoit et subit. Dans les chansons, dans les contes, on voit le jeune homme partir aventureusement à la recherche de la femme ; il pourfend les dragons, il combat les géants ; elle est enfermée dans une tour, un palais, un jardin, une caverne, enchaînée à un rocher, captive, endormie : elle attend. Un jour mon prince viendra… Les refrains populaires lui insufflent des rêves de patience et d’espoir »
Dans cet extrait du documentaire pour petits les princesses de Stephanie Ledu et Lucie Brunellière (Milan, 2007), cette passivité s’exprime aussi bien dans le texte que dans l’illustration, avec une princesse assise, les mains jointes, alors que le prince est en train de se battre.
Dans Saint Georges et le dragon de Margaret Hodges et Trina Schart Hyman (Le Genevrier, 2014), la princesse Una va chercher le chevalier, elle est présentée comme courageuse, mais comme dans l’illustration précédente, elle assiste au combat de loin : « Georges pria Una de s’éloigner du danger pour assister au combat » puis « sa gente dame n’osa s’approcher pour le remercier que lorsqu’elle fut vraiment sûre que le dragon ne bougerait plus jamais ».
La princesse est parfois enfermée, ce qui l’empêche d’avoir le moindre rôle actif. C’est le cas dans Raiponce, où elle est enfermée dans une tour. Même lorsque la sorcière l’en chasse, qu’elle se retrouve à l’extérieur, elle se contente d’attendre, et c’est le prince, pourtant aveugle, qui se déplace jusqu’à la retrouver.
« L’inconvénient – ou, si vous préférez, l’avantage – d’être une princesse est de demeurer profondément passive. Vous vous contentez de rester assise là, sur votre trône, ou sur quelque rocher avoisinant : que les prétendants et les dragons règlent donc leurs affaires entre eux ! Poussée à l’extrême, cette passivité devient sommeil ou catalepsie. » (Alison Lurie, Ne le dites pas aux grands, essai sur la littérature enfantine, Rivages, 1999). Ainsi dans princesses oubliées ou inconnues de Philippe Lechermeier et Rebecca Dautremer (Gautier-Languereau, 2004) on découvre, avec une ironie certaine, la princesse de la Molle qui « a pour règle absolue de ne rien faire qui puisse lui couter le moindre effort. Elle se couche tôt, se lève tard et ne manque jamais la moindre sieste. Entre ces moments de repos et afin de se détendre, elle se prélasse sur d’immenses coussins dont la mollesse est légendaire ».
Mais l’exemple le plus évident reste bien sûr la belle au bois dormant où la princesse dort pendant 100 ans et qui est réveillée par le prince.
Les albums contemporains reprennent fréquemment cette image de la princesse qui attend. Quand on lit par exemple la princesse, le dragon et le chevalier intrépide de Geoffroy de Pennart (Kaleidoscope, 2013), on s’attend à un détournement du schéma traditionnel du conte (la princesse a un métier, le dragon est son ami, le chevalier est bête), et pourtant, c’est bien le chevalier qui part à l’aventure, affronte des monstres, pendant que la princesse le regarde de loin avec des jumelles et a beau crier qu’il faut l’aider, ne fait rien du tout. Elle finit bien sûr par tomber amoureuse de lui. (cet album a été analysé en détails par Egaligone ici).
La princesse est donc passive, observatrice voire endormie, pendant que le prince mène l’action. Elle se contente d’attendre le baiser du prince…
Je trouve que les illustrations du livre sont très colorées. Mes enfants vont certainement l’apprécier. Dans les histoires, les princes vont souvent au-devant du danger. Les princesses ne tiennent pas les rôles les plus importants.