BD, DVD, livres pour enfants : la portion congrue des héroïnes de Nina Schmidt

Il s’agit d’un inventaire par l’observatoire des inégalités des héros des livres et des DVD Jeunesse que propose l’un des principaux vendeurs de produits culturels en ligne (Amazon). La liste des héros analysées est proposée par le site (sur la gauche de cette page). Vous pouvez trouver l’analyse complète ici.

Résumé de l’étude (j’ai repris le texte en faisant des coupes) :

Une première partie est une état des lieux :

Les filles constituent 38 % des héros individuels des livres pour enfants, 10 % de ceux des BD et 24 % de ceux des DVD jeunesse.

Part des héroïnes dans les livres, DVD et BD jeunesse
Nombre de héros collectifs ou couples Nombre de héros masculins Nombre d’héroïnes Total Part des héroïnes sur le total des héros individuels
Livres 14 49 30 93 38 %
BD 24 46 5 75 10 %
DVD 10 35 11 56 24 %
Source : Calculs de l’Observatoire des inégalités

En ce qui concerne les livres pour enfants, la majorité des héroïnes sont des petites filles (comme Charlotte aux fraises, Juliette) qui font l’apprentissage de la vie exactement comme les héros masculins tels que Petit ours brun ou T’choupi. Mais certains rôles et attitudes demeurent très sexués, comme dans certains épisodes de Martine (mais pas tous) ou encore comme dans Lilicat, petite chatte définie par plusieurs traits de caractère spécifiques : Lilicat est coquineLilicat est peureusecoquettegourmandecurieuse… Le site de vente en ligne nous propose ensuite quatre aventurières (parmi elles, deux sont tout de même rattachées à l’univers domestique), quatre sorcières et quatre filles « dégourdies ».

Parmi les héros masculins, on compte une majorité d’animaux qui découvrent la vie et le monde, puis quelques enfants dans la même situation. Puis, des héros fantastiques ou avec des pouvoirs magiques, huit intrépides ou “délurés”, un détective. Aucun rôle ne prédomine : si les garçons sont plus nombreux en héros anti-conformistes que les filles, ils ne sont pas tellement plus que les sorcières et les aventurières à disposer de pouvoirs ou à être transportés dans une aventure fantastique… La plupart des héros pourraient être des héroïnes.

En ce qui concerne les DVD, l’écart est encore plus important que dans les livres : les filles représentent 24 % des personnages principaux, contre 76 % de garçons. Les différences se renforcent encore lorsque l’on se demande qui sont ces héros et ces héroïnes. Hormis les héros masculins de la petite enfance, les héros « garçons » ont des pouvoirs exceptionnels tels Harry Potter, ils sont débrouillards ou partent à l’aventure, sont turbulents mais malicieux ou bien pirates, cowboys, justiciers (ZorroTintinLucky Luke) etc. En revanche, aucune héroïne de DVD n’est pirate ou même dotée de super pouvoirs. Elles sont plutôt des fées, des princesses, des Barbie, des cavalières… Il n’y a qu’une exploratrice : Dora.

La bande-dessinée nous réserve les plus grands écarts entre filles et garçons : seulement 10 % de ses personnages principaux sont des héroïnes. Parmi les hommes, on trouve des justiciers , des héros fantastiques ou de science-fiction, des enquêteurs, des sportifs, un chevalier. Neuf sont de jeunes garçons ou ados plutôt normaux et sept sont des héros d’aventure comiques. Suivent dix animaux rigolos voire anti-héros… Cinq seulement sont des filles : Bécassine, l’anti-conformiste Mafalda, la sorcière Mélusine, la justicière (mais néanmoins rose et pailletée) Sailor Moon, gardienne du système solaire qui en combat les ennemis (méchants extra-terrestres et autres…), et Yoko Tsuno, l’électronicienne « belle et intelligente » qui voyage dans le temps. La sous-représentation des personnages féminins est impressionnante, même si l’on peut noter qu’aucune héroïne n’est réellement cantonnée à un univers domestique et/ou maternel. La bande-dessinée s’illustre comme le lieu d’actions propres aux garçons : faire le rigolo et courir l’aventure, attitudes auxquelles la BD ne laisse pas aux filles la possibilité de s’identifier. Mais une grande partie de ces personnages sont anciens…

La seconde partie de l’étude est une analyse de l’état des lieux.

L’observation de la répartition par sexe des héros et héroïnes fait apparaitre une forme de diversité des rôles et l’ambigüité de certains personnages. De nombreuses filles ne peuvent pas être assimilées à des personnages en retrait, en charge de tâches domestiques ou accomplissant des activités dites typiquement féminines. Pour une partie des héros de la littérature jeunesse, les rôles de personnages masculins pourraient d’ailleurs être intervertis avec ceux des filles. On demeure tout de même très loin de l’égalité en matière de représentation des deux sexes. Tant par leur nombre que par leurs rôles, les héroïnes féminines restent largement placées en situation d’infériorité. Il faudrait aussi pouvoir mesurer l’exposition différenciée des héroïnes. Quel poids peut avoir aujourd’hui Fantomette(1961) face à un Harry Potter ? Sans compter que cette exposition varie très probablement en fonction des milieux sociaux. A ce titre, l’écart important entre les héros et les héroïnes des DVD et des BD interpelle : ce sont en effet des supports davantage accessibles au grand public, sans doute plus populaires que certains albums de littérature jeunesse. La socialisation n’est donc pas la même pour ceux qui regardent plus la télé qu’ils ne lisent de livres. Mais compte tenu de l’offre actuelle, aucun enfant – quel que soit son milieu social – n’échappe vraiment au sexisme des produits culturels.

Autres sources sur cette analyse :

Cette étude est présentée dans l’émission consacrée à la littérature jeunesse « Ecoute, il y a un éléphant dans le jardin » du 19 février 2014. Vous pouvez retrouver le texte de présentation de Véronique Soulé ici et réécouter (pour le moment en tout cas) un entretien avec Nina Schmidt. Elle y précise la méthode d’analyse.

Cette nouvelle analyse va rejoindre l’onglet « Analyse des représentations genrées« .

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5 commentaires

    1. Cette analyse ne porte que sur une liste de « héros » proposée par Amazon, et pas sur l’ensemble de la production éditoriale. Du coup, il y a des décalages. Et j’ai été surprise de cette liste, parce que même en dehors de Sardine de l’espace, des héroïnes de BD qui marchent bien, y’en a quand même un certain nombre, même si certaines BD sont franchement pas terribles. Je m’attendais par exemple à trouver Lou, les nombrils, la rose écarlate…
      Mais à mon avis Amazon est fort pour mettre en avant ce qui se vend (et vu la liste, s’adresse plus aux parents qu’aux enfants directement…)

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