Filles ou garçons ? Albums avec héros non genrés

Dans mon article précédent, je montrais que le masculin est utilisé pour représenter le masculin et un neutre qui ne l’est pas, et que le féminin est décliné à partir du masculin. Et que la quasi totalité des personnages d’albums rentrent dans cette bicatégorisation masculin/féminin. Les albums où les personnages ne sont pas genrés (ni dans les illustrations ni dans le texte) sont rares. Ce sont des bébés ou des tout-petits (en tout cas, je n’ai pas trouvé d’album avec un personnage non genré plus âgé, mais si vous avez des pistes…). Et si le tout-petit n’est pas genré, les adultes qui l’entourent le sont, avec les figures maternelles et paternelles. Mais même quand on représente des bébés, cette incertitude sur leur genre est une exception.

Parmi eux, on peut citer : Bon voyage bébé de Béatrice Alemagna (Hélium, 2013) dont je parlais déjà ici parce qu’on y voit, pour une fois, un père changer une couche : bon voyage bébé Ne bouge pas ! de Komako Sakaï et Nakawaki Hatsue (l’école des loisirs, 2006) que je présente ici. ne bouge pas Sakai La série Lou et Mouf de Jeanne Ashbé dont voilà la liste des titres.

lou et mouf 1  lou et mouf 2  lou et mouf 3

Babils et chuchotis cite aussi la série Barri de Marc Clamens, où le personnage est un petit éléphant. Edit du 4 mai 2015 : mais Gabriel de la mare aux mots souligne qu’il est désigné comme un garçon dans plusieurs titres de la série (« Aide-le »).

En ce qui concerne les dessins animés, Laure Ollive m’a fait découvrir Gros-pois et Petit-point qui, s’ils sont désignés par des pronoms masculins dans le résumé, ne sont pas genré dans le dessin animé lui-même, en tout cas en ce qui concerne les extraits que j’ai vu.

Pour ce qui est des illustrations, on évite alors les couleurs trop connotées et les accessoires trop féminins. Pour ce qui est du texte, les albums utilisent essentiellement des verbes d’actions et peu d’adjectifs ou de participes passés. Bon voyage bébé est écrit à la première personne, dans Ne bouge pas !, l’enfant s’adresse aux animaux à l’impératif. Et Lou et Mouf utilise un prénom/surnom mixte.

Il y a aussi les albums qui utilisent des formes abstraites ou géométriques comme personnages, comme Petit bleu et petit jaune de Léo Lionni ou le « Petit carré » de Quatre petits coins de rien du tout de Jérôme Ruillier, cependant on remarque que l’adjectif « petit » est accordé, ce qui reste une manière de genrer ces personnages. C’est le cas aussi pour la p’tite bête d’Antonin Louchard ou pour le petit monstre de Mario Ramos.

(Je ne parle ici que des albums avec un personnage principal identifié, mais on trouve aussi des albums avec des personnages multiples que je ne listerai pas ici parce que cet article est déjà long!)

Et même quand il n’y a pas de marquage sexué, on a tendance à quand même attribuer un sexe (généralement masculin) au personnage :

« Ce qui ne veut pas dire qu’en l’absence de marquage sexué, les enfants ne sexuent pas le personnage. D’abord parce que dans notre société, les enfants (comme les adultes d’ailleurs) sont poussés à la bicatégorisation de sexe, le masculin ou le féminin, le neutre n’étant pas reconnu comme une catégorie. » (Comment la presse pour les plus jeunes contribue-t-elle à élaborer la différence des sexes ?)

Voilà par exemple ce que dit Maman travaille de Winnie l’ourson. Et Jeanne Ashbé, lorsqu’elle parle de Lou et Mouf, parle de « petit bonhomme » et utilise un pronom masculin pour le désigner. Et vous, en voyant les couvertures au dessus, n’avez-vous pas, malgré vous, attribué un genre aux bébés dessinés ? Véronique Rouyer souligne, dans la construction de l’identité sexuée (Armand Colin, 2007) :

DeLoache et DeMendoza (1987) montrent que des biais apparaissent chez les mères dans la lecture de livres illustrés, notamment par l’emploi des prénoms masculins pour parler des personnages neutres. Ainsi, l’utilisation de personnages neutres ne garantit pas la réduction du sexisme, d’autant plus que l’adulte attribue alors un genre (le plus souvent masculin) aux personnages neutres. Les enfants ont aussi tendance à assigner aux personnages animaux un genre.

J’avais demandé des conseils et des idées sur twitter, n’hésitez pas à aller voir ici !

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3 commentaires

  1. Il y a Camille, dans « l’heure des parents » qui est (volontairement) non genre. On trouvait d’ailleurs déjà ce personnage au prénom mixte dans « mon grand album de bébé » de Bruel et Claveloux aussi, ou le narrateur s’adresse directement au personnage en disant « tu » pour ne pas lui attribuer un sexe. Les enfants a qui je l’ai lu sont partagés sur le sexe du personnage. Malheureusement, il n’est plus édité…

    1. Oh, je n’y avais pas pensé, alors que j’adore cet album ! Et je vais essayer de trouver « mon grand album de bébé » en bibliothèque. Merci !

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