« Maman, dans tes bras » où comment renforcer les stéréotypes sous couvert d’humour

Maman, dans tes bras est un album de Soledad Bravi paru à l’école des loisirs en 2014. Je trouve certains albums de Soledad Bravi réussis et j’ai lu des commentaires élogieux de cet album sur plusieurs blogs que j’aime bien, comme ici et . J’avais donc plutôt hâte de le découvrir. Et pourtant cet album m’a agacé dès la première lecture.

maman dans tes bras bravi

Son principe est très simple : un petit garçon appelle sa mère, dans toutes sortes de situations de la vie courante. Parce qu’il a faim, parce qu’il a fini de faire caca dans son pot, parce qu’il est malade, mais aussi parce qu’il veut jouer ou parce qu’il veut un câlin.

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On retrouve donc toutes les situations de la vie quotidienne d’un enfant et les phrases et les réflexions de ce petit garçon correspondent au vécu de tous les parents. Mais le fait qu’il ne s’adresse qu’à sa mère me fait tiquer. Le père n’apparait qu’à la fin de l’album (oui, je spoile la chute de l’album) :

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Nous avons donc dans cet album l’ensemble des stéréotypes sexistes concernant les rôles du père et de la mère : la mère qui s’occupe de l’enfant, qui s’occupe du linge, des courses, de la cuisine, pendant que le père reste assis dans son fauteuil en lisant le journal (voir ici la symbolique du fauteuil et du journal, associés au père). Alors je sais qu’aujourd’hui, les mères en font encore beaucoup plus que les pères statistiquement en ce qui concerne l’éducation des enfants mais j’espère qu’une famille aussi caricaturale avec la mère qui fait tout et le père qui a le cul posé sur son fauteuil fait désormais figure d’exception.

On me rétorquera que c’est de l’humour et du second degré, que l’auteure joue avec les stéréotypes. J’y crois volontiers, espérant qu’on ne puisse plus avoir cette image caricaturale du père en 2014. Mais ça n’en rend pas la chose moins problématique à mes yeux. Puisque la seule raison de trouver ça drôle c’est de trouver qu’au fond, ça correspond à la réalité, de se dire « ah, c’est bien vrai ». Et donc de conforter voire de renforcer les stéréotypes de genre et une forte inégalité entre le père et la mère dans l’éducation des enfants. Et je doute qu’un enfant de 3-4 ans, à qui est destiné le livre, se dise que c’est du second degré.

Non, chez moi les choses ne fonctionnent pas comme ça. Et non, je ne trouve pas ça drôle (mais c’est bien connu, les féministes n’ont aucun humour !). Et quand je vois que l’école des loisirs a utilisé le tag « image de la femme » pour caractériser cet album, ça me déprime franchement.

Et vous, qu’avez-vous pensé de ce livre ?

6 commentaires

  1. Il y a un mème qui circule en plusieurs langues avec cette « blague », et je suis parfaitement d’accord avec toi, ça fait rire parce que les gens se disent « ah mais c’est carrément vrai ». Et je doute qu’un enfant de trois ans ait assez de recul pour trouver la situation décrite anormale.

  2. Hmmm un cas très intéressant! je ne connaissais pas ce bouquin. Pour moi l’humour est évident, mais la blague est en effet assez éculée et le fait qu’elle s’adresse à un public d’enfants la rend assez problématique. Difficile pour moi de me faire une opinion.

  3. J’aurais tendance à me dire qu’il s’agit d’un livre dont il est nécessaire de parler après. Genre : « Elle est où la Maman? Elle a dû partir se reposer, faire une balade seule, tranquille. Elle doit être fatiguée que l’enfant ne s’adresse qu’à elle. Pourquoi il demande pas au Papa? ». Je me dis qu’il peut peut être servir à mettre le doigt sur un (dis)fonctionnement familial avec humour, non?

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